
Le cancer du sein est le cancer le plus fréquent chez les femmes, bien que les hommes puissent aussi en être touchés (environ 50 cas par an). Grâce aux avancées en matière de détection et de traitement, les perspectives de guérison et de prise en charge se sont considérablement améliorées. Dans cet entretien, la Dre. Marie-Laure Amram, spécialiste en oncologie médicale, nous éclaire sur les facteurs de risque, les méthodes de dépistage et les progrès réalisés dans la lutte contre le cancer du sein.
Par Adeline Beijns
Quels sont les principaux facteurs de risque du cancer du sein et quels signes précoces doivent alerter les patientes ?
Le risque de cancer du sein est lié à une combinaison de plusieurs facteurs dont certains sont modifiables, et d’autres non. Parmi les facteurs non modifiables, on retrouve l’âge, les antécédents familiaux et les prédispositions héréditaires au cancer (comme BRCA1 et BRCA2). Des facteurs hormonaux comme le fait d’avoir eu ses premières règles tôt ou la ménopause tardive jouent également un rôle. Les facteurs modifiables incluent le surpoids, l’alcool, le tabagisme et une thérapie hormonale combinée (œstrogènes et progestatifs) pendant plusieurs années pour lutter contre les troubles de la ménopause.
La plupart des nouveaux cas sont asymptomatiques. Bien que des femmes remarquent d’abord un nodule indolore ou un durcissement dans un sein, le sein et/ou le mamelon peut aussi changer de couleur, de forme ou de taille. Une sécrétion s’écoulant du mamelon peut parfois indiquer la présence d’un cancer du sein. A tout âge, il est recommandé de consulter rapidement un médecin en cas de modification inhabituelle au niveau des seins.

Comment la détection précoce varie-t-elle selon l’âge, et comment les technologies de dépistage ont-elles évolué ?
La mammographie est l’examen privilégié chez les femmes de plus de 50 ans. Une échographie est éventuellement effectuée en complément si le résultat de la mammographie n’est pas clair ou si le tissu mammaire est dense. Pour les femmes plus jeunes ou ayant un risque élevé, l’IRM (imagerie par résonance magnétique) est utilisée ainsi que pour clarifier des résultats suspects. La première mammographie classique a été réalisée en 1957. Avec le temps, deux nouvelles technologies d’imagerie connaissent un succès grandissant dans le dépistage du cancer du sein : l’IRM et l’échographie.
La mammographie numérique est, depuis les années 2000 et jusqu’à ce jour, la technique standard lors d’un dépistage parce qu’elle se déroule rapidement, qu’elle peut être transférée à un autre endroit et que l’image est plus facile à manipuler. Aujourd’hui, l’intelligence artificielle (IA) joue également un rôle crucial dans l’amélioration de la détection. Les algorithmes d’IA sont utilisés pour analyser les images issues des mammographies ou des IRM. Ces systèmes peuvent détecter des anomalies avec une grande précision. L’IA ne remplace pas le radiologue mais elle l’assiste par exemple en remplaçant des mesures manuelles par des mesures automatiques et plus efficaces.
À quelle fréquence recommandez-vous de passer un examen de dépistage et quelles sont les méthodes les plus efficaces ?
Les cantons qui ont introduit un programme de dépistage du cancer du sein invitent tous les deux ans toutes les femmes à partir de 50 ans à passer une mammographie de dépistage. Pour les femmes avec des antécédents familiaux de cancer ou un risque personnel accru de cancer, un dépistage plus précoce est souvent conseillé, de manière individuelle, avant l’âge de 50 ans, selon le cas. Il est important de discuter avec son médecin pour déterminer la meilleure stratégie de dépistage en fonction des antécédents médicaux et familiaux.
Que se passe-t-il après un diagnostic de cancer du sein ? Quels sont les intervenants médicaux impliqués dans la prise en charge du patient et son suivi ?
Après un diagnostic, le patient est pris en charge par une équipe pluridisciplinaire qui inclut notamment un oncologue médical, un sénologue, un radiologue /médecin nucléariste, un pathologue, un radiothérapeute, un chirurgien plasticien et un généticien. D’autres soignants et thérapeutes sont également à disposition des patients (infirmiers spécialisés, psychiatres/ psychologues, physiothérapeutes, médecins nutritionnistes,…) pour les suivre tout au long de leur parcours de soins.

Les principaux traitements du cancer du sein sont la chirurgie, la radiothérapie, la chimiothérapie, l’hormonothérapie et des traitements ciblés. Un suivi régulier est essentiel pour surveiller l’évolution et l’efficacité du traitement. Le suivi post-traitement est généralement effectué à intervalles réguliers et a pour objectif de détecter une récidive et de traiter d’éventuels effets secondaires tardifs et séquelles liés aux traitements.
Le cancer du sein nécessite-t-il toujours une chimiothérapie ? Quels critères influencent le choix du traitement, et comment évaluez-vous si une chimiothérapie peut être évitée ?
Non, toutes les patientes atteintes d’un cancer du sein ne nécessitent pas une chimiothérapie. Le traitement est personnalisé en fonction du type de tumeur, de son agressivité, et des caractéristiques biologiques du cancer. Les tests d’expression génique, ou tests génomiques, du cancer du sein sont utiles pour prédire l’efficacité d’un traitement par chimiothérapie, ou encore l’agressivité de la tumeur mammaire.
Pour une partie des patientes, la chimiothérapie ne présente que de faibles avantages pour diminuer les risques de récidive et donc peut être évitée grâce à la détermination d’un score de récidive. Ces tests, disponibles depuis plusieurs années, ont considérablement amélioré la personnalisation du traitement en identifiant les patientes qui peuvent éviter la chimiothérapie, ses effets secondaires et son impact sur la vie personnelle, professionnelle et sociale.
Ces avancées technologiques ont donc changé la manière dont vous traitez le cancer du sein ?
Oui, les tests génomiques sont des avancées majeures qui permettent à environ 40% des patientes d’éviter une chimiothérapie. Ils permettent d’analyser les gènes spécifiques de la tumeur et de prédire le risque de récidive ainsi que le bénéfice potentiel de la chimiothérapie. Ces tests peuvent désormais être intégrés dès le début dans la prise de décision thérapeutique. L’interprétation des résultats permet à l’oncologue de présenter à la patiente un score de risque et de décider, avec elle, du meilleur traitement à mettre en place.
Un dernier mot pour nos lectrices et lecteurs ?
Il est essentiel de rappeler que les seins changent naturellement au cours de la vie. Ces changements peuvent survenir avant les règles ou lors de la ménopause et sont souvent normaux. Cependant, si ces modifications persistent ou semblent inhabituelles — comme un nodule, une douleur inexpliquée ou des changements dans l’apparence de la peau ou du mamelon — il est important de consulter rapidement un médecin. En termes de prévention, adopter un mode de vie sain joue un rôle majeur. Maintenir un poids équilibré, faire suffisamment d’exercice, ne pas fumer et réduire la consommation d’alcool sont des habitudes qui peuvent aider à réduire le risque de développer un cancer du sein.
Il est également primordial d’effectuer les examens médicaux préventifs recommandés tels que la mammographie de dépistage, et de pratiquer l’auto-examen des seins par palpation. Connaître son corps permet de repérer plus rapidement tout changement anormal. Plus le cancer du sein est dépisté et traité précocement, plus les chances de guérison sont élevées.
Cet article a été réalisé avec l’aimable soutien Exact Sciences International Sàrl
L’indépendance du médecin a été entièrement respectée
