Laetitia a décidé de partager son histoire

Laetitia G. est une femme pétillante de 32 ans. A la voir, tout lui sourit : elle possède son propre salon de coiffure, est amoureuse de Laurent depuis 3 ans et le couple envisage de fonder une famille. La jeune femme ne laisse rien entrevoir de sa maladie, la sclérose en plaques (SEP) dont le diagnostic a été pose il y a peu de temps après leur rencontre.

Par Adeline Beijns

Laetitia, même si nous sommes au téléphone, j’arrive à entrevoir une femme dynamique et épanouie. Voulez-vous vous décrire en quelques mots pour nos lecteurs ?

La première idée qui me traverse l’esprit, c’est la nature. Je suis une amoureuse, une passionnée de grand air. Un de mes plus grands plaisirs: les randonnées entre amis ! Vous savez, ces sorties en montagne qui durent toute une journée. Celles où vous vous allongez dans les hautes herbes ou sur un rocher à l’heure du dîner ; celles où le soleil vous caresse les joues. Ces randonnées, où vous refaites le monde entre copains, autour d’un bon vin, accompagné d’un plateau de charcuterie.

J’adore aussi la course à pied et l’escalade. Une bonne séance de grimpe après une longue journée de travail me permettait de décompresser à 200%. Issue du monde de la coiffure, et après 7 ans d’études, j’ai pu mettre à disposition mon énergie et mon savoir-faire auprès de mes clientes. Ce qui m’a permis d’ouvrir un salon de coiffure en France et puis un autre en Suisse. J’ai toujours eu ce côté dynamique, entrepreneur. J’ai aussi toujours pris soin de mon mental, car une des forces dans la vie est de cultiver une énergie positive. C’est cet état d’esprit qui vous donne la possibilité de tout réussir dans la vie, car notre seule limite, c’est nous-mêmes. Et bien évidemment la famille. J’ai eu la chance de grandir dans une famille aimante et attentionnée. Mes parents et mes proches m’ont toujours soutenue, dans toutes mes démarches et toutes mes envies. Je leur suis tellement reconnaissante et je ne manque pas une occasion de leur témoigner mon amour ! Et la cerise sur le gâteau est apparue il y a trois ans, lorsque j’ai rencontré celui qui est devenu l’homme de ma vie.

Mais un jour, tout bascule. Dans quelles circonstances avez-vous découvert que vous souffriez de SEP ?

Et oui… Ce tableau idyllique a été terni par une suite d’évènements et de chocs consécutifs très pesants. Un lourd procès avec mes associés, la perte de trois de mes proches, un avocat qui m’arnaque et les dettes qui ont commencé à s’accumuler ont été le coup d’envoi d’une descente aux enfers. Les premiers symptômes sont apparus à ce moment-là. D’abord la fatigue. Ce qui aurait pu être jugé compréhensible
compte tenu de la période difficile que je traversais. Vous me direz, tout être humain serait fatigué à ma place, dans ce contexte. Mais là, c’était différent. J’ai un mental d’acier, je suis une battante. Même dans les coups durs, j’ai toujours su me relever, vite et bien. Ici, j’avais beau me conditionner, ça ne marchait pas. Impossible ! Le corps avait pris le dessus, le mental ne répondait plus. Je peux le dire, mon corps m’avait littéralement lâché. C’est plus tard, que j’ai découvert ce que voulait dire le mot « poussée ». Ce qui m’a d’autant plus alertée et inquiétée, c’est la vision floue que j’ai eue pendant 15 jours, puis la vision en double, puis la perte d’équilibre ! Grâce à mon compagnon, nous nous sommes rendus aux urgences. Mon cas a tout de suite été pris au sérieux. En l’espace de quelques jours, j’ai eu une ponction lombaire, une prise de sang complète, passé deux scanners et une IRM. L’équipe médicale m’a rassurée en me disant qu’il ne s’agissait ni d’une tumeur ni d’un cancer ! Bonne nouvelle ! Mais qu’ils soupçonnaient une sclérose en plaques à 99% … moins bonne nouvelle. C’est la prise de corticoïdes qui a confirmé le diagnostic.

Comment vos proches ont-ils accepté la nouvelle ?

Comme expliqué, je suis positive et j’essaie de toujours trouve un bon côté et ce, dans n’importe quelle situation. Toute ma vie, je me souviendrai de l’image IRM de mon cerveau, que je tenais entre les mains, ma belle-mère assise à mes côtés. On voyait des taches blanches dans mon cerveau. Ma belle mère me disait depuis toujours que j’avais « un pète au casque » ! Cette-fois, on en avait enfin la preuve grâce aux taches. Moi qui voulais détendre l’atmosphère en faisant une blague, c’est tout l’effet inverse qui s’est produit. La belle-maman a fondu en larmes. J’ai compris que je devais rester solide, car la situation semblait finalement plus difficile à vivre pour mon entourage. Moi je savais que je devais vivre avec, alors autant l’accepter dès le début.

