Yeux secs, regard troublé : ce que révèlent vos glandes de Meibomius

Jean-Boris von Roten

La sécheresse oculaire touche un nombre croissant de personnes, entraînant inconfort, irritation et troubles visuels. Parmi ses principales causes, la dysfonction des glandes de Meibomius (DGM) joue un rôle majeur mais reste encore peu connue du grand public. Pour mieux comprendre ce phénomène et apprendre à protéger notre santé oculaire, nous avons rencontré Jean-Boris von Roten, Pharmacien responsable FPH à la Pharmacie von Roten SA, qui nous éclaire sur ce sujet essentiel. | Adeline Beijns

Qu’est-ce précisément que la dysfonction des glandes de Meibomius (DGM), et où sont situées ces glandes exactement ?

La dysfonction des glandes de Meibomius (DGM) est une affection fréquente mais souvent méconnue qui touche spécifiquement de petites glandes situées tout au bord de nos paupières, juste derrière la rangée des cils, sur la partie interne de la paupière. Ces glandes minuscules produisent une substance huileuse appelée meibum. Cette sécrétion lipidique est essentielle puisqu’elle constitue la couche externe du film lacrymal, dont le rôle est de ralentir l’évaporation rapide des larmes à la surface de l’œil. En cas de dysfonction, les glandes de Meibomius peuvent s’obstruer ou produire un meibum de mauvaise qualité, trop épais ou insuffisant, entraînant un déséquilibre du film lacrymal. L’œil devient alors vulnérable, s’assèche plus rapidement et perd sa protection naturelle. 

Comment cette dysfonction se développe-t-elle ? Est-elle fréquente ?

La dysfonction des glandes de Meibomius se développe souvent lentement, sur plusieurs années. Ce processus peut être lié à l’âge, car les glandes ont tendance à moins bien fonctionner à mesure que l’on vieillit. Mais le facteur déterminant reste souvent l’hygiène palpébrale insuffisante ou mal réalisée, c’est-à-dire un entretien inadapté ou insuffisant du bord des paupières. Si cette zone n’est pas régulièrement nettoyée, des dépôts et des bactéries peuvent s’accumuler à proximité des glandes, ce qui finit par provoquer leur obstruction progressive.

La conséquence directe d’un mauvais entretien palpébral est souvent l’apparition d’une inflammation chronique des paupières, appelée blépharite, qui accentue encore davantage la mauvaise qualité des sécrétions glandulaires. La DGM est très fréquente, surtout aujourd’hui où l’usage prolongé des écrans aggrave le phénomène en réduisant inconsciemment le rythme naturel du clignement des yeux. 

Comment précisément la DGM contribue-t-elle à la sécheresse oculaire ?

En cas de DGM, la couche lipidique du film lacrymal n’est pas correctement produite. Le film lacrymal, normalement protecteur, devient ainsi instable. Conséquence directe : les larmes s’évaporent plus rapidement et ne protègent plus efficacement l’œil contre les agressions extérieures, provoquant la sécheresse oculaire.

Quels sont les signes concrets de cette affection ?

Les patients remarquent souvent des brûlures oculaires persistantes, une sensation de sable dans les yeux, des démangeaisons fréquentes ou une vision parfois fluctuante. À cela peut s’ajouter une gêne prononcée au réveil, les paupières pouvant être collantes ou irritées.

Quelles sont les causes principales qui expliquent l’obstruction ou le mauvais fonctionnement de ces glandes ?

Les causes de la dysfonction des glandes de Meibomius sont multiples. Tout d’abord, une hygiène palpébrale insuffisante ou inadéquate est souvent en cause : lorsque les paupières ne sont pas nettoyées régulièrement, les sécrétions s’épaississent et bouchent progressivement les glandes.

Le vieillissement naturel des glandes elles-mêmes contribue également à leur dysfonctionnement, car avec l’âge, elles produisent souvent un meibum de qualité inférieure ou en quantité insuffisante. À cela s’ajoute l’utilisation prolongée d’écrans (ordinateurs, tablettes, smartphones), qui diminue le clignement naturel des paupières, empêchant ainsi le renouvellement normal du meibum.

Par ailleurs, il existe des causes plus spécifiques comme la prise prolongée de certains médicaments, par exemple certains antidépresseurs, antihistaminiques ou médicaments hormonaux, qui assèchent les yeux et perturbent la fonction normale des glandes. Enfin, certaines maladies auto-immunes comme le syndrome de Gougerot-Sjögren entraînent une sécheresse généralisée des muqueuses, dont celle des yeux, contribuant ainsi de manière directe à la dysfonction des glandes de Meibomius.

Existe-t-il des facteurs environnementaux ou comportementaux qui aggravent la DGM et la sécheresse oculaire ?

Oui, absolument. Outre l’usage prolongé des écrans, l’exposition à la fumée de tabac (tabagisme actif ou passif) représente un réel facteur aggravant. Les environnements climatisés ou trop chauffés, qui assèchent l’air, amplifient aussi le problème. Par ailleurs, certains collyres contiennent des conservateurs irritants susceptibles d’aggraver l’état des patients en cas d’usage prolongé.

Quelles mesures préventives recommandez-vous pour gérer efficacement la DGM et atténuer la sécheresse oculaire ?

Une bonne hygiène palpébrale est essentielle : nettoyer quotidiennement les paupières à l’aide de lingettes spécifiques ou d’un linge doux légèrement chaud. Ce nettoyage doux, associé à un massage délicat, permet de fluidifier les sécrétions accumulées. Cligner volontairement des yeux lors du travail sur écran et humidifier l’environnement aident également à préserver la santé oculaire sur le long terme.

En tant que pharmacien de premier recours, quels éléments prenez-vous en compte lorsque vous conseillez un patient souffrant potentiellement de DGM ?

En pharmacie, les plaintes telles que « j’ai les paupières irritées, sèches ou les yeux secs » sont très fréquentes. Nous voyons ainsi des patients à différents stades : soit pour encourager l’adhésion au traitement déjà prescrit, soit en tant que premiers interlocuteurs pour identifier le problème. Grâce à une formation de plus en plus complète, nous pouvons conseiller efficacement les patients et les orienter rapidement vers un ophtalmologue dès que certains critères d’alerte sont identifiés.

Que risque-t-on concrètement si la DGM n’est pas traitée à temps ?

Sans prise en charge, la DGM peut évoluer vers une sécheresse oculaire sévère et chronique, entraînant des inflammations répétées comme la blépharite, des chalazions fréquents et parfois même des complications cornéennes graves. Sur le long terme, la qualité de vie visuelle peut être fortement altérée, voire endommagée de façon permanente. 

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