BPCO, la maladie du tabac

Photo by Sara Bakhshi on Unsplash

La BPCO est responsable d’au moins 15 000 décès par an. L’OMS estime que dès l’an prochain cette maladie chronique respiratoire pourrait devenir la troisième cause de mortalité dans le monde et la cinquième cause de handicap. Explications avec le Professeur Laurent Nicod, chef du service de pneumologie au Centre Hospitalier Universitaire Vaudois. 

Par Thierry Amann

La bronchopneumopathie chronique obstructive ou BPCO est une maladie chronique inflammatoire des bronches. La BPCO touche entre 5 et 7 % de la population adulte, c’est une maladie très fréquente chez les fumeurs puisque le tabac reste le principal facteur de risque. Avec le développement du tabagisme féminin ces dernières années, la BPCO concerne aujourd’hui presque autant de femmes que d’hommes. En Suisse, le taux de fumeurs est encore assez élevé : entre 25 et 29, or la BPCO est intimement liée avec la consommation de tabac. Il faut savoir qu’un tiers des patients atteints de la BPCO font face à des symptômes respiratoires importants qui pèsent sur leur vie et freinent leurs activités quotidiennes. La BPCO peut se réveiller autour de 35 – 40 ans à cause d’une exposition soutenue à la pollution ou à des agents irritants. Dans la majeure partie des cas, la BPCO devient réellement symptomatique vers 45 – 50 ans lorsque les fonctions respiratoires sont réduites d’au moins 30 %. La plupart des hospitalisations pour de graves problèmes respiratoires liés à la BPCO arrivent surtout entre 55 et 60 ans.

En quoi la BPCO est-elle un fléau pour notre souffle et nos poumons? Quels dommages cause-t-elle dans notre corps ?

La BPCO est indéniablement LA maladie du souffle car c’est une détérioration des voies respiratoires liée à des facteurs environnementaux nocifs comme le tabac ou la population. Ces particules créent des lésions et des irritations dans les voies aériennes respiratoires pouvant aller jusqu’à détruire les cellules pulmonaires. Le corps réagit alors en fabriquant un surplus de mucus pour protéger les voies aériennes. Cette substance doit ensuite être expulsée par l’organisme ce qui provoque des toux.

« La BPCO s’aggrave mais la personne ne s’en rend pas compte et adapte son mode de vie au point de ne plus pratiquer d’activités physiques. »

La BPCO est responsable d’une gêne respiratoire lors d’efforts plus ou moins intenses selon son stade plus ou moins avancé. Concrètement, plus les bronches sont enflammées et irritées ou les alvéoles pulmonaires détruites et moins de zones recevront d’oxygène empêchant ainsi le sang de s’oxygéner ce qui va limiter les performances physiques du corps. Cette réaction provoque au final un gonflement excessif des poumons, caractéristique de la BPCO.

Comment savoir si l’on est atteint, quels sont les symptômes ?

Cela peut commencer par des toux matinales liées à l’irritation des bronches. Des quintes de toux qui peuvent aussi réveiller le patient et le pousser à tousser pour libérer les bronches de leurs sécrétions. L’autre symptôme qui pèse aussi beaucoup sur la vie quotidienne est un essoufflement progressif, une peine à respirer qui va freiner la pratique d’efforts physiques parfois très simples. Un patient va d’abord avoir de la peine à marcher aussi vite que les gens dans la rue. Puis, plus la maladie progresse, plus il va lui être compliqué de monter des escaliers, il va lui être difficile de gravir un ou deux étages. Plus la BPCO va progresser et plus certaines tâches ménagères très simples vont devenir très pénibles, avec une peine à respirer au moindre effort. Le stade le plus grave est lorsque les patients sont si affaiblis au niveau du souffle, qu’ils ne peuvent plus bouger.

Quelles sont les causes de l’apparition de la maladie ?

Dans 9 cas sur 10 le tabac est responsable de la maladie, car on le sait, il reste l’ennemi numéro un de nos poumons, l’agent irritant le plus nocif pour nos bronches. Nous avons à ce jour la certitude que plus un individu a fumé, plus il risque de développer une BPCO. On estime qu’à partir de 1 paquet par jour pendant 15 ans, soit environ 15 paquets par année, le risque devient significatif. Bien évidemment, le tabagisme passif est aussi responsable de la maladie. C’est pourquoi, comme nous l’évoquions plus haut, le nombre de patients atteints de la BPCO est proportionnel au nombre de fumeurs dans la population. D’autres facteurs environnementaux sont également responsables de la maladie comme la pollution, les agents irritants contenus dans les produits ménagers ou dans les produits agricoles. Mais d’une manière générale c’est bien le tabac qui reste l’ennemi public numéro un dans cette guerre du souffle.

Quintes de toux chroniques, gênes respiratoires… comment savoir si l’on est réellement atteint de BPCO et non d’une simple bronchite ?

