Pneumopathie interstitielle : les temps ont changé…

« O tempora, o mores ». A ceux qui disent que « c’était mieux avant », la réplique est probablement : pas en matière de santé. Pour que les dangers de l’amiante soient reconnus, il a fallu beaucoup de temps et beaucoup de victimes collatérales, notamment au niveau des poumons. Rencontre.

Par Adeline Beijns

Un roc

Désirée, 62 ans, a toujours été une « fille à papa » comme elle aime le rappeler. Fille unique, son père n’avait de yeux que pour elle et lui passait tous ses caprices. Elle, vouait une admiration sans borne à celui « qui savait tout faire et était fort comme un roc » se souvient la jeune retraitée. Désirée est née au sein de la bourgeoisie locale et bénéficie de certains privilèges comme celui de vivre dans une demeure « grande comme un château».

Ses parents l’ont eue relativement tardivement et sa naissance n’en a été que plus ardemment célébrée. Sa maman est mère au foyer tandis que son papa, Vlad, est peintre en bâtiment. « Il était très courageux et aimait travailler. Je ne l’ai jamais vu rechigner à aller sur un chantier. Au contraire, s’il avait pu travailler le dimanche, il l’aurait fait ! » s’exclame Désirée.

Poussières et particules

Dans les bâtiments qu’il rénove ou construit avec son équipe, Vlad, est au four et au moulin : il s’occupe aussi bien de la maçonnerie que de la peinture et de la tuyauterie. Exposé à toutes sortes de particules et de poussières, c’est avec « un simple foulard qu’il se protégeait le visage» se souvient sa fille. «Nous avions entendu dire que certains bâtiments contenaient de l’amiante mais nous n’en connaissions pas vraiment les risques même si on se doutait que cela ne devait pas être très bon ».


L’amiante désigne une catégorie de fibres minérales naturelles (silicates) qui étaient particulièrement utilisées dans l’industrie et le bâtiment car elles résistent au feu, à la chaleur et aux acides. Aujourd’hui formellement interdite, tous les bâtiments construits avant 1990 en Suisse sont encore malheureusement susceptibles d’en renfermer1.

« Le médecin nous a dit que l’inhalation d’amiante peut être particulièrement dangereuse pour la santé de papa et qu’elle peut provoquer de graves dégâts pulmonaires. Paraît-il que même une très faible concentration de fibres d’amiante dans l’air, accroît fortement le risque de développer une maladie voire un cancer ».

L’annonce d’une pneumopathie interstitielle

«Mon papa a travaillé ainsi, en se couvrant la bouche d’un simple bout de tissu, pendant des années » confie Désirée. Jamais personne ne les ont informés des risques encourus. Jusqu’au jour où Vlad a commencé à avoir des quintes de toux fortes et douloureuses. Trop fier pour aller chez le médecin, « c’était pour les femmelettes comme il disait », il prétend que c’est un mauvais rhume et que cela va passer. Il n’en est rien. Très vite son état s’aggrave et son épouse le retrouve un jour à terre. Ni une ni deux, il est amené aux urgences.

Après de nombreux examens, on lui diagnostique une pneumopathie interstitielle et plus précisément une fibrose pulmonaire interstitielle aussi appelée asbestose2. Reconnue aujourd’hui comme une maladie professionnelle, l’asbestose est une pathologie chronique qui évolue irréversiblement vers une insuffisance respiratoire terminale. Autrement dit, « on nous a dit que mon papa allait suffoquer ».

Bouteilles d’O2

L’annonce du diagnostic est bien sûr un cataclysme d’autant plus que l’asbestose est incurable3. Le traitement de Vlad repose essentiellement sur la prise en charge des symptômes respiratoires avec des bronchodilatateurs et une assistance respiratoire basée sur la fourniture de bouteilles à oxygène4.« Grâce à son équipe médicale et son traitement, on a encore profité de papa quelques années » confie Désirée, les larmes aux yeux. Aurait-on pu éviter la maladie? À l’époque, les dangers de l’amiante n’étaient pas connus et les ouvriers n’étaient pas du tout informés des protections qu’ils devaient porter. Aujourd’hui il existe toujours des métiers à risques. Le port du masque est un geste simple mais primordial, pour prévenir ce type de maladie.

