80% des troubles de l’alimentation commencent par un régime

Troubles de l'alimentation

Survenant généralement à l’adolescence, les troubles de l’alimentation tels que l’anorexie, la boulimie et les accès hyperphagiques sont complexes et multifacettes. La honte ou la difficulté à en percevoir les dangers empêche souvent les patients de venir consulter alors que les soins sont d’autant plus efficaces que le trouble est traité plus tôt. Entretien réalisé auprès du Dr. Alain Perroud, médecin psychiatre et psychothérapeute FMH. 

Par Adeline Beijns

Qu’est-ce qu’un trouble de l’alimentation ?

Un trouble de l’alimentation selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS) ou un trouble des conduites alimentaires selon le DSM 5 (de l’association des psychiatres américains) est une maladie mentale caractérisée par des habitudes alimentaires pathologiques (restrictions et/ou pertes de contrôle) et une préoccupation excessive envers le poids ou la forme du corps. Ces troubles peuvent toucher des personnes de tout âge, de tout sexe et de tout milieu culturel, mais sont surtout fréquents chez les jeunes femmes des pays occidentaux.

Il en existe différentes formes cliniques. Comment les distingue-t-on ?

Il existe trois grands types de troubles de l’alimentation à savoir l’anorexie mentale, la boulimie et les accès hyperphagiques. Tous partagent le même point commun qui est d’accorder une importance excessive à l’alimentation et à son image corporelle ainsi qu’à leurs contrôles.

L’anorexie est caractérisée par une restriction extrême des apports alimentaires, une peur intense de prendre du poids et une image corporelle déformée. Les personnes souffrant d’anorexie ont souvent un poids corporel très faible (leur IMC est inférieur à 17) et peuvent faire de l’exercice de manière excessive ou adopter d’autres comportements pour perdre du poids.

En ce qui concerne la boulimie, elle se caractérise par des épisodes de frénésie alimentaire c’est-à-dire une consommation de grandes quantités de nourriture en peu de temps, suivis de comportements compensatoires tels que des vomissements provoqués, un exercice physique excessif ou l’utilisation abusive de laxatifs pour éviter de prendre du poids. Les personnes atteintes de boulimie conservent généralement un IMC proche de la normale, mais elles ont une peur intense de grossir. Enfin les accès hyperphagiques se traduisent par des épisodes récurrents de frénésie alimentaire sans comportements compensatoires. Ils entrainent une détresse réelle et peuvent être associés à un surpoids.

Sont-ils fréquents ?

Parmi les trois troubles, l’anorexie mentale est le moins fréquent et on estime qu’il touche un peu moins de 1% de la population mais pourrait concerner jusqu’à 2% des adolescentes. Quant à la boulimie et aux accès hyperphagiques leurs fréquences respectives sont estimées à 1,5 et 2,5%. Il existe une forte disparité en fonction du sexe : l’anorexie mentale et la boulimie sont 10 fois plus fréquentes chez la femme que chez l’homme alors que les accès hyperphagiques comptent un homme pour trois femmes environ.

Quand débutent-ils ?

Généralement à l’adolescence car c’est une période de bouleversements majeurs tant au niveau physique que hormonal ou social. La boulimie peut apparaitre d’emblée ou faire suite à un épisode anorexique. Les personnes souffrant d’un trouble des conduites alimentaires passent volontiers en effet d’une maladie à l’autre au cours de leur évolution.

Rappelons au passage que 80% des troubles de l’alimentation commencent par un régime : c’est l’événement déclenchant le plus fréquent. Il est donc crucial qu’une personne qui souhaite perdre du poids, se fasse accompagner par un professionnel de la santé pour ne pas se mettre en danger.

Comment le diagnostic est-il posé ?

Il est relativement simple dans les trois cas. En voici un résumé très succinct. Pour l’anorexie la maigreur en est le symptôme clé, évidemment. Pour la boulimie, ce sont les crises et les comportements compensatoires qui font le diagnostic. Pour les accès hyperphagiques les crises sont très similaires mais ne sont que rarement suivies de manœuvres pour éliminer les calories ingérées.

On entend de plus en plus parler d’orthorexie, ce souci de manger sainement. Est-ce aussi un trouble de l’alimentation ?

L’orthorexie qui consiste à sélectionner sa nourriture en fonction de critères sanitaires n’est pas un trouble de l’alimentation mais serait plutôt à classer dans les troubles obsessionnels compulsifs quand elle devient très invalidante. Elle n’est d’ailleurs pas reconnue comme une maladie dans les classifications internationales.

