Francine, 65 ans, est heureuse et considère qu’elle a eu une belle vie. Un mari aimant, parti trop tôt, et une fille qui fait sa fierté. Elle a pourtant gardé sa maladie secrète pendant de nombreuses décennies. Rencontre.
Par Adeline Beijns
Une enfance volée
Francine a 8 ans lorsqu’après avoir bu des litres et des litres d’eau, on lui diagnostique un diabète de type 1. Nous sommes en 1965. Jeune veuve, sa mère se sent perdue et est tétanisée par ce que lui demandent les médecins: «votre fille doit suivre un régime très strict dans lequel tout doit être pesé, elle doit se donner des injections d’insuline et ne doit pas avoir de contacts sociaux».
«Pendant 3 ans, j’ai vécu une période d’interdictions en tous genres» se souvient encore douloureusement Francine. A l’âge de 11 ans, la petite fille peut reprendre une vie plus ou moins normale comme les autres enfants mais ne parle jamais de sa maladie. «A l’époque, quand on était diabétique, on était stigmatisé, comme si on avait une maladie contagieuse. Des blagues cruelles circulaient à notre sujet. Alors vous pensez bien, que je ne parlais jamais de mes injections et que je fuyais les groupes » confie celle que la maladie a façonnée.
Un diabète instable
Envoyée dans une école catholique privée jusqu’à ses 18 ans, Francine mène une vie austère où les rires et les sorties sont réprimés. Lorsqu’elle commence ses études de médecine à l’Université, une chose ne change pas: «mes injections et mes malaises hypo- et hyper-glycémiques m’ont continuellement pourri la vie. Je devais me “piquer” jusqu’à 5 fois par jour au risque de tomber dans le coma. Dans ma vie, j’en ai fait 4 et le plus long a duré 5 jours ».
Un magazine change sa vie
Il y a quelques mois, c’est en lisant un magazine que Francine découvre avec intérêt le témoignage d’un homme souffrant de diabète qui avait opté pour une pompe à insuline sans tubulure. «J’ai posé le magazine et j’ai directement appelé mon endocrinologue pour avoir un rendez-vous ! ».
« Alors que je m’attendais à ce qu’il me dise que j’étais trop vieille ou que je ne répondais pas aux conditions pour l’une ou l’autre raison, c’est avec une grande joie qu’il m’a dit qu’il pensait que ce serait une bonne idée pour stabiliser mon diabète “très fluctuant” sourit notre bonne vivante. »
Une semaine après, Francine a rendez-vous avec les infirmières du service d’endocrinologie pour recevoir la pompe et procéder aux premiers ajustements. A 65 ans, souffrant de différentes complications du diabète, Francine a beaucoup «stressé» au moment où la pompe lui a été mise. « Je vis seule et cela fait 54 ans que je m’injecte de l’insuline 4 à 5 fois par jour. Que du jour au lendemain, ma qualité de vie s’améliore me semblait impossible ».
Vivre une vie en liberté
«Cela fait un mois que j’ai cette pompe et je me sens bien!» s’exclame notre nouvelle amie. «Les réglages et le débit d’insuline doivent être ajustés, mais c’est très facile, même pour une femme qui n’aime pas l’électronique».
Tous les 3 jours, la partie jetable (la partie à usage unique) de la pompe doit être changée et remplacée par une nouvelle, remplie d’insuline. Une routine que Francine a vite adoptée. «Grâce à la pompe, mon diabète est beaucoup plus stable, je ne passe plus par ces hyper- et hypoglycémies très angoissantes. »
A 65 ans, Francine a rejoint un club de gym pour séniors à deux pas de chez elle. «Et maintenant, je fais même du sport! Imaginez à mon âge, après toutes ces années d’abstinence sportive ! » éclate-t-elle de rire. Dorénavant, elle n’a ni peur ni honte de dire qu’elle est diabétique insulino-dépendante.