Santé mentale : l’importance de la mixité et d’une approche multidisciplinaire

Docteur Nicolas Schneider
Psychiatre et spécialiste en addictologie, troubles du comportement alimentaire et
victimologie

Dans un monde où le stress quotidien, les pressions professionnelles et les défis personnels peuvent ébranler notre équilibre intérieur, la santé mentale est devenue un enjeu majeur de société. La prise en charge psychiatrique, psychologique et psychothérapeutique joue un rôle essentiel pour accompagner les individus vers un mieux-être durable. Elle ne se limite pas à un traitement médical isolé, mais intègre une vision globale de la personne, en tenant compte de ses émotions, de son environnement et de ses relations. Pour explorer ces aspects, nous avons interviewé le Dr. Nicolas Schneider, psychiatre et psychothérapeute à la Clinique La Lignière. Située dans un cadre magnifique au bord du lac Léman, avec un domaine agrémenté d’une forêt, cette clinique offre un havre de paix propice au ressourcement. Spécialiste en addictologie, troubles du comportement alimentaire et victimologie, le Dr. Schneider partage son expertise sur les troubles mentaux et leurs approches thérapeutiques. | Adeline Beijns

Quels troubles psychiatriques traitez-vous ?

Les troubles pris en charge dans le service de psychiatrie sont variés, notamment les troubles de l’humeur tels que les épisodes dépressifs, les burn out ou les troubles bipolaires, ainsi que les troubles anxieux tels que la phobie sociale, les troubles obsessionnels compulsifs ou les troubles anxieux généralisés. Il peut aussi s’agir de troubles de l’adaptation à un environnement ou suite à un événement, comme l’état de stress post-traumatique. On accueille également des troubles de la personnalité comme les troubles borderline. Dans ma pratique, je me concentre également sur la prise en charge addictologique, pour la consommation de substances comme le cannabis, l’alcool, la cocaïne, ou encore les dépendances médicamenteuses aux antalgiques, anxiolytiques ou somnifères.

Sont-ils différents de ceux pris en charge en psychologie et psychothérapie ?

Quand un patient est hospitalisé ou pris en charge en ambulatoire, les approches en psychiatrie, psychologie et psychothérapie sont complémentaires. L’abord psychiatrique est très clinique, autour des questions diagnostiques et éventuellement thérapeutiques médicamenteuses, mais nous associons toujours l’aspect psychothérapeutique. Pour les troubles de l’humeur, anxieux ou addictologiques, des approches psychothérapeutiques et des méthodes différentes peuvent se compléter. Par exemple, dans un trouble anxieux, on peut recourir à une thérapie cognitivo-comportementale pour mettre en place des techniques de gestion et d’adaptation face à des situations jugées anxiogènes. Et pour comprendre d’où vient le trouble et initier des changements plus profonds et durables, il convient parfois de proposer une approche psychodynamique et analytique plus globale.

Quels éléments considérez-vous comme essentiels dans la prise en charge de vos patients ?

D’une manière générale, le patient a besoin de se sentir accueilli, considéré et écouté. Beaucoup ont un vécu d’isolement, de solitude ou d’incompréhension, donc la prise en compte de ce mal-être est l’étape initiale fondamentale. La deuxième étape est liée au tabou de la souffrance psychologique : dans le service, tous les patients doivent pouvoir être pris en charge de manière volontaire, libre et déstigmatisée. Il est important pour nous que le service de psychiatrie soit ouvert et que les patients soient mélangés avec ceux d’autres services, comme ceux de la médecine interne gériatrique, de la réadaptation neurologique, orthopédique ou cardiovasculaire.

Par exemple, à l’heure du déjeuner, les patients se retrouvent en salle de restauration au côté de personnes ayant subi une transplantation cardiaque, un AVC, une pose de prothèse de hanche voir même de visiteurs extérieurs. Cela aide le patient à comprendre que nous avons tous nos propres difficultés et qu’il est important de trouver un endroit où l’on peut être pris en considération sans jugement et sans préjugé. Il y a aussi l’importance de pouvoir se retrouver dans des lieux de bien-être communs et mutualisés, comme la piscine et le spa ou le centre de fitness, avec des patients de différents services mais aussi des usagers extérieurs. Et bien sûr, un cadre de vie agréable, reposant et ressourçant, proche de la nature, avec la possibilité de passer du temps en forêt ou bord de l’eau, est essentiel.

La mixité des patients est donc un véritable atout à la guérison ?

Oui car elle met à mal les tabous et les patients réalisent qu’il n’y a pas une grande différence entre les pathologies mentales et somatiques, tant au niveau de leurs conséquences que de leur intensité. Si un patient a un trouble de l’humeur et qu’il parle à un patient ayant un problème cardiaque, cela lui permet de réfléchir aux conséquences, de faire tout un cheminement par rapport au handicap, au sens de la vie, de la mort, mais aussi une réflexion sur les modes de vie, les rythmes et l’équilibre de vie. La mixité est une richesse médicale inestimable.

Quels groupes et programmes thérapeutiques recommandez-vous ?

Bien que des programmes spécifiques existent, l’essentiel réside dans une prise en charge holistique du patient et de son environnement. Nous offrons une approche et des thérapies systémiques familiales ou conjugales. Nous explorons systématiquement le quotidien et les habitudes de vie avec notamment l’ergothérapie, afin de penser les aménagements des conditions de vie et des activités facilitateurs du mieux être à la sortie. Les comorbidités somatiques et leurs conséquences sont intégrées dans la prise en charge. Notre plateau technique somatique est propice. La dimension spirituelle si elle est une ressource pour le patient est accompagnée et intégrée. Enfin, nos programmes « lifestyle » intègrent patients et personnes extérieures désirant améliorer leurs habitudes et leur quotidien – rythmes de vie et sommeil ou sevrage tabagique, par exemple – offrent un accompagnement soutenant et bienveillant dans un monde obsédé par la performance et la rentabilité.

Comment une approche pluridisciplinaire améliore-t-elle la prise en charge des patients ?

L’avantage d’une approche pluridisciplinaire réside dans sa capacité à fournir au patient une perspective à la fois experte et synergique. Notre équipe comprend des psychothérapeutes, des ergothérapeutes, des art-thérapeutes, des diététiciens, des maîtres de sport spécialisés dans l’activité physique adaptée, des infirmiers, des médecins, et intègre également la dimension spirituelle avec notre service d’aumônerie. Cette vision multidisciplinaire permet de partager les éléments symptomatiques et diagnostiques afin de croiser les regards autour de chaque situation clinique. Adaptées aux affinités, aux prédispositions et aux sensibilités spécifiques de chaque individu, nous proposons diverses médiations afin qu’il puisse étoffer son parcours de soins et approfondir son processus psychothérapique.

Selon vous, quel est l’environnement qui favorise la récupération lors d’un traitement psychiatrique ?

En général, les patients qui demandent à être hospitalisés cherchent deux choses. La première, c’est de prendre de la distance avec leur environnement habituel, c’est-à-dire quitter leur domicile et leurs proches – ce qui n’est pas facile dans les premiers jours, mais c’est au final bénéfique car ils se détendent et s’apaisent par rapport à la pression sociale et familiale. La deuxième, c’est d’être accueilli dans un cadre bienveillant, proche de la nature et de tous ses éléments. Pour s’autoriser à ralentir et prendre soin de soi, rien de tel qu’un environnement naturel et intemporel avec une vue sur le lac et entouré du Jura et des Alpes. 

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