Mon compagnon a été très présent, notamment pour m’aider à me doucher les deux premières semaines car je tenais à peine debout et que je continuais à perdre l’équilibre. Aussi, il m’a fallu un mois avant que je ne puisse le dire à mes parents. Je voulais d’abord comprendre les enjeux de la maladie et accepter que ma vie ne serait désormais, plus jamais comme avant. Je voulais à tout prix rester indépendante, me sentir femme et conserver mon mode de vie. Travail, vie familiale, vie sociale, je sais ma mère capable de tout plaquer pour venir au chevet de sa fille. Et ça, c’était hors de question ! D’une part je suis indépendante, d’autre part je suis fière. Je neveux pas qu’on fasse les choses à ma place… et par-dessus tout, je ne veux pas que mes proches voient ma condition diminuer.

Et niveau professionnel, comment cela s’est-il passé ?

J’étais salariée dans un salon de coiffure « avant-gardiste ». Lorsque j’ai appris à mes employeurs que je souffrais de SEP, ils m’ont licenciée avant même de savoir si je pouvais assurer mon poste. Je suis restée bouche bée. Malgré cette profonde injustice, j’en ressors grandie et j’ai même trouvé la force, grâce au soutien de mon compagnon et de mes proches, de lancer mon propre salon de coiffure. Je suis très fière de cette victoire car cela n’a vraiment pas été facile.

Comment vous portez-vous aujourd’hui ?

Bien, même si j’ai dû adapter pas mal de choses, notamment le sport. Avant, entre l’escalade et
la course à pied, je faisais jusqu’à 8 heures de sport par semaine ! Aujourd’hui, je compte à peine 25 minutes tous les 2 à 3 jours. J’ai dû apprendre à écouter mon corps et faire une chose après l’autre, établir des priorités. C’est comme une auto-rééducation. La grande différence entre « avant et après » la maladie c’est l’organisation des journées. Il y a cinq ans, je me levais et je savais que j’allais pouvoir tout faire ! Petit-déjeuner, journée de travail, sport, soirées avec les copines, je dormais peu et profitais au maximum. Aujourd’hui, lorsque je me réveille, je prends tout d’abord la température : comment est-ce que je me sens ? Ensuite, selon mon état, je vais poser des objectifs pendant ma journée, car je ne peux plus tout faire. Je vais aménager mon temps, dans le but de réaliser toutes mes envies, mais à petites doses.

Et votre vie sociale ?

Depuis que je suis un traitement pour la SEP, les rares verres d’alcool me donnent des fourmillements désagréables et des sensations de vertige. Ça me rappelle toute de suite le début de ma SEP, ma première poussée, car les sensations liées à l’alcool sont aussi les signes typiques d’une SEP. Horreur! Je préfère donc me limiter et mes amis ont pris du temps pour le comprendre. Vous savez, les Vaudois sont de grands amateurs de vins, qu’ils aiment faire découvrir et partager. Comme la SEP est une maladie invisible, il est parfois difficile de se faire entendre. Il faut donc souvent expliquer ce que l’on ressent pour être compris.

Vous avez mentionné plusieurs fois le soutien extraordinaire que votre compagnon vous a donné. Vous avez trouvé la perle rare ?

Oui en effet, j’ai beaucoup de chance. Je connais une personne qui malheureusement n’a pas eu la même expérience. Atteinte de SEP, elle souffre aussi d’incontinences urinaires de manière incontrôlée. Un jour, alors qu’elle se trouvait dans la nouvelle voiture de son compagnon, elle a eu un petit accident. Il l’a quittée sur-le-champ. Elle a été traumatisée et moi choquée d’entendre cette histoire. Pour ma part, j’ai rencontré mon compagnon quasiment au même moment que le diagnostic de la maladie. Et à l’heure où je vous parle, il est à côté de moi, tout sourire et plus amoureux que jamais. Alors oui, c’est une perle rare, qui m’accompagne dans chaque moment de la vie.

Vous envisagez même d’avoir des enfants ?

Oui, j’ai même été rassurée à ce sujet ! J’ai entendu que la SEP n’avait pas d’influence négative sur le déroulement de la grossesse et que l’état de santé du bébé était similaire à celui observé chez les enfants nés de mères en bonne santé. La grossesse et l’allaitement devraient même me protéger contre les poussées. Toutefois, le jour où je serai (enfin) prête, j’en parlerai d’abord à mon neurologue pour m’assurer que ces informations sont justes et compatibles avec mes envies.

Qu’aimereriez-vous partager avec celles et ceux qui nous lisent ?

Ne pas avoir peur de dire non, lorsque l’on n’en peut plus (ce que je ne faisais pas avant la SEP !). Il faut dire oui à la vie, oui à nos rêves, oui à nos projets et surtout, il faut se donner des buts accessibles. Cela évitera toute frustration car le but c’est d’y arriver et d’être heureux. J’aimerais aussi dire qu’il ne faut pas s’inquiéter et qu’il faut essayer d’affronter la maladie sereinement.

