Les troubles visuels chez l’enfant et l’adolescent

La fonction visuelle de l’enfant n’est pas acquise à la naissance et se développe jusqu’à l’âge de dix ans environ. Tout défaut visuel devrait être dépisté et corrigé le plus tôt possible pour assurer une fonction visuelle normale à l’âge adulte. Entretien auprès de la Docteure Alessandra Sansonetti, FMH ophtalmologie et chirurgie ophtalmologique et Présidente de la Société suisse d’ophtalmologie (SSO)

Par Adeline Beijns

Quelle est la situation en Suisse ? 

Notre pays étant relativement petit, nous ne bénéficions hélas pas de statistiques officielles en ce qui concerne les troubles de la vue. Nous devons donc nous référer aux données européennes qui ne sont pas s.ensiblement différentes des nôtres.  

Il faut distinguer les atteintes en lien avec un strabisme et on peut estimer que par exemple dans une classe d’environ vingt élèves, au moins un enfant présente un strabisme. En ce qui concerne les troubles en lien avec l’optique visuelle (myopie, hypermétropie et astigmatisme) et leur évolution durant l’enfance, les données concernant, par exemple la myopie chez les jeunes, deviennent inquiétantes puisqu’en Asie, on estime qu’aujourd’hui, 80 à 90% des enfants le sont.

Au niveau mondial, on s’attend aussi à une progression de ce trouble de la vue qui devrait concerner 50% de la population en 2050.

De quels troubles de la vue, les enfants et adolescents souffrent-ils le plus fréquemment? 

Les enfants dont le système visuel est en développement peuvent avoir des « embûches » durant cette phase. Elles sont en lien avec des atteintes de la réfraction et de la position des yeux, elles-mêmes associées parfois à d’autres maladies visuelles, malformations ou des prédispositions génétiques. 

Il convient de distinguer trois tranches d’âge, à savoir de la naissance jusqu’à 4 à 6 ans, l’âge scolaire (de 7 à 11 ans) et l’adolescence (de 12 à 18 ans).

Si l’hypermétropie est la règle chez le petit enfant, il est nécessaire de s’assurer qu’elle reste dans des valeurs dites physiologiques, c’est-à-dire qui n’interfèrent pas avec la fonction visuelle. Cela pourrait générer une amblyopie qui peut se développer sur un œil ou les deux yeux. On parle d’amblyopie unilatérale, lorsqu’un œil voit moins bien que l’autre.

La conséquence est que le cerveau commence alors à privilégier l’œil qui produit les meilleures images. L’œil dit «faible» est donc encore moins stimulé et les zones du cerveau correspondantes se développent moins bien. Une perte de vision irréversible peut en découler. Dans le cas d’amblyopie bilatérale, l’acuité visuelle des deux yeux est affectée.

Pour l’enfant en début d’âge scolaire ainsi qu’à l’adolescence, il s’agit de s’assurer de son confort visuel en corrigeant les troubles de la réfraction qui induisent une vision insuffisante ou une fatigue visuelle ainsi que des troubles de la concentration.

Y a-t-il des troubles plus rares qui méritent d’être mentionnés ?

Chez le tout petit enfant en âge préverbal, il faut penser à des maladies rares et le plus souvent à des malformations telles que la cataracte congénitale ou le glaucome congénital.

Dans des cas encore plus rares, on peut citer le rétinoblastome qui est une tumeur cancéreuse intraoculaire qui touche 1 naissance sur 20’000, ce qui représente 4 à 5 nouveaux cas par année en Suisse. On le remarque, notamment par la présence d’une leucocorie des yeux qui est un reflet anormalement blanchâtre de la pupille au lieu du reflet noir.

Quels sont les symptômes qui devraient alerter les parents au sujet de leurs enfants ?