Quel peut-être l’impact sur la santé des patients et quel serait le danger de ne pas se soigner ?

Les troubles des conduites alimentaires ont tendance à se chroniciser. Sans l’aide des soins ils peuvent gâcher de nombreuses années de vie et, pour l’anorexie mentale, présenter un véritable risque vital. Il s’y ajoute une altération du tissu osseux (ostéoporose) et ses conséquences possibles à très long terme. La boulimie et les vomissements altèrent rapidement l’état dentaire. Elle induit des troubles digestifs et un gonflement des glandes sous-maxillaires (parotidite). Elle peut générer des problèmes cardiaques et rénaux parfois sévères. Les accès hyperphagiques, du fait des crises, favorisent le surpoids et son cortège de complications possibles (diabète et troubles cardio-vasculaires). Dans tous les cas ils entrainent leur lot de souffrance et de conflits avec l’entourage, contribuent à compromettre l’insertion sociale et affective, et se compliquent bien souvent de troubles anxio-dépressifs associés.

Comment soigne-t-on un trouble de l’alimentation ?

Il existe aujourd’hui un consensus scientifique quant au traitement à recommander aux patients. Il s’agit de la thérapie comportementale et cognitive qui donne de très bons résultats, particulièrement dans la boulimie et les accès hyperphagiques. Dans le cas de l’anorexie qui est plus complexe bien souvent, associer une thérapie de famille se révèle efficace si la personne à moins de 19 ans et si le trouble évolue depuis moins de trois ans.

Docteur Perroud, quels conseils pouvez-vous donner aux personnes qui souhaitent s’en sortir ?

Je souhaiterais les encourager à aller consulter le plus tôt possible. Faire appel à des experts spécialisés dans le traitement des troubles de l’alimentation autant que faire se peut. Leur rappeler qu’elles ne sont en rien responsable de leur maladie, pas plus que leur proches. Enfin, je leur conseillerais de prendre leurs distances avec les réseaux sociaux qui, trop souvent, banalisent les régimes et les comportements compensatoires et encouragent le culte de la maigreur.

Cet article vous a plu ?
Abonnez-vous à la version papier Salle d’attente pour avoir accès à toutes les informations sur le sujet: témoignages, tests, adresses utiles, infographies et autres.
Alors n’attendez-plus !
CHF39.00

Loading

Partagez sur

Facebook

Plus d’articles :

Le diabète de type 1 au-delà de la cinquantaine

Diagnostiquée diabétique de type 1 à l’âge de 50 ans, Evelyn a été confrontée à une réalité à laquelle elle ne s’attendait pas et qui a profondément changé sa vie. Son histoire est celle du courage et de la persévérance, et illustre l’importance du soutien familial et médical et de la technologie innovante pour faire face aux tournants inattendus de la vie. Grâce à un capteur de glycémie de pointe, Evelyn a retrouvé son autonomie et son bien-être.

Loading

Lire la suite »

Vers une vie sans sucre

Marion, une jeune femme de 29 ans, n’avait jamais envisagé de supprimer le sucre de sa vie. Tout a commencé de manière inattendue lorsqu’elle a accompagné sa mère à un rendez-vous chez une diététicienne. Alors qu’elle était là pour soutenir sa mère, qui devait perdre du poids pour des raisons de santé, Marion a fait une révélation qui allait changer sa façon de vivre : le sucre était partout et dans presque tout ce qu’elle consommait.

Loading

Lire la suite »

Le combat d’Hélène contre la polyarthrite rhumatoïde

Hélène, une femme dynamique de 65 ans, incarne la détermination et l’amour de son métier. Vivant entre Bâle et Zurich, elle a fait toute sa carrière dans le secteur du commerce de détail, jusqu’à occuper un poste de responsable des ventes. Son dynamisme insatiable l’a même conduite à reprendre des études pour devenir formatrice en gestion du personnel. Mariée à l’amour de sa vie depuis l’âge de 20 ans, elle a toujours pu compter sur le soutien indéfectible de son mari.

Loading

Lire la suite »

Psoriasis, une peau à risque ?

Dans la fleur de l’âge, Benjamin*, 32 ans, avait le monde au bout des doigts. Informaticien chevronné, mari aimant et joueur de tennis passionné, ses journées étaient remplies des joies d’une vie bien réglée. Mais sous la surface de cette existence apparemment parfaite, se profilait une bataille invisible qui allait remettre en question sa perception de la santé et du bien-être.

Loading

Lire la suite »