La médecine nucléaire, une alliée méconnue et précieuse

La médecine nucléaire est souvent méconnue du grand public. Pourtant, cette spécialité ancienne et fascinante, qui puise ses racines dans les découvertes révolutionnaires de Marie Curie, offre aujourd’hui des possibilités diagnostiques et thérapeutiques remarquables. Elle permet non seulement d’observer le fonctionnement interne des organes pour détecter précocement de nombreuses maladies, mais également de proposer des traitements innovants et ciblés, notamment grâce à la « théranostique », une approche prometteuse contre certains cancers difficiles à traiter. Le Dr. Olivier Rager, spécialiste en médecine nucléaire à la Clinique Générale-Beaulieu, nous éclaire sur cette discipline et répond aux interrogations les plus fréquentes. | Adeline Beijns

Qu’est-ce que la médecine nucléaire et en quoi cette spécialité médicale se distingue-t-elle des autres approches diagnostiques et thérapeutiques ?

La médecine nucléaire est l’une des spécialités médicales les plus anciennes et innovantes, utilisant des substances radioactives appelées radionucléides pour établir des diagnostics précis ou administrer des traitements ciblés. Elle trouve ses origines dans les découvertes de Marie Curie au début du 20ème siècle, pionnière dans l’étude des éléments radioactifs. Dès ses débuts, la médecine nucléaire s’est illustrée notamment par le traitement du cancer de la thyroïde grâce à l’iode radioactif, une méthode encore largement utilisée aujourd’hui. La première machine destinée spécifiquement à réaliser des images médicales utilisant ces radionucléides remonte aux années 1950. Par ailleurs, il est intéressant de noter que le tout premier PET-scan (Tomographie par Émission de Positons) européen a été installé à Genève en 1978, aux Hôpitaux Universitaires de Genève (HUG). Contrairement aux techniques classiques d’imagerie médicale qui visualisent principalement la structure anatomique, la médecine nucléaire révèle le fonctionnement interne des organes en mesurant leurs activités biologiques et métaboliques. Elle ne se limite pas uniquement à l’imagerie, mais inclut aussi des prélèvements sanguins spécifiques pour évaluer divers paramètres biologiques liés aux radionucléides utilisés. Cette approche unique permet de détecter très tôt des pathologies souvent invisibles avec les autres méthodes d’imagerie médicale classiques.

Quels sont les examens de médecine nucléaire les plus fréquents, et dans quelles situations médicales spécifiques sont-ils recommandés ?

Le PET-scan est un examen essentiel en médecine nucléaire, principalement utilisé en oncologie. Il permet d’identifier et de localiser précisément les cellules cancéreuses grâce à un marqueur radioactif injecté au patient qui s’accumule préférentiellement dans les cellules à forte activité métabolique, typique des cellules cancéreuses. Cet examen est particulièrement efficace pour la détection précoce, le diagnostic initial, ainsi que le suivi thérapeutique des cancers. La scintigraphie est un autre examen majeur en médecine nucléaire qui permet de visualiser le fonctionnement de différents organes en utilisant des traceurs radioactifs spécifiques. Elle trouve de nombreuses applications médicales variées : la scintigraphie cardiaque évalue la perfusion myocardique et détecte les maladies coronariennes ; la scintigraphie osseuse diagnostique les métastases osseuses ou les lésions inflammatoires et permet de poser les indications opératoire ou de détecter des complications en orthopédie ; la scintigraphie thyroïdienne et parathyroïdienne est utilisée pour évaluer les troubles du fonctionnement des glandes endocrines ; et enfin, la scintigraphie neurologique est précieuse dans le diagnostic et le suivi des maladies neurodégénératives telles que les maladies de Parkinson ou d’Alzheimer. 

Comment les nouvelles technologies permettent-elles de diminuer l’exposition à la radiation, et quels en sont les bénéfices concrets pour les patients ?

Les nouvelles technologies utilisées en médecine nucléaire optimisent considérablement la manière dont les images médicales sont obtenues. Grâce à des détecteurs plus sensibles et à des systèmes d’imagerie de haute précision, ces appareils permettent d’obtenir des images de qualité égale ou supérieure en utilisant moins de radiation. L’exposition à la radiation est ainsi réduite de 40%. Les bénéfices pour les patients sont importants : la réduction de l’exposition à la radiation renforce encore davantage la sécurité des examens. Cette approche limite les inquiétudes des patients liées à la radiation et rend l’expérience d’examen plus sereine et rassurante. Par ailleurs, ces technologies réduisent de moitié la durée des examens, les rendant plus confortables et pratiques pour les patients.

Existe-t-il des contre-indications spécifiques aux examens de médecine nucléaire, et comment la sécurité des patients est-elle assurée tout au long du processus ?