Pour les jeunes enfants qui ne sont pas encore en mesure de verbaliser ce qu’ils ressentent, il conviendra d’être attentif aux comportements visuels anormaux comme se cogner mais aussi à tout aspect anormal de l’œil tel que des rougeurs, des larmoiements excessifs ainsi que toute anomalie ou mouvement inhabituel du regard. Une fois en âge d’être scolarisés, les problèmes de concentration et de maux de tête peuvent être les signes d’un trouble visuel.

Que recommandez-vous pour prévenir les troubles visuels ?

Dès l’apparition des premiers symptômes, il est recommandé de consulter un médecin ophtalmologue car le résultat du traitement est  d’autant meilleur que le diagnostic est précoce. En effet la phase de maturation du système visuel rend les acquis neurologiques malléables dans le bon comme dans le mauvais sens. Elle s’étend jusqu’à l’âge de 8-10 ans. Une prise en charge durant cette période ou idéalement, le plus tôt possible, permet d’inverser et de récupérer une amblyopie. Au-delà de la phase de maturation c’est-à-dire de malléabilité du cerveau (les neurologues parlent de « plasticité cérébrale »), c’est-à-dire si le diagnostic de mauvaise vision (quelle qu’en soit la cause) est retardé, la guérison devient plus difficile voire impossible et le patient gardera toute sa vie une fonction visuelle réduite. Cela représente une source de handicap non négligeable. 

Concernant les atteintes de la réfraction, l’hypermétropie s’estompe la plupart du temps vers l’adolescence. La myopie a, quant à elle, tendance à augmenter, car elle est associée à une croissance du globe oculaire qui s’allonge trop. L’inquiétude actuelle repose sur le fait que les myopies se développent beaucoup plus précocement, ce qui pourrait conduire à des myopies plus fortes à la fin de la croissance. Or la myopie forte (de plus de 5 dioptries) s’associe à des maladies graves à l’âge adulte. Il devient essentiel de prévenir le nombre de cas et surtout éviter que la myopie augmente trop. Pour cela des mesures peuvent être adoptées au quotidien, étayées par des études à large échelle. Il est ainsi, par exemple, recommandé que l’enfant passe au moins 40 minutes par jour à l’extérieur afin d’être exposé à la lumière naturelle qui permet un ralentissement de la croissance du globe oculaire. Ensuite, il convient de limiter l’exposition aux écrans. Une pause de minimum 20 secondes, toutes les 20 minutes, permet au système visuel de se reposer. Enfin, il est indiqué d’effectuer des contrôles réguliers de la fonction visuelle.

La plupart des cantons disposent d’organes de dépistage scolaire. Les parents se doivent toutefois de consulter en cas de doute ou lorsqu’il existe des facteurs de risque familiaux. 

Qui faut-il consulter ?

Les pédiatres, les médecins généralistes et les parents sont aux premières loges pour mettre en évidence les anomalies de comportement ou de l’aspect visuel. De plus, en cas de prédisposition familiale, d’existence d’autres maladies associées ou lorsque l’enfant est prématuré, une plus grande attention s’impose en raison d’une incidence accrue d’atteintes visuelles chez ces enfants.

Informez-vous !

Cet article vous a plu ?
Abonnez-vous à la version papier Salle d’attente pour avoir accès à toutes les informations sur le sujet: témoignages, tests, adresses utiles, infographies et autres.
Alors n’attendez-plus !
CHF39.00

Loading

Partagez sur

Facebook

Plus d’articles :

Réadaptation en ambulatoire : la Clinique du Grand-Salève ouvre une nouvelle ère

Depuis son ouverture en 2018, la Clinique du Grand-Salève s’est imposée comme un pilier dans le domaine de la santé mentale et de la réadaptation. Située dans un cadre serein et propice à la guérison, elle propose une approche holistique pour aider les patients à retrouver leur équilibre. Mais depuis mai 2025, une nouveauté marque un tournant : le lancement du centre ambulatoire de réadaptation. Contrairement à la santé mentale, gérée en hospitalisation complète pour un suivi intensif, la réadaptation se fait désormais en mode ambulatoire, permettant aux patients de rentrer chez eux après chaque séance.

