DRH : le rôle du diagnostique génétique

Sous le terme de dystrophie rétinienne se cache un ensemble de maladies rétiniennes héréditaires relativement rares. Conduisant à une dégénérescence des cellules photo-réceptrices de la rétine, un diagnostic génétique permet leur prise en charge et ouvre la voie à un traitement par thérapie génique. Entretien réalisé auprès du Prof. Dr. Pascal Escher, Responsable du service d’ophtalmogénétique de l’Hôpital universitaire de Berne (Hôpital de l’Île) et de Stephan Hüsler, Directeur de l’association Retina Suisse. 

Par Adeline Beijns

Qu’est-ce qu’une dystrophie rétinienne héréditaire, notamment à l’âge pédiatrique ?

Ce terme regroupe un ensemble de maladies rétiniennes héréditaires c’est-à-dire qu’elles sont dues à un défaut génétique de la rétine. Parmi ces maladies, nous pouvons citer l’achromatopsie, l’amaurose congénitale de Leber, la choroïdérémie ou encore la maladie de Best pour n’en citer que quelques-unes. Ces maladies chroniques sont progressives la plupart du temps et conduisent à une dégénérescence des cellules photo-réceptrices de la rétine que nous possédons sous la forme de deux types à savoir, les cônes et les bâtonnets.

Les cônes sont les photorécepteurs qui nous procurent la vision en couleur tandis que les bâtonnets, situés en périphérie de la rétine, sont les cellules chargées de la vision en condition d’éclairage faible. Elles peuvent être causées par un défaut sur de nombreux gènes (on en dénombre aujourd’hui environ 300) dont certains sont encore à découvrir. La maladie peut se transmettre de façon dominante, récessive ou liée au sexe c’est-à-dire liée au chromosome X. En ce qui concerne le moment où ces maladies vont se révéler, il y a une énorme hétérogénéité car elles peuvent aussi bien s’exprimer dans les premiers mois qui suivent la naissance comme à 80 ans. Enfin, elles restent encore, pour la plupart, incurables.

Quels en sont les premiers signes et pourquoi sont-ils si difficiles à diagnostiquer ?

Les trois symptômes les plus fréquents que les parents remarquent sont un nystagmus qui s’exprime par une saccade horizontale des yeux, la recherche de lumière par l’enfant car il ne voit pas (c’est le cas pour l’amaurose congénitale de Leber) ou au contraire la recherche de l’obscurité à la suite d’une photophobie (observée dans l’achromatopsie).

Y a-t-il un manque de sensibilisation ?

Prof. Escher : Les pédiatres, suite aux observations des parents, savent généralement qu’il faut prendre contact avec l’une des quatre cliniques universitaires spécialisées en ophtalmogénétique du pays. La collaboration entre les pédiatres, les ophtalmologues et les ophtalmogénéticiens est cruciale.

Lorsque ces signes sont présents, un diagnostic génétique est proposé. De quoi s’agit-il et pourquoi le fait-on ?

Il s’agit d’une analyse génétique sur base d’une prise de sang à partir de laquelle, on extrait de l’ADN génomique. Par du séquençage, l’ADN est ensuite examiné pour identifier le défaut génétique. Les progrès obtenus au cours de ces dernières années sont tels que dans plus de 80% des cas, il est possible d’identifier l’anomalie génétique.

Le test génétique est proposé afin d’établir un diagnostic précis qui permet d’envisager une prise en charge thérapeutique adéquate ou de participer à des études cliniques qui ne sont réservées qu’aux personnes ayant le défaut génétique concerné. Il est important de réaliser le test génétique le plus tôt possible, notamment en âge pédiatrique dès que les symptômes se manifestent pour mieux prendre en charge la maladie avant une progression vers la cécité. Ils figurent dans la liste des analyses prises en charge par la LaMal.

Pourquoi ce diagnostic génétique est-il important à la fois pour le patient et pour le médecin ?

