S’épargner une chimiothérapie inutile ?

Lors du dernier San Antonio Breast Cancer Symposium (SABCS), la plus grande étude prospective randomisée (suivi de 12 ans) concernant les tests génomiques a présenté des résultats qui confirment leur utilité clinique. Ils permettent en effet à une partie des femmes atteintes d’un cancer du sein hormono-sensible d’éviter une chimiothérapie dont les effets indésirables peuvent comprendre notamment une altération des fonctions cognitives. Entretien auprès du Dr. Med. Khalil ZAMAN, PD-MER – Médecin adjoint au Département d’oncologie et Responsable médical du Centre du sein du CHUV.

Par Adeline Beijns

Docteur Zaman, qu’est-ce qu’un test génomique ?   

Utilisé dans le domaine de l’oncologie, un test génomique permet d’analyser l’expression de certains gènes au niveau du cancer. L’analyse de ces gènes va être parfois d’une grande utilité dans le traitement d’un cancer du sein hormono-sensible car elle permet non seulement de définir le degré d’agressivité du cancer, son risque de récidive mais aussi, et surtout, dans certains cas le bénéfice potentiel d’une chimiothérapie adjuvante. Autrement dit, il détermine si la chimiothérapie apporte un bénéfice supplémentaire à l’hormonothérapie adjuvante. Dans de nombreux cas, cette dernière évite ainsi une chimiothérapie qui se serait révélée inutile.

Par ailleurs, ce test ne nécessite pas pour la patiente d’effectuer un examen supplémentaire – les patientes en ont déjà tellement- puisqu’il se réalise sur le cancer qui a déjà été prélevé que ce soit au cours d’une tumorectomie/mastectomie ou d’une biopsie.

Comment fonctionne-t-il ?

Sur la base des cellules cancéreuses prélevées, le test génomique détermine le risque de récidive en fonction d’un score qui classifie les patientes en deux groupes, soit risque faible, soit élevé. Le bénéfice de la chimiothérapie est le plus grand pour le sous-groupe présentant un score élevé.

A qui s’adresse ce test ? 

Il ne s’adresse malheureusement pas à toutes les femmes souffrant d’un cancer du sein. L’utilité d’un tel test dépendra de l’âge, des caractéristiques histopathologiques du cancer, de son extension mais aussi du taux d’expression des récepteurs hormonaux (œstrogène et progestérone). Il est particulièrement utile pour les patientes ayant une tumeur hormono-sensible dont le risque de récidive est intermédiaire c’est-à-dire où on hésite pour la chimiothérapie. S’il n’y a pas d’atteinte ganglionnaire, le test peut présenter un avantage pour les patientes de tout âge. En revanche, lorsqu’un ou plusieurs ganglions sont atteints, il est surtout utile aux femmes ménopausées.

La chimiothérapie fait partie de l’arsenal thérapeutique donné aux patientes souffrant d’un cancer du sein. Les nouvelles données du SABCS, incluent notamment des analyses relatives à la déficience cognitive en relation avec la chimiothérapie. Qu’en pensez-vous ?

Plusieurs études ont en effet démontré qu’une partie des patientes ayant eu une chimiothérapie avaient souffert de troubles cognitifs comme des problèmes de mémoire et des difficultés à se concentrer. Ces troubles peuvent être transitoires mais peuvent aussi parfois durer plusieurs années. Etant donné que plusieurs facteurs peuvent influencer la survenance des problèmes de cognition (l’état de fatigue, certains aspects génétiques, le contexte psychologique, le style de vie…), nous ne sommes pas encore en mesure de déterminer quelles seront les patientes qui souffriront de tels troubles, ni comment les prévenir ou les traiter.

Est-ce que les troubles cognitifs sont plus importants lorsque la chimiothérapie est associée à l’hormonothérapie ou lorsque l’hormonothérapie est administrée seule ?

Les études montrent que ces troubles sont nettement plus fréquents lorsqu’il y a de la chimiothérapie. Il est donc d’autant plus important d’être précis quant aux bénéfices réels d’une chimiothérapie adjuvante par rapport aux effets indésirables qu’elle peut engendrer.  

L’utilité d’un test génomique permet-il de s’assurer que la chimiothérapie sera utilisée uniquement pour les patientes qui en bénéficieront ? 

Les tests génomiques sont utiles comme discuté auparavant, mais il s’agit d’un facteur parmi plusieurs autres facteurs dont nous devons tenir compte pour une décision thérapeutique. Ainsi, dans certains cas, lorsque les examens histopathologiques ne sont pas tout à fait concluants et que la patiente se trouve à un risque intermédiaire, le test peut permettre de déterminer l’utilité d’une chimiothérapie. Par contre, lorsque le cancer est à un stade peu avancé et que la tumeur est peu agressive, là, on ne recommande pas de faire un test génomique car la chimiothérapie n’est même pas envisagée.

