Des douleurs articulaires ? Problème d’hypermobilité ?

Le syndrome d’hypermobilité articulaire se présente fréquemment dans la population jeune, notamment les femmes, qui ont pratiqué une activité sportive intensive durant leur enfance et adolescence, des sports à relativement haut niveau et qui ont tout arrêté en raison de douleurs articulaires et d’entorses à répétitions. Entretien auprès du Docteur Samy Benchouk de Swiss Ortho Clinic à Pully.

Par Adeline Beijns

Ce genre de patient a subi de nombreux examens radiologiques et biologiques, a rencontré de nombreux spécialistes sans prise en charge satisfaisante. Les conséquences sont une appréhension à la pratique du sport et un déconditionnement physique qui s’associe souvent à une détresse psychologique.

Qu’est-ce que le syndrome d’hypermobilité articulaire ?

Il s’agit d’une maladie du collagène, héréditaire et responsable d’une diminution de la résistance du tissu conjonctif. Cette altération des propriétés biomécaniques du collagène explique l’hypermobilité. Si elle peut être isolée et asymptomatique elle peut également être l’expression d’un ensemble de maladies dont le syndrome de Marfan et d’Ehlers-Danlos qui en sont les formes les plus graves. Le syndrome d’Ehlers-Danlos est particulièrement préoccupant car il expose les patients à des ruptures d’anévrisme qui restent, fort heureusement, rares.

Le symdrome d’hypermobilité articulaire se caractérise par l’augmentation des amplitudes articulaires. Il favorise l’instabilité articulaire s’exprimant par des entorses à répétitions, des luxations ou de simples douleurs articulaires. Comme le collagène se trouve dans la plupart des structures du corps, il existe beaucoup d’autres symptômes : fatigue chronique, maux de tête, hypotension, sensation de froid aux extrémités, troubles du sommeil, douleurs abdominales… Le praticien est aidé par les scores de Beighton et de Brighton pour poser le diagnostic.

Comment explique-t-on les différentes manifestations de cette maladie ?

La recherche peine à les expliquer sur la base d’un mécanisme physiopathologique simple. Une forme de réactivité existe avec un aspect environnemental qui reste encore inconnu. Concrètement, ce manque de résistance du collagène se traduit par une laxité articulaire, entraînant une surcharge biomécanique sur les structures avoisinantes (ligaments, tendons, ménisque…) provoquant des microtraumatismes répétés. Ce problème à stabiliser les articulations provoque également un manque de proprioception lié à la difficulté des tendons à transmettre la force produite par les muscles, entraînant une maladresse à la marche avec des hématomes fréquents.

Est-ce grave ?

La pathologie peut être vécue avec ses avantages et ses désavantages. A un haut niveau, cela confère un avantage concurrentiel. Les musiciens virtuoses considèrent comme un atout d’avoir des articulations hyperflexibles, soumises à des mouvements répétés, cependant ils souffrent des genoux ou de la colonne vertébrale. Les gymnastes ou danseurs doivent développer une certaine hypermobilité pour exceller dans leur discipline. Cela peut être bien toléré jusqu’à un certain point mais expose à des microlésions les structures musculosquelettiques. Le syndrome d’hypermobilité n’étant ni inflammatoire ni progressif, il a été longtemps considéré comme une maladie mineure, peu sérieuse voire négligeable. Toutefois, à terme des douleurs chroniques et une arthrose précoce peuvent s’installer. Il est donc important de poser le diagnostic le plus tôt possible.

A quel point est-elle fréquente ?

L’hypermobilité est un signe très fréquent et sous-estimé dans la population générale mais n’est que rarement diagnostiquée ou très tardivement. Les raisons peuvent être la méconnaissance de la maladie, la perplexité face à l’hétérogénéité des symptômes voire l’absence de test de confirmation biologique ou radiologique. Une autre raison est que ce syndrome peut sembler inoffensif même si son impact sur la qualité de vie est bien réel. Anxiété et dépression sont souvent la conséquence de l’absence de diagnostic, des douleurs chroniques et de l’appréhension à la pratique d’une activité par crainte de nouveaux traumatismes.

Comment peut-on améliorer la qualité de vie et les performances des personnes atteintes de cette pathologie ?

Il faut une éducation thérapeutique et une adaptation de style de vie, en expliquant la pathologie et en prodiguant des conseils de prévention. Il faut aussi accompagner le patient lors de ses activités afin de l’aider et de lui montrer comment s’y prendre. Il est recommandé d’entreprendre de la physiothérapie le plus rapidement possible avec un accent sur le renforcement permettant de stabiliser les articulations, la proprioception et la coordination. Des programmes d’exercices adaptés permettent de soutenir le patient et de lui éviter de développer une peur et une anxiété face au risque de nouvelle blessure. Des bandages peuvent aider à prévenir les blessures et améliorer la cinétique articulaire. Mais attention, le surentraînement sans encadrement et une concentration excessive sur la flexibilité articulaire peuvent entraîner des blessures. Il faut éviter les étirements excessifs, les sports qui sollicitent les amplitudes extrêmes.

Comment peut-on améliorer la qualité de vie et les performances des personnes atteintes de cette pathologie ?

Le renforcement musculaire via l’intelligence artificielle, paramétrée sur mesure, en chaine ouverte, permet un gain efficace et sans douleur. Cela donne des résultats accélérés en complément d’une rééducation par des thérapeutes attentifs et formés à prendre en charge cette pathologie. De plus, en termes d’amélioration de la qualité de vie, la reprise d’une activité physique et sportive augmente la confiance en soi et le moral.

Que recommanderiez-vous à une personne qui se reconnaîtrait dans ce diagnostic ?

Il est crucial que le diagnostic soit posé formellement et agir le plus tôt possible pour éviter que la maladie affecte durablement la qualité de vie et expose à des lésions et des douleurs chroniques. Il faut veiller à assurer le renforcement musculaire en évitant d’insister sur des séances de stretching ou d’assouplissement qui sont contreproductives.

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