De nombreux traitements sont aujourd’hui disponibles et nous pouvons faire confiance aux médecins. Le mental aussi fait beaucoup. Et pour avoir un mental d’acier, il faut être bien entouré et ne pas s’embêter avec de mauvaises personnes qui n’en valent pas la peine.

En cas de doute, n’hésitez pas à consulter votre médecin !

Cet article vous a plu ?
Abonnez-vous à la version papier Salle d’attente pour avoir accès à toutes les informations sur le sujet: témoignages, tests, adresses utiles, infographies et autres.
Alors n’attendez-plus !
CHF39.00

Loading

Partagez sur

Facebook

Plus d’articles :

Réadaptation en ambulatoire : la Clinique du Grand-Salève ouvre une nouvelle ère

Depuis son ouverture en 2018, la Clinique du Grand-Salève s’est imposée comme un pilier dans le domaine de la santé mentale et de la réadaptation. Située dans un cadre serein et propice à la guérison, elle propose une approche holistique pour aider les patients à retrouver leur équilibre. Mais depuis mai 2025, une nouveauté marque un tournant : le lancement du centre ambulatoire de réadaptation. Contrairement à la santé mentale, gérée en hospitalisation complète pour un suivi intensif, la réadaptation se fait désormais en mode ambulatoire, permettant aux patients de rentrer chez eux après chaque séance.

Loading

Lire la suite »

Santé mentale : l’importance de la mixité et d’une approche multidisciplinaire

Dans un monde où le stress quotidien, les pressions professionnelles et les défis personnels peuvent ébranler notre équilibre intérieur, la santé mentale est devenue un enjeu majeur de société. La prise en charge psychiatrique, psychologique et psychothérapeutique joue un rôle essentiel pour accompagner les individus vers un mieux-être durable. Elle ne se limite pas à un traitement médical isolé, mais intègre une vision globale de la personne, en tenant compte de ses émotions, de son environnement et de ses relations. Pour explorer ces aspects, nous avons interviewé le Dr. Nicolas Schneider, psychiatre et psychothérapeute à la Clinique La Lignière. Située dans un cadre magnifique au bord du lac Léman, avec un domaine agrémenté d’une forêt, cette clinique offre un havre de paix propice au ressourcement. Spécialiste en addictologie, troubles du comportement alimentaire et victimologie, le Dr. Schneider partage son expertise sur les troubles mentaux et leurs approches thérapeutiques.

Loading

Lire la suite »

Mal de dos : briser les mythes pour soulager la douleur

Le mal de dos, ou lombalgie, touche près de 80% des adultes au cours de leur vie, faisant de lui l’un des maux les plus répandus de notre époque. Pourtant, derrière cette affliction commune se cachent de nombreuses croyances erronées, ancrées dans l’imaginaire collectif, qui non seulement perpétuent la souffrance, mais peuvent aussi transformer une douleur aiguë en un problème chronique. Ces idées fausses, partagées tant par les patients que par certains professionnels de santé, ont un impact délétère : elles instillent la peur, favorisent l’inaction et entravent une guérison optimale. Pour éclairer ce sujet crucial, nous avons interrogé le Prof. Stéphane Genevay, médecin adjoint agrégé au Service de rhumatologie des Hôpitaux Universitaires de Genève (HUG), responsable du programme ProMIDos dédié à la prise en charge multidisciplinaire des douleurs dorsales.

Loading

Lire la suite »

Et si on changeait les règles du jeu ?

Et si la clé du plaisir se cachait dans la curiosité ou l’envie de se redécouvrir ? Trois couples racontent
comment une idée un peu folle a transformé leur intimité. Entre maladresses, rires et vraies émotions,
ces expériences insolites leur ont surtout appris à se reconnecter à eux-mêmes… et à l’autre.

Loading

Lire la suite »

Parler sans honte : la santé intime face au cancer

Quand on pense au cancer, on imagine souvent des traitements lourds et des combats médicaux. Mais qu’en est-il de la vie intime des patients ? Douleurs, baisse de l’estime de soi, changements corporels ou troubles proctologiques peuvent bouleverser la sexualité et le bien-être. À Genève, le 6ème Symposium Oncologie, Sexologie, Proctologie des HUG a réuni en juin des experts pour aborder ces sujets trop souvent tus. Rencontre avec la Docteure Marie-Laure Amram, oncologue, et le Professeur Frédéric Ris, colo-proctologue, qui nous expliquent pourquoi la santé sexuelle est au cœur de la qualité de vie et comment oser en parler peut tout changer.

Loading

Lire la suite »

Vasectomie : pour une planification consciente

De plus en plus d’hommes assument activement leur rôle dans la planification familiale et choisissent de subir une vasectomie. C’est aussi le cas de Boris Kasper (41 ans), qui a pris cette décision en toute conscience. Dans ce témoignage, il raconte pourquoi il a opté pour cette intervention, comment il a vécu l’opération et ce qui a changé depuis. Son histoire montre qu’une vasectomie doit être mûrement réfléchie, mais qu’elle n’a rien d’effrayant ni de tabou.

Loading

Lire la suite »