Diabète, être vigilant avec ses pieds

Le diabète est une maladie chronique qui concerne environ 6% de la population suisse et 130 000 personnes en Suisse romande. Maladie silencieuse, elle peut avoir des répercussions au niveau des pieds en les rendant moins sensibles à la douleur. Des déformations, blessures voire des amputations peuvent en découler. Entretien auprès de Léonie Chinet, Secrétaire générale de diabètevaud

Par Adeline Beijns

De quoi parle-t-on lorsqu’on évoque le pied diabétique ? 

En touchant les nerfs et les vaisseaux sanguins, le diabète rend les pieds moins sensibles aux frottements et à la douleur en général. A force, cela risque d’engendrer des déformations et des blessures qui guérissent mal. Lorsqu’on parle de pied diabétique, on évoque une ou plusieurs de ces atteintes au pied. Ce sont des complications assez fréquentes puisqu’elles toucheront un diabétique sur quatre au cours de sa vie, d’où l’importance de faire contrôler ses pieds régulièrement.

Quelles sont les conséquences d’un problème au pied non traité ?

Si le problème n’est pas repéré et traité suffisamment tôt, il peut conduire à une amputation. Or une amputation, c’est une plaie qui n’a pas été prise en charge à temps. C’est pour cela que ces contrôles sont importants car ils permettent de déterminer le risque de complications en évaluant l’état des vaisseaux et des nerfs, et sur cette base, de fournir des conseils adaptés pour prendre soin de ses pieds au quotidien. Rappelons que le diabète est la première cause d’amputation dans les pays qui ne sont pas en guerre et que les diabétiques ont 10 à 20 fois plus de risques de subir une amputation d’un membre inférieur. Dans le canton de Vaud, 103 amputations ont été réalisées en 2017, ce n’est pas négligeable même si ces statistiques sont inférieures à la moyenne suisse. 

Comment expliquez-vous ce taux d’amputations inférieur dans le canton de Vaud ?

Lorsque nous analysons les statistiques depuis 2006, les taux en Suisse ont varié entre 1.61 et 2.02 amputations pour 10 000 habitants alors qu’ils ont oscillé entre 1.05 et 1.82 dans le canton de Vaud. Ces résultats sont probablement le fruit des actions menées dans 

le cadre du Programme cantonal diabète. Une première campagne de dépistage du pied avait eu lieu en 2015.

Pourquoi le diagnostic est-il encore difficile à poser aujourd’hui ? 

Tout simplement parce que ces contrôles ne sont pas faits de façon systématique. Les personnes diabétiques adultes devraient faire contrôler leurs pieds au moins une fois par année afin d’évaluer les risques de complication et mettre en place le suivi adéquat. Or selon les données récoltées dans le canton de Vaud en 2019, un diabétique sur trois n’aurait pas effectué de contrôle annuel des pieds. C’est pour cela que la Société suisse d’endocrinologie et diabétologie recommande au moins un contrôle annuel des pieds chez les patients diabétiques adultes et le juge efficace pour prévenir les complications et réduire les coûts de la santé. Les résultats de la campagne de dépistage réalisée en Suisse romande en novembre 2021 ont montré que ces actions permettent d’améliorer significativement l’accès à ces contrôles. En effet, parmi les 500 personnes dépistées, 47% n’avaient jamais fait examiner leurs pieds auparavant, dont 61% avaient un risque élevé à très élevé de complications. Une campagne de dépistage gratuit permet ainsi à tous les patients, sans discrimination, de connaître l’état de ses pieds et de recevoir des conseils individualisés sur la façon d’en prendre soin au quotidien.

Existe-t-il des solutions pour améliorer la prise en charge et la qualité de vie du patient concerné ?

Je pense que les campagnes qui proposent des contrôles gratuits aident à informer mais aussi à mieux faire comprendre l’importance d’agir le plus tôt possible. J’ai entendu des personnes amputées dire « je réalise maintenant à quel point une amputation péjore la qualité de vie, si j’avais su cela avant, j’aurais pris les choses en main ». 

C’est un vrai défi de faire comprendre aux gens l’importance de s’occuper de leur santé avant que les complications ne surviennent. Il y a peut-être aussi le réflexe chez certaines personnes de se dire : « Si je me fais contrôler, on va encore me trouver un problème ! ». Mais si vous avez un problème aux pieds, le contrôle va juste vous permettre d’éviter que ça ne s’aggrave.

Concernant la prise en charge, il est évidemment important de pouvoir proposer un suivi adapté à l’état des pieds. Parfois le contrôle et des soins infirmiers de base suffisent. Pour d’autres personnes, des soins chez un podologue, bottier-orthopédiste, ainsi que l’intervention de spécialistes en diabétologie, angiologie et chirurgie cardio-vasculaire seront nécessaires. 

Existe-t-il des aides en ce qui concerne la prise en charge financière ?

La plupart des prestations sont prises en charge par l’assurance-maladie de base, mais il est utile de se renseigner sur les conditions exactes, par exemple auprès des associations régionales du diabète. A titre d’exemple, les prestations des infirmières sont remboursées mais doivent être prescrites par un médecin. Ce sera aussi le cas pour les soins chez les podologues dès 2022 mais seulement pour les diabétiques qui présentent un risque augmenté de complication des pieds. Enfin, il est important de rappeler que ce qui coûte vraiment cher, tant pour la société que pour les personnes concernées, ce sont les complications. Donc une séance pour un contrôle et soin des pieds est un bon investissement, tant pour le porte-monnaie que pour la qualité de vie.

Pour plus d’informations, consultez diabètevaud

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