La maladie de Fabry : les hommes plus touchés que les femmes

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La maladie de Fabry est une maladie de surcharge lysosomale très rare et héréditaire qui se caractérise par un déficit ou un mauvais fonctionnement de l’enzyme alpha-galactosidase A, présente dans les lysosomes de très nombreuses cellules. De nombreux organes peuvent être touchés mais tous les patients ne présentent cependant pas les mêmes symptômes. Entretien auprès du Docteur Frédéric Barbey, Médecin associé au service d’immunologie et d’allergologie et responsable de la consultation Fabry au CHUV. 

Par Adeline Beijns

Quel est le profil type d’un patient en Suisse ?

Pour une maladie qui peut présenter plus de 1000 mutations différentes et autant de variations du tableau clinique, il est difficile d’établir un véritable profil type des patients. On peut toutefois distinguer les hommes et les femmes présentant la forme classique de la maladie et les hommes ayant un développement tardif de l’affection.

Les femmes constituent le groupe de patients présentant en général le moins de symptômes et dont les atteintes sévères d’organes sont rares puisque l’on estime que seules 20% d’entre elles auront un ou plusieurs organes gravement touchés. Nombreuses sont les femmes qui vont être pratiquement asymptomatiques toute leur vie.

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Les hommes atteints de la forme dite classique, représentent la majorité des cas et sont les plus fortement touchés. Leur espérance de vie était, jusqu’il y a peu encore, de 55 ans. C’est dès l’enfance que la maladie de Fabry se révèle avec une progression tout au long de leur vie. Le cerveau, le cœur et les reins sont généralement gravement atteints. Enfin, les hommes présentant la forme à début tardif de la maladie présentent peu de symptômes pendant l’enfance et l’adolescence et c’est à l’âge adulte que les effets de la surcharge lysosomale se font sentir. L’organe le plus touché est le cœur. Le cerveau et les reins sont généralement épargnés.

En Suisse, au cours des 60 dernières années, on recense 46 familles représentant 170 patients suivis dans l’un des centres universitaires de Zurich, Berne ou Lausanne.

Pourquoi le diagnostic est-il si difficile et long ?

Il y a tout d’abord, une certaine méconnaissance du monde médical. En effet, étant donné qu’il s’agit d’une maladie rare, les médecins ont reçu peu d’informations sur la maladie de Fabry au cours de leur parcours universitaire. Ensuite, l’analyse génétique ne s’est véritablement développée qu’au cours des 5 à 10 dernières années. Avant cela, il n’était pas rare de devoir attendre un an voire deux ans pour obtenir des résultats génétiques. Il y a une trentaine d’années, ces deux éléments ont pu conduire à des retards de diagnostic de 18 à 20ans !

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Aujourd’hui, tant le développement de centres de compétence universitaires que celui des analyses génétiques font que le risque de retard significatif du diagnostic est beaucoup plus limité.

Pour les hommes, le dépistage est relativement simple et consiste à faire un dosage de l’enzyme déficiente. Les femmes peuvent avoir une activité enzymatique normale ou diminuée. Ainsi, une analyse génétique est indispensable.

A quels symptômes faut-il prêter attention dès le plus jeune âge ?

Chez l’enfant, et en particulier chez les garçons, il existe deux manifestations auxquelles il convient de prêter attention. Il y a tout d’abord la sensation de brûlure ressentie (appelée acroparesthésie) dans les mains et les pieds lorsque l’enfant fait de la fièvre, est en stress ou fait du sport. Vient ensuite le développement de nombreuses petites anomalies de la peau dans la zone située entre le nombril et le genou, de couleur rougeâtre et de la taille d’une épingle, que l’on appelle angiokératomes. C’est l’association de ces deux symptômes qui doit faire suspecter la maladie de Fabry. On remarque aussi une diminution de la capacité de transpirer (hypohidrose) chez la majorité des patients.

Chez l’adulte, les trois organes cibles de la maladie sont le cerveau, le cœur qui grossit et les reins qui deviennent déficients.

Quelles sont les conséquences et les risques de la maladie ?

En cas d’altération des vaisseaux sanguins du cerveau, un accident vasculaire cérébral peut se produire, à l’origine de séquelles neurologiques au cerveau, dont les conséquences peuvent être un handicap, une impotence, le développement d’une démence mais aussi des troubles du comportement (psychiatrique).

Les conséquences de l’agrandissement du cœur peuvent nécessiter l’implantation d’un pacemaker voire d’un défibrillateur interne pour remettre le cœur au bon rythme lorsqu’il y a une arythmie. Enfin, en cas d’atteinte rénale terminale, les seuls traitements sont les dialyses ou la transplantation dans le meilleur des cas. En prenant compte de tous ces éléments, le risque est bien un décès prématuré et une forte diminution de la qualité de vie. Néanmoins, grâce aux traitements spécifiques (perfusions de l’enzyme manquante par exemple), le pronostic à long terme pourrait être amélioré.

Quel est le quotidien du patient vivant avec la maladie de Fabry ?

Etant donné que la maladie s’attaque à de nombreuses parties du corps, il est bien évidemment difficile. Les acroparesthésies sont parfois difficilement atténuables par les médicaments.

L’isolement social et l’atteinte de l’estime de soi sont aussi des conséquences récurrentes. Sans compter la discrimination au point de vue de la souscription d’une assurance maladie privée ou perte de gains. Pour les activités militaires, les hommes atteints de la maladie, incapables de faire des activités sportives intenses, se voient généralement imposer le payement d’une taxe alors qu’ils n’ont pas choisi d’avoir la maladie. La liste des difficultés est malheureusement bien longue et touche de nombreux domaines.

Pour plus d’informations :

https://www.fabrysuisse.ch

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