Couple, sexe et cancer

Photo by Joël de Vriend on Unsplash

Alexandrea, 74 ans

La rencontre avec un patient reste un moment à part, privilégié et rempli d’émotions. Mes questions à la main, je me dirige vers Alexandre qui m’attend, assis. Caché derrière son journal, il a senti ma présence et ne peut s’empêcher de sourire. Je me sens gênée, surtout lorsque je sais que nous allons parler de son intimité. A 74 ans, cet homme à l’apparence solide a accepté de me confier son histoire. Entrevue.

Par Ana Popov

Je faisais régulièrement contrôler ma prostate depuis mes cinquante ans, contrairement à certains amis qui eux, fuyaient ce contrôle (rires). Avec les années, la PSA augmentait. Les rendez-vous chez le médecin devenaient plus fréquents, j’étais sous surveillance. En 2017, mon taux est monté à 9,6. Après une biopsie, mon urologue m’a diagnostiqué un cancer de la prostate. Comment j’ai vécu l’annonce? Je pense qu’au fond de moi, je le savais. Ce qui m’a permis de rester calme et d’avoir un regard objectif sur la situation. D’autant plus que quelques collègues étaient passés par là. Alors pas de panique!

Le dilemme

J’avoue que j’avais une petite inquiétude, je suis humain tout de même! Je craignais les métastases osseuses. Une IRM et une scintigraphie plus tard, j’étais soulagé, les os n’étaient pas touchés. Deux solutions se présentaient dans mon cas: soit la radiothérapie avec 50 % de chance de guérison, soit la prostatectomie ou ablation de la prostate avec une possibilité de guérison bien plus importante, mais des effets secondaires et conséquences plus lourdes. J’ai opté pour la deuxième variante.

« Lorsque j’ai vu que mon sexe ne ressemblait plus à rien, j’ai failli m’écrouler. Impossible de le reconnaître, impossible de me reconnaître. »

La dure réalité du cancer

Quelques jours plus tard, j’ouvre les yeux. Le chirurgien m’annonce que l’intervention s’est bien déroulée. Non seulement la prostate a été retirée, mais aussi les vésicules séminales et les ganglions. Le tout a été envoyé au laboratoire pour un examen anatomo-pathologique. Je n’ai pas ressenti de grandes douleurs, sûrement grâce aux tranquillisants. En revanche, le bas de mon corps était parsemé de drains divers et d’une sonde me permettant d’uriner. Lorsque j’ai vu que mon sexe ne ressemblait plus à rien, j’ai failli m’écrouler. Impossible de le reconnaître, impossible de me reconnaître. Je me demandais si tout cela reprendrait sa forme et sa force d’avant. Je suis resté plus de trois semaines dans cet état. De retour à la maison, fini les drains. Les sondes et les poches devenaient un mauvais souvenir. Enfin libre! Mais pas pour longtemps (rires). Une nouvelle hausse de la PSA m’a conduit à des traitements additionnels. Plus de trente séances de radiothérapies et des injections ADT (pour réduire la testostérone) à raison de tous les trois mois, pendant deux ans. Ça, c’était la mauvaise nouvelle. La bonne, à l’heure où je vous parle, c’est que ma dernière injection aura lieu en janvier 2020. Pendant la durée du traitement, les médecins me demandent régulièrement si je me sens bien. En guise de réponse, je demande comment eux se sentiraient avec une testostérone, une libido et une érection proche de zéro. Cela me rappelle l’école et cette impression d’avoir des mauvaises notes partout. Heureusement, mon médecin me rassure. Selon lui, après la dernière injection, l’organisme reprendra le dessus. Alors j’attends, je suis de nature patient.

Mon intimité avec ma femme

Côté émotionnel, ma femme me compare à un livre fermé. Rassurez-vous, elle pense cela depuis très longtemps, je dirais depuis notre rencontre (rires). Franchement, je n’ai jamais su exprimer mes sentiments, aujourd’hui encore moins. Je suis une personne du troisième âge, un papy-boomer (rires) avec une vie qui a été bien remplie. Elle l’est toujours, d’ailleurs! Peu de choses m’étonnent ou m’inquiètent. J’accepte les événements comme ils se présentent et je trouve les solutions adaptées au fur et à mesure. Je ne stresse pas, je suis optimiste. Dans toute mon histoire avec le cancer, l’unique chose qui me touche vraiment, c’est ma femme Edita. Elle a toujours été là, présente à mes côtés. C’est elle qui prenait les rendez-vous avec les médecins, qui allait chercher les résultats d’examens, qui pleurait à l’annonce de ma maladie, qui me faisait rire, qui me racontait des histoires pour me changer les idées. C’est elle que j’ai vue au réveil après l’intervention, elle qui veillait sur moi la nuit. Et je dois reconnaître que c’est elle qui m’a sauvé en prenant à sa charge une partie des frais. Ma femme m’émeut. Edita est beaucoup plus jeune que moi. J’essaie par tous les moyens de la rendre heureuse, au point de lui rendre sa liberté sexuelle. Je veux la savoir épanouie et accomplie en tant que femme. Elle préfère attendre, car elle sait que l’homme qui se cache en moi fera son grand retour. Edita croit dur comme fer que nous nous retrouverons bientôt comme au premier jour.