Les contre-indications absolues sont rares en médecine nucléaire, mais certaines situations exigent une attention particulière. Notamment, la grossesse ou l’allaitement constituent des moments où l’utilisation de radioactivité est généralement évitée ou adaptée afin de protéger la mère et l’enfant. Hormis certains examens très spécifiques reposant sur une réponse immunitaire particulière, les examens de médecine nucléaire ne présentent aucune allergie ni toxicité. De plus, chaque patient remplit au préalable un questionnaire médical détaillé permettant notamment d’identifier d’éventuelles interactions médicamenteuses avec les traitements médicaux en cours. La sécurité des patients est garantie par des protocoles rigoureux, une formation continue des équipes médicales spécialisées, et des contrôles réguliers de tous les équipements médicaux. Toutes ces mesures assurent que chaque procédure soit réalisée dans les conditions les plus sûres possibles.

Un message important à retenir concernant la médecine nucléaire ?

Elle s’oriente vers un futur passionnant grâce à la théranostique, une approche novatrice combinant diagnostic et traitement dans une même procédure. Cette approche permet de personnaliser les soins de manière inédite, notamment dans les cancers complexes comme ceux de la prostate et les tumeurs neuroendocrines. Grâce à la théranostique, nous entrons dans une ère où chaque patient bénéficie d’un diagnostic extrêmement précis couplé à un traitement sur mesure, ouvrant ainsi de nouvelles perspectives thérapeutiques prometteuses pour de nombreuses maladies. 

Cet article vous a plu ?
Abonnez-vous à la version papier Salle d’attente pour avoir accès à toutes les informations sur le sujet: témoignages, tests, adresses utiles, infographies et autres.
Alors n’attendez-plus !
CHF39.00
Ou abonnez-vous directement pour 8 éditions !
CHF78.00

Loading

Partagez sur

Facebook

Plus d’articles :

Comment les fantasmes enrichissent notre vie

Les fantasmes sexuels sont une fenêtre fascinante sur l’univers de nos désirs et de notre imaginaire, pourtant, ils restent souvent emprisonnés dans le silence et les tabous. Pourquoi, alors qu’ils font partie intégrante de la sexualité humaine, sont-ils si rarement évoqués librement ? Pour démystifier cette composante essentielle de l’épanouissement personnel et de la santé sexuelle, nous avons eu le plaisir de rencontrer le Dr. Lakshmi Waber, Spécialiste FMH en psychiatrie et sexologue, président et responsable de formation de la Société Suisse de Sexologie. Préparez-vous à explorer un aspect fondamental de la sexualité humaine qui mérite d’être mieux compris et apprécié.

Loading

Lire la suite »

Le rôle des tests génomiques dans le cancer du sein

Chaque année, des milliers de femmes font face au diagnostic de cancer du sein. Si ce combat reste éprouvant, les avancées médicales, notamment l’utilisation de tests génomiques, permettent aujourd’hui d’affiner les traitements pour mieux répondre aux caractéristiques propres de chaque patiente. Le Dr. Mathieu Chevallier, oncologue à la Clinique Générale-Beaulieu à Genève et membre du Centre du Sein Swiss Medical Network, nous parle du parcours de l’une de ses patientes et explique comment ces nouvelles technologies révolutionnent la prise en charge.

Loading

Lire la suite »

Cheveux en chute libre ?

La chute de cheveux est une préoccupation courante, mais comment savoir si elle est normale ou inquiétante ? Chaque jour, nous perdons naturellement des cheveux, mais lorsque la densité diminue visiblement ou que des zones clairsemées apparaissent, cela peut signaler un problème sous-jacent. Stress, carences, hormones ou encore soins inappropriés : les causes sont multiples.

Loading

Lire la suite »

Un simple coup de ciseaux, une grande cause

Offrir un peu de soi pour redonner espoir : il y a un an, Eve, 24 ans, a coupé 20 centimètres de ses cheveux pour les donner à une association. Un geste simple mais profondément solidaire, qui transforme des mèches en perruques pour ceux qui en ont besoin.

Loading

Lire la suite »

Prendre soin de soi avec le cancer

Prendre soin de soi n’a jamais été aussi tendance. À l’heure où les injonctions à prendre du temps pour soi, créer des limites entre vie professionnelle et vie privée et traiter son bien-être psychique aussi sérieusement que sa santé physique, sont partout, c’est d’autant plus vrai pour les personnes atteintes d’une maladie grave.

Loading

Lire la suite »

À 23 ans, le cancer n’était pas prévu

Quand on a la vie devant soi, entendre une infirmière dire avec un sourire maladroit : « Vous avez de la chance, vous avez choisi le bon cancer, car celui de la thyroïde se soigne bien », peut sembler surréaliste, voire cruel. Car même si ce cancer bénéficie d’un pronostic souvent favorable, à cet âge-là, on ne se sent pas préparé à affronter ce mot effrayant, synonyme d’incertitude et d’angoisse. C’est ce que Magda, aujourd’hui âgée de 39 ans, a ressenti lorsque le diagnostic est tombé. Quinze ans plus tard, en pleine préparation d’un album photo de son dernier périple de 3’500 km en Namibie, elle se confie sur son parcours marqué par la maladie et le désir de continuer à vivre pleinement.

Loading

Lire la suite »