Carcinome hépatocellulaire : comprendre pour prévenir et traiter

Le carcinome hépatocellulaire est un cancer du foie aux impacts redoutables, dont l’incidence ne cesse de croître. Pourtant, la méconnaissance de cette maladie persiste. Pour en apprendre davantage, nous avons interviewé le Dr. Mathieu Chevallier, oncologue médical à la Clinique Générale-Beaulieu à Genève, qui nous éclaire sur les réalités, les risques, et les moyens de lutte contre ce fléau. 

Par Adeline Beijns

Pour commencer, pouvez-vous nous expliquer ce qu’est exactement le carcinome hépatocellulaire ?

Le carcinome hépatocellulaire (CHC) est une forme de cancer qui se développe dans les cellules hépatiques, appelées hépatocytes, qui sont les cellules principales du foie. Dans le cadre de cette pathologie, les cellules du foie subissent des changements qui les rendent malignes, c’est-à-dire cancéreuses, formant ainsi une tumeur. Ce cancer est primaire, ce qui signifie qu’il prend naissance dans le foie lui-même, et non par métastase depuis un autre organe. Le CHC survient souvent dans un foie fragilisé par des maladies chroniques, comme la cirrhose ou les infections virales chroniques du foie (hépatites B et C). Sa nature agressive et son développement souvent silencieux en font une maladie redoutable.

Quelle est la situation actuelle de cette maladie en Suisse ?

En Suisse, le carcinome hépatocellulaire reste relativement rare en comparaison avec d’autres cancers : environ 200 cas sont diagnostiqués chaque année, ce qui représente environ 2 à 3% des cancers dans le pays. Cela est dû en partie à une prévalence moins importante de la cirrhose et des hépatites virales chroniques par rapport à d’autres régions du monde. En revanche, dans certaines régions, comme l’Asie ou l’Afrique subsaharienne, où l’hépatite B est plus répandue, ce type de cancer est beaucoup plus fréquent. Bien que rare, le CHC en Suisse demeure un cancer au pronostic sévère : le risque de décès associé est d’environ 80%, soulignant l’importance d’un diagnostic et d’un traitement précoces.

Quels symptômes peuvent signaler un carcinome hépatocellulaire ?

Le CHC est souvent silencieux dans ses premières phases, ne manifestant aucun symptôme perceptible, surtout en l’absence de dépistage chez les individus à risque. C’est pourquoi il est fréquemment découvert lors de contrôles médicaux réguliers chez des patients déjà atteints de cirrhose, par exemple par des échographies hépatiques semestrielles. Quand la maladie progresse, des symptômes spécifiques peuvent se manifester, tels que des douleurs dans la région supérieure droite de l’abdomen, appelées douleurs de l’hypochondre droit, une masse palpable au niveau du foie, ou encore une accumulation de liquide dans l’abdomen, appelée ascite. Les patients peuvent aussi souffrir de jaunisse (jaunissement de la peau et des yeux), de confusion mentale, ou encore de saignements gastro-intestinaux. Ces symptômes témoignent souvent d’une atteinte avancée, nécessitant une prise en charge urgente.

Peut-on identifier des signes précurseurs qui permettraient une détection plus rapide ?

Malheureusement, il n’existe pas de signes précurseurs clairs et spécifiques au CHC. C’est pourquoi, pour les patients à risque, comme ceux atteints de cirrhose, un dépistage régulier est essentiel. Le suivi médical et les examens d’imagerie réguliers permettent de repérer d’éventuelles anomalies avant même que des symptômes ne se manifestent. Ce suivi, réalisé en collaboration étroite avec les médecins, est un atout pour une détection précoce, essentielle pour augmenter les chances de réussite des traitements.

Quels sont les principaux facteurs de risque associés à cette maladie ?