Tout d’abord, il va permettre aux patients et aux parents de confirmer le diagnostic clinique et de mettre un nom exact sur la maladie. Ensuite, il permet de déterminer le mode d’hérédité, ce qui est très important en matière de planning familial. Une personne atteinte par une dystrophie rétinienne peut ainsi mieux appréhender la possibilité de transmettre la maladie à son enfant. Enfin, le test génétique permet d’identifier les patients qui seraient candidats à un traitement ou une étude clinique.

Même s’il est vrai que les dystrophies rétiniennes peuvent être traitées dans de très rares cas, l’établissement du diagnostic va permettre l’inscription du patient dans le registre suisse des maladies rares et cela offre des perspectives thérapeutiques. C’est notamment grâce à Retina Suisse et à d’autres associations de patients qu’un tel registre se développe dans notre pays. La partie ‘Ophtha’ du registre regroupe aujourd’hui environ 1 200 personnes, essentiellement atteintes de dystrophies rétiniennes. Il permet non seulement de conser- ver les analyses génétiques à long terme mais aussi, comme il y a de nombreuses recherches cliniques en cours, de contacter les patients qui pourraient en bénéficier.

Comment accéder au test génétique Suisse ? Quelles en sont les étapes ?

La première étape consiste tout d’abord à référer le patient à une clinique ophtalmique universitaire où la collaboration entre un ophtalmologue spécialisé dans la rétine et un généticien confirment l’existence d’une dystrophie rétinienne. Ensuite, l’analyse génétique est expliquée et discutée avec les parents ou le patient. Après la signature du consentement, le médecin contacte l’assurance maladie pour en obtenir le remboursement. Les parents ou le patient peuvent espérer obtenir les résultats du test environ 6 mois après la prise de sang. Ces résultats sont bien sûr discutés et expliqués. C’est au cours de cette discussion qu’on demande l’accord d’enregistrement au registre national et qu’on aborde, prudemment, le pronostic ainsi que la thérapie envisagée, si elle existe et le cas échéant, la participation à une éventuelle étude clinique.

Quel serait l’impact sur la qualité de vie des patients et des parents si la maladie n’était pas correctement diagnostiquée ?

Si le diagnostic n’est pas posé, le patient peut tout simplement ne pas bénéficier d’un traitement qui existerait. Le patient pourrait aussi prendre des médicaments qui seraient contre-indiqués voire des substances qui accélèrent le développement de la maladie. Il y a bien sûr aussi un impact psychologique considérable de ne pas pouvoir mettre un nom précis sur le mal dont souffre la personne.

Quelles sont les solutions existantes pour prendre en charge ces maladies ?

Puisque ces maladies ophtalmiques résultent d’une altération du génome, la thérapie génique est une alliée évidente pour ralentir ou stabiliser la maladie. Elle consiste en effet à introduire, grâce à un vecteur, la copie d’un gène fonctionnel dans une cellule rétinienne défectueuse pour qu’elle s’y exprime et conduise à la correction du défaut. Il y a aussi bien sûr, les aides visuelles, mais également les tests fonctionnels objectifs qui déterminent l’acuité et le champ visuel ainsi que la vision dans la nuit qui sont des paramètres importants pour l’assurance invalidité dont pourrait bénéficier le patient.

Quel est le rôle de l’association pour les parents et les enfants concernés par ces maladies ?

Stephan Hüsler : notre association a pour mission d’informer, de soutenir et d’accompagner les patients et leurs proches. Nous sommes actifs dans toute la Suisse et grâce à notre conseil médico-scientifique, nous encourageons aussi la recherche scientifique en informant par exemple les patients de l’existence d’études cliniques lorsqu’il y en a. En attendant, nous encourageons les personnes concernées à prendre des mesures de réhabilitation et de réadaptation.

Cet article a été réalisé avec l’aimable soutien de Novartis Pharma AG
L’indépendance de l’opinion du patient et du médecin a été entièrement respectée

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