Cet article vous a plu ?
Abonnez-vous à la version papier Salle d’attente pour avoir accès à toutes les informations sur le sujet: témoignages, tests, adresses utiles, infographies et autres.
Alors n’attendez-plus !
CHF39.00

Loading

Partagez sur

Facebook

Plus d’articles :

L’importance du sens du toucher : pourquoi est-il si essentiel ?

Le toucher – bien plus qu’un simple moment fugace. Lorsque nous serrons la main de quelqu’un, que nous caressons doucement la tête de notre enfant ou que nous tapons sur l’épaule de notre collègue, nous déclenchons des sentiments, du bien-être, nous créons de la confiance. En effet : notre sens du toucher est une faculté qui nous accompagne depuis notre naissance et qui influence notre vie à bien des égards. Mais comment ? Et pourquoi ce sens est-il si décisif, notamment pour le développement des enfants ou de notre santé mentale ?

Loading

Lire la suite »

Vivre après une tympanoplastie

Les problèmes d’oreilles peuvent fortement affecter la vie d’une personne, surtout lorsqu’ils deviennent chroniques. Dans cet article, nous racontons l’histoire de Manon, une jeune femme de 24 ans qui souffrait d’otites chroniques et qui en 2012 a subi une tympanoplastie. Nous expliquons ce qu’est une tympanoplastie et comment elle peut aider les personnes souffrant d’otites chroniques.

Loading

Lire la suite »

Respirer librement : les avantages de la septoplastie

De nombreuses personnes souffrent de problèmes respiratoires sans savoir qu’une déviation de la cloison nasale peut en être la cause. Romain, âgé de 28 ans, partage son expérience avec la septoplastie, une opération visant à corriger ce problème. Il explique comment cette intervention a transformé sa vie.

Loading

Lire la suite »

Rhinosinusite chronique : éclairages et solutions

La rhinosinusite chronique avec polypes nasaux est une affection complexe qui touche de nombreuses personnes, impactant leur qualité de vie et leur quotidien. En Suisse comme en Europe, on estime que 1 à 5% de la population adulte est affectée. Pour mieux comprendre cette maladie, ses causes, ses traitements et les défis qu’elle impose, nous avons rencontré le Dr. Victor Colin, médecin-chef adjoint à l’Hôpital fribourgeois au Service d’ORL et Chirurgie Cervico-Maxillo-Faciale. Fort de son expertise et de son expérience, le Dr. Colin nous éclaire sur les aspects essentiels de cette pathologie et partage ses conseils pour une prise en charge optimale.

Loading

Lire la suite »

Dans les coulisses du bloc opératoire : entre organisation et excellence

Le bloc opératoire est souvent perçu comme un lieu mystérieux et complexe, où chaque geste doit être parfaitement orchestré pour assurer la sécurité et le bien-être des patients. Pour démystifier cet univers et comprendre les rouages de son fonctionnement, nous avons rencontré deux professionnelles de santé incontournables : la Docteure Caroline Thyes, spécialiste en anesthésiologie et médecine intensive, et Audrey Schumacher, infirmière cheffe coordinatrice du bloc opératoire à la Clinique de La Source. Ensemble, elles nous livrent leurs expériences et nous dévoilent les secrets d’une organisation sans faille.

Loading

Lire la suite »

Pleins feux sur la nouvelle loi sur la protection des données

Depuis le 1er septembre 2023, une nouvelle version de la Loi fédérale sur la protection des données (LPD) est entrée en vigueur, imposant des exigences renforcées aux cabinets médicaux et thérapeutiques. Cette révision, motivée par les avancées technologiques et le besoin croissant de transparence, redéfinit la manière dont les données personnelles des patients doivent être gérées.

Loading

Lire la suite »