Références :
1. https://www.suva.ch/fr-ch/prevention/themes-specialises/amiante#uxlibrary-lwrslider=1 
2. http://www.forum-asbest.ch/fr/gesundheitsrisiken_fa/asbestbedingte_krankheiten_
fa/#:~:text=Actuellement%2C%20la%20Suva%20enregistre%20annuellement,comme%20maladie%20professionnelle%20depuis%201939. 

3. https://www.vd.ch/themes/territoire-et-construction/amiante/protection-des-travailleurs/instruction-amiante/sante/dangers-pour-la-sante/ 
4. https://www.liguepulmonaire.ch/fr/conseil-et-prise-en-charge/therapie/oxygenotherapie.htm

Cet article a été réalisé avec l’aimable soutien de Boehringer Ingelheim
L’indépendance de l’opinion du patient a été entièrement respectée

Vous avez aimé cet article ? Ne manquez pas :

Cet article vous a plu ?
Abonnez-vous à la version papier Salle d’attente pour avoir accès à toutes les informations sur le sujet: témoignages, tests, adresses utiles, infographies et autres.
Alors n’attendez-plus !
CHF39.00

Loading

Partagez sur

Facebook

Plus d’articles :

Thérapie invasive de la douleur dans la pratique clinique

Les douleurs chroniques sont très répandues et pèsent lourdement aussi bien sur les personnes concernées que sur le système de santé. Dans cet entretien, le Dr. Lucian Macrea, spécialiste en anesthésiologie et en médecine interventionnelle de la douleur à Lucerne, donne un aperçu de la thérapie invasive de la douleur. Il explique comment des interventions ciblées peuvent soulager la douleur, quels groupes de patients en bénéficient et pourquoi les facteurs psychosociaux ainsi que la collaboration interdisciplinaire sont déterminants pour la réussite d’un traitement.

Loading

Lire la suite »

Cancer de la prostate : ce que tout homme doit savoir

Le cancer de la prostate est le cancer le plus fréquent chez les hommes, mais il reste entouré de nombreuses idées reçues. Grâce à un dépistage précoce et à des prises en charge multidisciplinaires, les perspectives d’évolution se sont considérablement améliorées. Donc, la sensibilisation reste essentielle pour inciter les hommes à prendre leur santé en main. Dans cet entretien, nous avons interrogé le Dr. Berardino De Bari, chef du service de radio-oncologie du Réseau Hospitalier Neuchâtelois.

Loading

Lire la suite »

Secrets d’un senior épanoui

Le vieillissement est un processus naturel qui peut être vécu avec optimisme et énergie, loin des stéréotypes de déclin. Théo Siegrist, 80 ans, sur sa vie joyeuse à l’EMS partage aujourd’hui avec nous ses habitudes qui l’aident à maintenir une excellente forme physique et mentale.

Loading

Lire la suite »

Appareillages neurologiques : quand l’équipe pluridisciplinaire rend l’autonomie

Les pathologies neurologiques peuvent considérablement impacter la mobilité et l’indépendance des personnes touchées, rendant essentiel un soutien adapté et personnalisé. Face à ces défis, les consultations multidisciplinaires pour les appareillages émergent comme une solution innovante, combinant expertise médicale et technologique pour restaurer une qualité de vie optimale. En mobilisant une équipe d’experts variés, ces consultations permettent d’évaluer précisément les besoins individuels et de concevoir des solutions sur mesure, qu’il s’agisse d’attelles simples ou de dispositifs high-tech. Cette approche holistique non seulement accélère la réadaptation, mais elle renforce aussi la confiance des patients dans leur quotidien. Pour en savoir plus, nous avons interrogé la Docteure Audrey Weaver, Spécialiste FMH en médecine physique et réadaptation au Centre de thérapies physiques et cognitives de Valmont à Montreux qui nous éclaire sur ce sujet essentiel.

Loading

Lire la suite »