Sex toys : pour quoi et pour qui ?

Ils sont partout. Qu’il s’agisse de magasins « généralistes » en ligne, de spots ou de séries télévisés, tous vantent les mérites des sex toys. Plus qu’un simple effet de mode, la démocratisation de l’usage de ces jouets n’est pas toujours sans risques. Les inclure dans une sexualité érotisée, oui, en remplacement, non. Entretien réalisé auprès du Dr. Lakshmi Waber, Psychiatre et psychothérapeute au Centre de Psychothérapie Varembé à Genève.

Par Adeline Beijns

Docteur, l’utilisation de sex toys est-elle nouvelle dans notre société ou a-t-elle toujours existé ?

La sexualité a toujours été une préoccupation centrale des sociétés humaines. On retrouve, dès la Préhistoire, et plus tard dans l’Egypte et la Chine ancienne, de nombreux phallus sculptés dans la pierre ou le bois.

Ces objets remplissant officiellement des fonctions symboliques de fertilité et d’abondance visant à favoriser les récoltes et les naissances, ont certainement eu d’autres usages officieux plus érotiques. Par ailleurs, en Grèce antique et en Occident en général, certains de ces objets ont été utilisés pour traiter ce que l’on nommait « l’hystérie », responsable selon les médecins de l’époque de nombreuses maladies féminines. Les premiers godemichés en caoutchouc seraient apparus vers 1830, et les premiers vibromasseurs électriques au début du XXe siècle.

Aujourd’hui, ces jouets semblent être partout. Tant les hommes que les femmes n’ont pas de gêne à avouer qu’ils en ont un voire plusieurs. S’agit-il d’un phénomène de mode ?

Il ne fait aucun doute qu’il s’agit bien d’un phénomène commercial en pleine expansion. Il existe de plus en plus de startups qui investissent ce secteur (on les appelle les « sextech ») et développent non seulement de nouvelles technologies mais aussi des matériaux sensoriels innovants. Une bonne partie de ces entreprises sont dirigées par des femmes, prouvant que l’intérêt grandissant pour les jouets sexuels vient aussi de la gente féminine. Une enquête suggère que le pourcentage de la population française adulte ayant utilisé un sex toy est passé de 7% en 1992 à 50% en 2020. Je pense donc qu’il s’agit plus d’une démocratisation de leur usage que d’un effet de mode que le confinement de la crise du coronavirus a amplifié.

Il existe une multitude de jouets sur le marché. Comment choisir le bon ?

Il s’agit bien sûr d’un choix personnel en fonction de ses envies, de sa sensibilité et de son budget. Il y a en effet de plus en plus de jouets en version « deluxe » qui peuvent coûter des fortunes. Le plus important est de respecter l’usage pour lequel ils sont prévus. Il ne faut, par exemple, pas utiliser un vibromasseur vaginal dans le rectum car il risque de s’y « perdre » et la personne se retrouvera, bien embarrassée, aux urgences. Pour un usage anal, il faut donc toujours s’assurer que le sex toy est prévu pour cela c’est-à-dire qu’il possède un frein adapté. Il en va de même pour les différents produits et textures proposés.

Utiliser un sex toy, est-ce une pratique à risque ?

En principe non si l’usage pour lequel il est prévu est respecté et s’il s’inscrit dans une pratique qui vise à enrichir et non pas à appauvrir la sexualité.

Que voulez-vous dire ?

Il est relativement fréquent que l’utilisation de sex toys, qui deviennent de plus en plus performants et peuvent procurer des décharges orgasmiques rapides et intenses, « désensibilisent » la personne. En s’habituant à cette forme d’orgasme, au détriment de pratiques plus « naturelles » et érotiques, plus axées sur l’investissement du plaisir par son propre corps, il se peut que l’homme ou la femme ne parvienne plus à atteindre l’orgasme dans d’autres conditions que celle à laquelle le jouet l’a habitué.e. C’est dommage car ce qui était censé apporter du plaisir, vient « asservir » et limiter le champ du possible avec le temps. Il ne faut donc jamais sacrifier l’érotisme, l’imaginaire et le plaisir qui sont bien différents d’une décharge orgasmique de quelques secondes.

Dans quel cadre recommandez-vous alors ces sex toys ?

Ils peuvent être utilisés dans le but d’inclure de la nouveauté qui nourrit l’érotisme de la relation. Ils peuvent être utiles à enrichir la sexualité mais ils ne sont pas obligatoires. Le couple peut très bien trouver d’autres moyens pour érotiser leur relation.

Lorsqu’il existe un certain ennui ou un manque dans la sexualité du couple ou individuel, il est d’abord essentiel de mieux comprendre ce qui se passe avant de se ruer sur de nouvelles pratiques (sex toys, etc.…) qui peuvent contribuer à masquer encore plus un problème sous-jacent.

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