Le CHC est souvent associé à des maladies chroniques du foie. Parmi les principaux facteurs de risque, on retrouve la cirrhose, causée par une consommation excessive d’alcool, des infections par les virus de l’hépatite B (HBV) ou de l’hépatite C (HCV), la surcharge de graisses dans le foie (stéatose hépatique), ou encore des maladies génétiques comme l’hémochromatose. Les habitudes et les causes de la cirrhose varient géographiquement : en Europe, l’alcool est un facteur majeur, tandis que l’hépatite C est plus fréquente aux États-Unis et au Japon, et l’hépatite B en Asie et en Amérique du Sud. Par ailleurs, le syndrome métabolique, qui comprend l’obésité, le diabète de type 2, et l’hypertension, accroît aussi le risque de maladies hépatiques chroniques et, à long terme, de cancer du foie.

Carcinome

Comment évolue cette maladie une fois déclarée ?

Le CHC est une maladie dont la progression peut être rapide. Une fois déclarée, cette pathologie doit être prise en charge sans tarder, car elle peut évoluer jusqu’à des stades où le traitement devient difficile, voire impossible. Dans de nombreux cas, le cancer est découvert à un stade avancé où l’atteinte du foie est telle que les options de traitement sont limitées.

Quelles peuvent être les conséquences d’une absence de traitement ?

Sans traitement, le CHC peut entraîner des complications graves. Les patients risquent de développer une insuffisance hépatique, un état dans lequel le foie n’assume plus ses fonctions vitales, entraînant une jaunisse, des troubles de la conscience, voire un coma ou le décès. Ces symptômes reflètent l’évolution rapide et destructrice de la maladie lorsque celle-ci n’est pas traitée à temps.

Existe-t-il des moyens de prévenir cette forme de cancer ?

La prévention du CHC passe par la réduction des facteurs de risque, notamment en évitant les situations qui pourraient provoquer une inflammation chronique du foie, facteur principal de cirrhose. La consommation modérée d’alcool est une mesure clé pour limiter le risque. Les hépatites virales B et C, quant à elles, peuvent être prévenues par la vaccination (pour l’hépatite B) ou par des mesures de réduction des risques de transmission et d’exposition (sang et sécrétions pour HBV, sang pour HCV). En cas d’hépatite virale avérée, la prise de médicaments antiviraux est la pierre angulaire pour éviter toute progression vers la cirrhose. La gestion du syndromemétabolique, en adoptant une alimentation saine, en pratiquant une activité physique régulière et en surveillant le poids, contribue aussi à diminuer le risque de stéatose hépatique et donc de CHC.

Auriez-vous un cas patient qui pourrait illustrer cette maladie ?

Oui, un exemple marquant est celui de Monsieur P., un patient de 55 ans avec un historique de surpoids et d’anciennes habitudes de tabagisme. Bien que n’ayant pas de suivi médical régulier, il présentait une consommation d’alcool excessive (environ une bouteille de vin par jour). Monsieur P. s’est rendu aux urgences après plusieurs semaines de douleurs abdominales intermittentes et d’une perte de poids notable. Les examens d’imagerie ont révélé une masse importante dans le foie, et une biopsie a confirmé le diagnostic de CHC. La tumeur était trop avancée pour une chirurgie, mais le patient a pu recevoir un traitement, ce qui a permis de ralentir la progression de la maladie et d’améliorer sa qualité de vie.

En guise de conclusion, quel message souhaitez-vous transmettre aux lecteurs ?

La santé du foie est cruciale, et de petites habitudes peuvent faire une grande différence dans la prévention du carcinome hépatocellulaire. La réduction de la consommation d’alcool, une vigilance accrue pour les hépatites virales et des consultations régulières avec le médecin en cas de cirrhose sont des mesures simples mais importantes pour protéger son foie. La prévention commence par l’information et des gestes de santé quotidiens qui peuvent diminuer les risques. Il est essentiel de consulter un professionnel de santé pour un suivi adapté, en particulier si des facteurs de risque sont présents. 

Cet article a été réalisé avec l’aimable soutien d’AstraZeneca SA
L’indépendance de l’opinion de l’expert a été entièrement respectée

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