Loading

Lire la suite »

Santé mentale : l’importance de la mixité et d’une approche multidisciplinaire

Dans un monde où le stress quotidien, les pressions professionnelles et les défis personnels peuvent ébranler notre équilibre intérieur, la santé mentale est devenue un enjeu majeur de société. La prise en charge psychiatrique, psychologique et psychothérapeutique joue un rôle essentiel pour accompagner les individus vers un mieux-être durable. Elle ne se limite pas à un traitement médical isolé, mais intègre une vision globale de la personne, en tenant compte de ses émotions, de son environnement et de ses relations. Pour explorer ces aspects, nous avons interviewé le Dr. Nicolas Schneider, psychiatre et psychothérapeute à la Clinique La Lignière. Située dans un cadre magnifique au bord du lac Léman, avec un domaine agrémenté d’une forêt, cette clinique offre un havre de paix propice au ressourcement. Spécialiste en addictologie, troubles du comportement alimentaire et victimologie, le Dr. Schneider partage son expertise sur les troubles mentaux et leurs approches thérapeutiques.

Loading

Lire la suite »

Mal de dos : briser les mythes pour soulager la douleur

Le mal de dos, ou lombalgie, touche près de 80% des adultes au cours de leur vie, faisant de lui l’un des maux les plus répandus de notre époque. Pourtant, derrière cette affliction commune se cachent de nombreuses croyances erronées, ancrées dans l’imaginaire collectif, qui non seulement perpétuent la souffrance, mais peuvent aussi transformer une douleur aiguë en un problème chronique. Ces idées fausses, partagées tant par les patients que par certains professionnels de santé, ont un impact délétère : elles instillent la peur, favorisent l’inaction et entravent une guérison optimale. Pour éclairer ce sujet crucial, nous avons interrogé le Prof. Stéphane Genevay, médecin adjoint agrégé au Service de rhumatologie des Hôpitaux Universitaires de Genève (HUG), responsable du programme ProMIDos dédié à la prise en charge multidisciplinaire des douleurs dorsales.

Loading

Lire la suite »

Et si on changeait les règles du jeu ?

Et si la clé du plaisir se cachait dans la curiosité ou l’envie de se redécouvrir ? Trois couples racontent
comment une idée un peu folle a transformé leur intimité. Entre maladresses, rires et vraies émotions,
ces expériences insolites leur ont surtout appris à se reconnecter à eux-mêmes… et à l’autre.

Loading

Lire la suite »

Parler sans honte : la santé intime face au cancer

Quand on pense au cancer, on imagine souvent des traitements lourds et des combats médicaux. Mais qu’en est-il de la vie intime des patients ? Douleurs, baisse de l’estime de soi, changements corporels ou troubles proctologiques peuvent bouleverser la sexualité et le bien-être. À Genève, le 6ème Symposium Oncologie, Sexologie, Proctologie des HUG a réuni en juin des experts pour aborder ces sujets trop souvent tus. Rencontre avec la Docteure Marie-Laure Amram, oncologue, et le Professeur Frédéric Ris, colo-proctologue, qui nous expliquent pourquoi la santé sexuelle est au cœur de la qualité de vie et comment oser en parler peut tout changer.

Loading

Lire la suite »

Vasectomie : pour une planification consciente

De plus en plus d’hommes assument activement leur rôle dans la planification familiale et choisissent de subir une vasectomie. C’est aussi le cas de Boris Kasper (41 ans), qui a pris cette décision en toute conscience. Dans ce témoignage, il raconte pourquoi il a opté pour cette intervention, comment il a vécu l’opération et ce qui a changé depuis. Son histoire montre qu’une vasectomie doit être mûrement réfléchie, mais qu’elle n’a rien d’effrayant ni de tabou.

Loading

Lire la suite »