A l’inverse, lorsque la tumeur est déjà développée et est également agressive, puisque la chimiothérapie ne fait aucun doute, on ne prescrit pas non plus de test génomique. Lorsque ce dernier vient confirmer le protocole recommandé par le médecin, c’est probablement aussi rassurant pour la patiente qui a une mesure objective supplémentaire (le score du test) à laquelle elle peut se référer.

D’après votre expérience, vous qui êtes quotidiennement en contact avec des patientes, comment imaginez-vous l’avenir de la chimiothérapie et des tests génomiques ?

La chimiothérapie reste pour l‘instant un outil thérapeutique important et est la pierre angulaire du traitement pour certains types de cancers du sein tels que les triples négatifs ou les HER2-positifs. Mais dans les cancers hormono-sensibles, les tests génomiques nous offrent un outil supplémentaire pour affiner nos décisions. Il se peut que le risque soit élevé, mais que la chimiothérapie ne puisse rien y changer.  Alors autant ne pas la donner et chercher d’autres stratégies. Parfois, il arrive aussi que les résultats des tests nous surprennent par rapport à notre première impression. Ainsi, il arrive qu’une petite tumeur se révèle agressive avec un test montrant un risque de récidive élevé. Dans ce cas-là, malgré la petitesse de la tumeur, l’indication d’une chimiothérapie mérite d’être discutée.

Cet article a été réalisé avec l’aimable soutien d’Exact Sciences International

L’ indépendance de l’opinion du médecin a été entièrement respectée

Vous avez aimé cet article ? Ne manquez pas :

Cet article vous a plu ?
Abonnez-vous à la version papier Salle d’attente pour avoir accès à toutes les informations sur le sujet: témoignages, tests, adresses utiles, infographies et autres.
Alors n’attendez-plus !
CHF39.00

Loading

Partagez sur

Facebook

Plus d’articles :

Le combat de Maria contre la polyarthrite rhumatoïde

Maria, une femme forte et résiliente, a passé sa vie à prodiguer des soins et à répandre la joie auprès des autres. Pourtant, la vie lui réservait un défi de taille. À l’âge de 50 ans, Maria commence à ressentir les symptômes de ce qui sera plus tard diagnostiqué comme de la polyarthrite rhumatoïde, une maladie auto-immune douloureuse qui peut gravement affecter la qualité de vie.

Loading

Lire la suite »

Comment appréhender la douleur ?

La douleur est une expérience que nous partageons tous, mais elle reste profondément personnelle et souvent mal comprise. Il s’agit d’un phénomène complexe qui peut aller d’une légère gêne à un handicap, et qui affecte non seulement notre bien-être physique, mais aussi notre santé émotionnelle et mentale. Dans cet article, nous examinerons la nature de la douleur, en explorant ses différents types, ses origines et les façons spécifiques dont elle se manifeste.

Loading

Lire la suite »

Contre vents et marées : vaincre le surmenage

Dans le monde d’aujourd’hui, où tout va très vite, le surmenage, l’anxiété et le stress sont devenus des réalités presque ordinaires. Alors que nous nous efforçons de concilier travail, famille et engagements personnels, la pression semble souvent implacable.

Loading

Lire la suite »

Ravivez la flamme sous la couette

Dans notre précédente édition, nous avions abordé le thème du désir sexuel et des possibilités thérapeutiques d’en éprouver un à nouveau lorsque ce dernier s’estompe ou disparaît. Aujourd’hui, nous traitons des raisons qui nous poussent à avoir une activité sexuelle et des facteurs hormonaux et physiologiques qui peuvent influencer notre capacité à avoir envie sexuellement.

Loading

Lire la suite »

Pour des jambes en pleine forme !

Souvent douloureuses, les varices sont bien plus qu’un simple problème esthétique. Si la génétique joue un rôle dans leur développement, les choix de mode de vie et les habitudes quotidiennes peuvent avoir un impact significatif sur l’évolution de la maladie. Entretien réalisé auprès de la Dre Pauline Fillet (à droite sur la photo), spécialiste FMH en chirurgie vasculaire , du Dr. Adrian Stefanescu (au milieu) et de la Dre Anne-Cécile Arnoult (à gauche), spécialistes FMH en Angiologie à la Clinique de Genolier.

Loading

Lire la suite »