« Il y a toujours du positif, même dans les pires situations ! »

Désirée a 49 ans lorsqu’un cancer hormonosensible lui est diagnostiqué au sein droit. Alors qu’elle se remet à peine de cette épreuve, le sort s’acharne avec encore un cancer détecté, cette fois au sein gauche. Moi qui m’attendais à rencontrer une femme affaiblie par la maladie, je me retrouve en face d’une dame élégante, aux cheveux noirs de jaie, habillée d’un sourire qui vous donne envie de refaire le monde. Rencontre.

Par Adeline Beijns

Il y a 10 ans, vous avez eu un premier cancer du sein. Dans quelles circonstances, l’avez-vous découvert ? 

C’était en septembre 2012, mon mari et moi revenions de trois semaines de vacances. En revenant à la maison, les habitudes ont repris, notamment celle d’autopalper mes seins en sortant de la douche. Depuis mes 45 ans, suite au cancer du sein d’une amie, c’est un geste que je faisais régulièrement. Alors que je n’avais rien senti avant de partir en congé, j’ai remarqué une petite boule sur la partie supérieure du sein droit, au niveau des côtes.

Comme je suis plutôt du genre à m’affoler rapidement, je suis immédiatement allée voir ma gynécologue. J’avais de la chance car elle a pu me recevoir tout de suite. Une mammographie d’abord. Effectivement, une petite masse a été détectée, ne dépassant pas les 8 millimètres. Trop petite pour effectuer une biopsie ? En principe oui, mais cette fois-ci, mon médecin a préféré aller jusqu’au bout de la démarche. Une échographie et une biopsie plus tard, ma gynécologue m’a appelée pour m’annoncer que j’étais atteinte d’un cancer du sein hormonosensible.

Quelle a été votre première réaction ?

Cela a été un énorme choc pour moi et ma famille. Lorsque vous entendez ce genre d’annonce, c’est comme si le monde, le cocon que vous avez mis tant d’années à construire, s’effondre d’un coup autour de vous. C’est franchement déstabilisant. D’autant plus que mes enfants et mon mari étaient très impactés. J’ai dû prendre sur moi pour les rassurer, alors que moi-même je cherchais quelqu’un pour me réconforter.

J’avais peur ! Mais curieusement, comme je l’avais découvert moi-même, un peu par hasard, j’ai aussi réalisé que j’avais eu une chance inouïe. Le chemin a été long et épuisant. Mais je m’en suis sortie, plus forte encore. Merci la vie. 

Malgré cela, trois ans après, le cancer frappe à nouveau ?

Oui, à deux semaines près, trois ans presque jour pour jour, un second cancer hormonosensible est détecté au sein gauche. C’est l’incompréhension totale. Imaginez un peu … vous vous êtes battue, trois ans en arrière pendant des mois contre la maladie. Après de nombreux traitements, la peur, la fatigue, vous arrivez au bout du tunnel. Vous commencez à avoir à nouveau confiance en la vie, en vous. Vous retrouvez même votre féminité. Une fois de plus, tout s’effondre.

Et cette fois-ci, j’ai eu droit au programme complet. Deux opérations, une mastectomie et une ribambelle de traitements tous plus forts et plus lourds à supporter les uns que les autres. Je suis une battante, mais j’ai mes limites. 

Comment se sent-on après deux cancers lorsqu’on est jeune et dynamique comme vous ? 

Il est certain que mon dynamisme en a pris un coup. J’étais agent immobilier. Nous étions une vingtaine dans l’équipe, je faisais les meilleurs chiffres. Mes enfants étaient grands, donc après le travail je profitais de retrouver mes amis et mon mari à l’apéro. Aussi, j’étais très sportive. En semaine, je me vidais la tête à la salle. Le week-end, je profitais des beaux jours pour trouver de nouveaux sentiers de randonnée. La cerise sur le gâteau, c’étaient les week-ends en amoureux avec mon mari. En effet, depuis que nos enfants sont partis du nid et qu’ils ont terminé leurs études, nous nous sommes fixés comme objectif, de tous les mois, découvrir un nouvel endroit, un nouveau village. Une vie de rêve ! Malheureusement, à cause de la maladie, j’ai dû abandonner tout cela temporairement. Compliqué pour l’hyperactive que je suis. 

Il y a eu un point positif dans la maladie, car je le dis haut et fort, il y a toujours (!) des points positifs dans chaque situation et période de vie. Pour ma part, c’était les rencontres. Des femmes, plus jeunes, plus âgées, célibataires, mères de famille, entrepreneuses. Tellement de profils différents et finalement toutes dans le même bateau. La maladie fait tomber les barrières psycho-sociales et dévoilent les personnes telles qu’elles sont vraiment. Et là, on se rend compte qu’on est toutes pareilles. Au fil des jours, des mois, j’ai trouvé mon réconfort. Elles m’ont donné la force et les ressources pour aller de l’avant et ne jamais baisser les bras. Je me sentais en famille. Une patiente, maintenant devenue une amie, a été touchée par mon histoire et l’enchaînement des deux cancers. Elle m’a parlé d’un test génomique et j’étais très surprise de ne jamais en avoir entendu parler avant. 

C’est-à-dire ?

Mon amie m’explique ce qu’est un test génomique prédictif. Il permet d’évaluer l’agressivité de la tumeur et le risque de récidive. De plus, il permet d’estimer la probabilité d’un bénéfice de l’ajout d’une chimiothérapie à l’hormonothérapie. A l’époque où je me battais contre la maladie, ces tests n’étaient pas disponibles. Mais je ne peux m’empêcher de penser qu’avec l’aide d’un tel test, mon traitement aurait éventuellement été différent, et qu’une chimiothérapie à ce moment-là, aurait peut-être permis d’éviter mon second cancer. Je suis très heureuse que ces tests génomiques soient à présent disponibles car, m’étant documentée sur le sujet, il semblerait que des études récentes aient confirmé qu’ils peuvent identifier les patientes pouvant éviter la chimiothérapie et celles qui pourraient avoir un avantage à en suivre une, aidant ainsi l’oncologue dans la décision thérapeutique.  

Quel message aimeriez-vous faire passer aux lectrices ?

Il n’y en a pas un mais plusieurs ! J’aimerais leur dire que le cancer peut toucher tout le monde, même les femmes qui mènent une vie saine et qui sont sportives et que des gestes simples peuvent sauver. Il faudrait encourager l’autopalpation régulière des seins, un geste qui devrait presque devenir un automatisme car nous le savons toutes, plus on dépiste le cancer tôt, plus grandes sont les chances de guérison. Et puisque toutes les tumeurs ne sont pas palpables, il est important de voir régulièrement son gynécologue. 

Finalement, aux femmes souffrant d’un cancer du sein hormonosensible, demandez à faire le test génomique si on ne vous le propose pas. Vous ne prenez aucun risque et vous avez tout à y gagner.

Plus d’infos sur le test ?

https://www.exactsciences.com

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