Maternité et SEP : oui, c’est possible !

Selon la Société suisse de sclérose en plaques (SEP), un cas est diagnostiqué chaque jour dans notre pays. Elle est la maladie neurologique la plus fréquemment diagnostiquée parmi les 20-40 ans et touche essentiellement des femmes. N’affectant ni la fécondité ni le désir d’enfant, il est normal de se demander si on peut donner la vie en étant atteinte de cette maladie auto-immune. Entretien réalisé auprès de Barbara Vergères, auteure du livre « Corps et Âmes en recherche de liberté » qui vient de paraître. 

Par Adeline Beijns

Barbara, pourriez-vous nous dire quelques mots sur vous et sur votre vie « avant la maladie » ?

Avec plaisir. Je suis née en 1978 à Crans-Montana. J’ai eu une enfance très heureuse axée sur la famille et la musique. Je suis très proche de mon frère et de ma sœur avec lesquels, j’ai fait les 400 coups dans la grande maison familiale, en plein milieu de la forêt, dans laquelle nous vivions avec mes grands-parents, mon oncle et ma tante. Côté études, j’ai fait un apprentissage d’employée de banque et j’ai commencé dans une petite banque privée où nous n’étions que deux et où je suis restée 17 ans c’est-à-dire jusqu’à ma deuxième grossesse.

Quels ont été les premiers signes de la maladie ? Dans quelles circonstances s’est-elle manifestée ?

C’est arrivé sans bruit. J’étais la fille d’honneur dans le défilé de la fanfare, en costume traditionnel, et pendant que je marchais, j’ai peu à peu senti que ma jambe gauche se dérobait sous moi. J’avais du mal à tenir sur mes talons et j’ai dû m’échapper du défilé. C’était en 2008, j’avais 30 ans. Je n’y ai pas vraiment prêté attention car j’étais convaincue que je ne pouvais pas avoir quelque chose de grave. Pourtant, tous les signes étaient là : mon côté gauche me « lâchait » de plus en plus souvent et j’avais du mal à trouver mon équilibre.

Comment s’est passé le diagnostic ?

Il a été très long. Je suis d’abord allée voir mon médecin de famille qui m’a prescrit des semelles orthopédiques et recommandé d’aller voir un psychiatre car c’était « dans la tête » selon lui. C’est une homéopathe qui m’a recommandé d’aller voir un neurologue car pour elle, il était évident que je souffrais d’une maladie inflammatoire. Après une IRM et des ponctions lombaires, on m’a diagnostiqué une sclérose en plaques de type 2, dite évolutive, c’est-à-dire que bien qu’il n’y ait pas de poussées, la maladie a tendance à s’aggraver au fil du temps. Le diagnostic ne m’était pas inconnu car un membre proche de ma famille souffrait aussi déjà de SEP.

Comment vit-on lorsqu’on est atteinte d’une maladie grave évolutive ?

On essaye de ne pas trop penser au lendemain et de vivre dans l’instant présent en se concentrant sur tout ce qu’il y a de positif. Au quotidien, ce n’est bien sûr pas facile d’autant plus que je souffre aussi du syndrome d’Uhthoff, courant pour les personnes de SEP, qui est une intolérance à la chaleur. Les températures estivales sont particulièrement difficiles à vivre et en été, je dois souvent prendre des bains froids et appliquer des poches de glace. J’ai donc dû arrêter de travailler en 2014 car la grande fatigue que j’éprouve en permanence (comme si toutes mes nuits étaient blanches), la difficulté que j’ai à me déplacer et mon manque d’équilibre, rendaient mon travail de plus en plus éprouvant. Dans notre logement, nous n’avons pas encore fait d’aménagement mais je sais que cela viendra un jour.

Maladie et désir d’enfant, avez- vous pu combiner les deux ?

Oui et heureusement car mon mari et moi souhaitions vraiment avoir des enfants. Six mois après l’annonce dudiagnostic, j’ai annoncé mon désir de grossesse à mon neurologue et nous avons arrêté le traitement. Quand on est atteinte de SEP, une grossesse n’est pas du tout impossible mais elle se planifie. J’ai eu beaucoup de chance car je suis très rapidement tombée enceinte de ma fille qui est née en 2011 et mon fils en 2013.

Comment se sont déroulées vos deux grossesses ?

Magnifiquement bien car je me sentais apaisée et à l’abri des complications de la maladie. Mais je dois cela aussi au soutien indéfectible de mon mari pendant la grossesse et après l’accouchement. Sans traitements et sans symptômes de la maladie, on peut véritablement parler de «lunedemiel». La SEP n’y est pour rien mais les deux accouchements n’ont quand même pas été de tout repos et ont dû se faire sous césarienne à chaque fois car mes deux enfants se sont présentés en siège.

Comment réagissent vos enfants face à la maladie ?

Ils ont tous les deux des caractères très différents. Pour ma fille, tant que la maladie ne m’empêche pas de marcher, tout va bien. Pour mon fils qui est plutôt hypersensible, me voir tituber et marcher avec des béquilles, est quelque chose de très difficile à vivre. Heureusement que mon mari est un homme positif, un battant qui se concentre sur tout ce qui va bien et qui n’aborde que très peu la maladie et son évolution.

Qu’aimeriez-vous dire aux femmes atteintes de SEP qui craignent d’avoir des enfants ?

Je leur dirais qu’il ne faut pas se laisser submerger par la peur et qu’il faut, au contraire, avoir confiance en soi, se faire aider et savourer chaque moment avec son enfant. La peur paralyse et condamne l’instant présent qui peut être très beau, surtout avec une famille. Elles devraient faire confiance à leur neurologue et gynécologue et prendre toute l’aide qu’on leur propose.

Où en êtes-vous aujourd’hui ? Vous venez de publier un livre témoignage intitulé « Corps et Âmes en recherche de liberté ». Comment est né ce projet ?

Je vis au jour le jour en essayant de profiter au maximum de chaque bon moment et en ne pensant pas à l’avenir. Aujourd’hui, je suis un traitement qui nécessite une journée en hôpital de jour tous les 8 mois, donc cela est gérable. Mais contre toute attente et de manière inquiétante, les médecins ont diagnostiqué une SEP à ma maman à l’âge de 61 ans, ce qui est très tardif. Cela porte à 3, le nombre de personnes touchées par la SEP dans notre famille.

Quant à mon livre, il a été une véritable thérapie et est une idée de ma grand-mère maternelle. C’est elle qui un jour m’a posé la question « pourquoi n’écrirais-tu pas ton histoire pour transmettre tout ce que tu as traversé et tout ce que tu as aussi vécu de beau » ? Il m’a fallu du temps pour m’y mettre mais un jour, le 1 janvier 2021, je me suis lancée. J’ai commencé à écrire et écrire et écrire. Moi qui ne suis pas littéraire, je ne comprends toujours pas comment je suis parvenue à écrire un livre et à me confier.

Ce livre n’aurait jamais pu aboutir sans l’aide précieuse de ma sœur : elle relisait et corrigeait mes écrits. Je dois avouer qu’avant l’écriture de ce livre, je ne prenais pas vraiment conscience de la gravité de la maladie. Ecrire m’a permis d’exprimer ce que je vivais et ressentais et qui était, en quelque sorte, enfoui au fond de moi. Cela m’a aussi permis d’exprimer que je vivais de bons moments malgré la SEP et de laisser une trace pour mes enfants. 

Cet article a été réalisé avec l’aimable soutien de Roche Pharma (Suisse) SA
L’indépendance de l’opinion du patient a été entièrement respectée

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