C’est là tout le problème du diagnostic. On peut même estimer que le nombre de patients atteints de la BPCO ne reflète pas entièrement la réalité de la maladie puisque bon nombre d’entre eux n’ont pas été encore diagnostiqués. Ils le sont bien souvent, une fois arrivés aux urgences alors qu’ils sont en pleine détresse respiratoire. Lorsqu’un patient a par exemple du mal à respirer et qu’il consulte son médecin, il n’est pas immédiatement évident pour le professionnel de santé de penser à une maladie chronique telle que la BPCO, il peut banaliser la situation, penser que c’est une simple bronchite. Seul un diagnostic complet du souffle permet de détecter cette maladie chronique. Ce problème de diagnostic, cette ignorance des patients entraîne bien souvent une accoutumance à la maladie. Souvent, la BPCO s’aggrave mais la personne ne s’en rend pas compte et adapte son mode de vie au point de ne plus pratiquer d’activités physiques. En général, les gens prennent conscience qu’ils sont atteints de BPCO lorsqu’elle est à un stade avancé: lorsqu’ils ont perdu 30 à 40 % de leur capacité respiratoire et qu’ils ne peuvent plus « faire avec ».

Justement cet essoufflement progressif doit-il empêcher tout effort physique ?

Pendant longtemps on pensait à tort qu’il fallait stopper toute activité sportive ou physique pour limiter la BPCO. C’est faux. Faire de l’exercice permet d’entretenir la musculature respiratoire. Cela favorise une bonne pénétration de l’air dans les poumons et accompagne les muscles dans leurs efforts pour inspirer et expirer. La pratique raisonnable du sport entraîne aussi un effet anti-inflammatoire dans l’ensemble de l’organisme ce qui limite les inflammations dans les bronches et les tissus pulmonaires. Il faut impérativement cesser le cercle vicieux qui consiste à dire : « j’ai du mal à respirer, je ne bouge plus ».

« Pendant longtemps on pensait à tort qu’il fallait stopper toute activité sportive ou physique pour limiter la BPCO. C’est faux. »

D’autant que le sport à un rythme adapté a aussi des bienfaits sur le système nerveux et sur le moral, un élément essentiel pour affronter et lutter contre la maladie. L’arrêt de toute activité physique entraîne aussi un arrêt des liens sociaux, ce qui va peser encore plus sur la vie quotidienne des patients. Il faut bouger, il faut respirer! Avec l’arrêt de l’exposition aux agents irritants, maintenir un exercice physique adapté est sans doute la deuxième étape essentielle dans la thérapie contre la BPCO. On peut préconiser par exemple de marcher au moins 20 minutes par jour et de faire une marche plus importante d’une heure, au moins une à deux fois par semaine.

Quelles sont les solutions et traitements thérapeutiques pour les patients ?

Il faut savoir que parfois, le seul fait d’arrêter l’exposition aux agents irritants peut être suffisant pour limiter les symptômes, voire même pour guérir. À côté de cela, il reste bien sûr des médicaments pour atténuer les symptômes, c’est ce que l’on appelle les traitements combinés. Il y a d’une part, les bêta-stimulants (LABA) qui vont stimuler le système sympathique. Cela va provoquer la même réaction que lorsque notre corps rentre dans un mécanisme de défense ou de peur en sécrétant de l’adrénaline qui va avoir pour effet de dilater les bronches et donc de favoriser la respiration. Il y a d’autre part les anti-cholinergiques (LAMA) qui vont empêcher tous les mécanismes du corps qui iraient contre une respiration efficace, ils vont notamment diminuer cette production de mucus dans les bronches qui gêne les patients et occasionne la toux. Il y a par ailleurs les traitements anti-inflammatoires, qui sont des corticoïdes inhalés qu’on donnait par le passé à tous les patients atteints de BPCO. Avec le temps, nous nous sommes aperçus qu’il fallait de bonnes raisons pour administrer ces produits car ils favorisaient les infections bronchiques, voire les pneumonies. Les corticoïdes inhalés sont surtout recommandés si le patient est à la fois atteint d’asthme et de BPCO.

Comment s’administrent ces médicaments ?

Ces deux produits LAMA et LABA doivent s’inhaler pour descendre directement dans les bronches. L’une des méthodes est l’administration par spray, mais cela nécessite une bonne coordination car il faut activer la pulvérisation et inhaler au bon moment le médicament. Il existe également des poudres qui se libèrent lorsque le patient inhale avec force, ce qui efface le souci de coordination. Le problème c’est que ces poudres peuvent présenter une gêne chez certains patients qui ne tolèrent pas bien cette substance sèche dans leurs bronches. Enfin, l’une des solutions qui semble la plus efficace et la plus simple mais aussi la mieux tolérée par les patients est l’inhalation par brumisation. Le produit est diffusé par de l’eau vaporisée pendant une à deux secondes, le patient peut inhaler le médicament à loisir, cela évite la gêne provoquée par la poudre sèche car le brumisat humide est mieux toléré par les voies aériennes.

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