Une « Santé Participative » en temps de crise !

La médecine participative s’appuie aujourd’hui massivement sur les réseaux sociaux pour développer de nouveaux écosystèmes de santé. Depuis que Linkedin (créé en 2003), Facebook (2004), Youtube (2005), Twitter (2006) ou encore WhatsApp (2009) lient des milliards de gens entre eux, on voit émerger de nouvelles formes d’actions participatives. Le monde semble changer de dimension. La médecine aussi. 

Par Xavier Comtesse, mathématicien

On peut désormais partager avec des inconnus disséminés dans le monde entier nos informations, expériences ou vécus. De plus, à l’intérieur de groupes spécialisés, ces réseaux sociaux dédiés offrent la possibilité non seulement d’échanger des informations et des connaissances sur telles ou telles thématiques mais également des savoir-faire, des pratiques voire des procédures de traitement, de prévention ou de diagnostic, etc. Individuellement aussi la connaissance a progressé notamment pour mieux comprendre son état physique en se mesurant à l’aide de bracelets connectés, en s’analysant avec des logiciels à disposition sur nos portables. Sans grande surprise, ce domaine de la santé a été, dès le début des réseaux sociaux, une activité parmi les plus prisée.

C’est sans doute la dimension participative, liée notamment au concept d’intelligence collective, qui en fait le principal attrait. De tout temps les gens s’échangeaient des savoirs et des savoir-faire mais maintenant la dimension de cet échange a explosé : c’est potentiellement le monde entier qui se parle et s’échange des pratiques. Cela n’a plus rien à voir avec une dimension familiale (recette de grand-mère) locale ou régionale. C’est une affaire globale.

De plus, c’est extrêmement facile car en un clic le monde s’informe. Cette rapidité est une autre caractéristique très nouvelle en médecine ou le temps a toujours joué un rôle fondamental dans la validation d’une pratique, d’une posologie. Le temps était un facteur essentiel de la recherche de vérité. C’est seulement après un certain temps et maintes vérifications que l’on pouvait valider les actes. Aujourd’hui, grâce à la vitesse imposée par Internet, cette vérité semble disparaître. On compte en quelque sorte sur le grand nombre pour valider presque instantanément toute décision. Pari un peu risqué.

Cette confiance souvent aveugle, portée par les réseaux sociaux se retrouve aussi dans les pratiques. C’est a priori fort inquiétant. Mais, il faut cependant tenir compte du fait que la multiplication (tweet et retweet) à très grande échelle des informations permet ou pas de valider celles-ci. C’est une forme d’auto-évaluation par la multiplication presque immédiate qui permet de comprimer le temps. Tout le monde ou presque va obtenir ce « savoir » simultanément et donc cela va permettre une validation plus rapide des pratiques C’est en quelque sorte le même processus que pour l’information qui peut être fausse (fake news) mais par l’intermédiaire du plus grand nombre, le lecteur peut (ou devrait) rapidement rétablir la vérité. Voilà comment le système des réseaux sociaux marche et on le voit bien, cela n’empêche pas la divulgation de conviction ou de fausse information car dès que l’on veut échapper à la quête de vérité, on peut toujours évoquer une certaine « croyance ». En d’autres termes, les réseaux sociaux ne sont pas sûrs.

Cette ambiguïté des réseaux sociaux entre grande diffusion de l’information et le manque potentiel de véracité de celle-ci, pose problème au système de santé.

Comment instaurer un système de régulation et de validation dans un univers flou, instantané et touchant un large public. Pas facile. C’est là tout le challenge de la médecine participative.

Dans la nouvelle chaîne de valeur qui va de la production à la consommation, le public (le patient) fait une entrée remarquée comme « partie prenante ». Il n’est plus simplement l’objet du marché. Il en est l’un des acteurs de la chaîne de valeur. En se comportant en réseau (intelligence collective) il va définir son activité par rapport aux autres, aux savoir-faire des autres. On quitte en quelque sorte un enseignement top-down des savoirs et des pratiques pour une forme plus horizontale. Du savoir de l’expert en haut de la chaîne de la connaissance, on glisse vers des réseaux de savoirs.

Peut-on alors imaginer les formes et les conséquences de ces nouveaux comportements dans le secteur de la santé ? 

Absolument, prenons un exemple : celui des communautés de pratique du sida. Les communautés homosexuelles américaines, souvent bien structurées, ont ainsi largement contribué à la diffusion des bonnes pratiques mais également participé, de manière très active, à la recherche notamment sur l’exploration de l’usage de la trithérapie pour contrer les effets du VIH. Ce type de comportement, très nouveau en médecine, a (dé)montré l’opportunité de l’usage des réseaux sociaux dans une médecine digitale. 

Dans le contexte de la crise du coronavirus, la structuration des réseaux sociaux semble avoir été plus perturbante que bénéfique aux différents systèmes de santé dans le monde. De nouvelles pratiques d’évaluation, plus systématiques et plus scientifiques devront à l’avenir accompagner ces crises sanitaires, économiques et sociales. Pour l’heure, comme aucune régulation n’a été mise en place, on est encore bien loin d’une approche rigoureuse qu’une médecine participative, faisant appel à l’intelligence collective, pourrait apporter à l’humanité. On a vécu dans une logique d’actions anarchiques même si certaines expériences ont été très positives.

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