Un cancer visuel méconnu, mais pourtant bien réel

Cancer visuel

Le mélanome oculaire, également appelé mélanome uvéal ou conjonctival, est un type de cancer qui se développe dans les cellules situées à l’intérieur ou à l’extérieur de l’œil respectivement. Le premier est le type de cancer primaire le plus courant dans l’œil chez les adultes, mais il demeure, fort heureusement, relativement rare. Entretien réalisé auprès de la Docteure Ann Schalenbourg, Privat-Docent et Maître d’Enseignement et de Recherche, Médecin adjointe et responsable de l’Unité d’oncologie oculaire adulte de l’Hôpital ophtalmique Jules-Gonin à Lausanne.

Par Adeline Beijns

Qu’est-ce qu’un mélanome oculaire ?

Alors que le mélanome cutané est relativement bien connu de tous, le mélanome oculaire l’est moins. Il s’agit d’une tumeur maligne provenant des cellules pigmentées de l’œil que l’on appelle mélanocytes. On parle de tumeur maligne car elle présente un risque de développer des métastases. En fonction de sa localisation, on distingue deux types de mélanome oculaire à savoir, l’intra-oculaire (= uvéal) et l’extra-oculaire (= conjonctival).

Le premier est 10 à 20 fois plus fréquent que le second mais reste relativement rare. Les statistiques estiment que, chez les caucasiens, le mélanome intra-oculaire concerne 5 à 6 nouveaux cas par million de personnes par an alors que son homologue extra-oculaire touche 2 à 8 nouveaux cas par 10 millions de personnes par an. Le mélanome intra-oculaire survient dans une partie de l’œil appelée uvée, qui contient des cellules productrices de pigment.

L’uvée est constituée de trois parties : l’iris (la partie colorée de l’œil), le corps ciliaire (un anneau de tissu musculaire qui modifie la taille de la pupille et la forme du cristallin) et la choroïde (une couche de vaisseaux sanguins qui fournit des nutriments à la rétine et aux autres parties de l’œil). Quant à la forme extra-oculaire, elle est due aux mélanocytes au niveau de la conjonctive, un tissu fin et transparent qui recouvre l’intérieur des paupières et la partie blanche de l’œil (la sclère).

Récupéré sur : giphy.com

Quels en sont les symptômes ?

Le type, la localisation et la taille du mélanome oculaire influencent les symptômes, les traitements possibles et le pronostic de guérison du patient. Les symptômes peuvent varier et ne pas être perceptibles au début de la maladie. Ils ne se font remarquer que lorsque la croissance du mélanome uvéal interfère avec les structures responsables de la vue.

Certaines personnes peuvent ainsi remarquer un changement dans leur champ de vision, voire des lumières clignotantes ou avoir une vision floue comme ce serait le cas pour un décollement de la rétine ou une cataracte. Dans le cas d’un mélanome extra-oculaire, une tache brune mais aussi parfois non pigmentée peut apparaître à la surface de l’œil. Certains cas de mélanome oculaire sont détectés lors d’un examen oculaire de routine en l’absence de symptômes, ce qui permet de détecter et de traiter cette affection à un stade précoce.

Quelles en sont les causes ?

La cause exacte du mélanome oculaire n’est pas véritablement connue mais des dispositions génétiques, l’âge et l’origine ethnique influencent sa survenance. Ainsi, les personnes d’origine caucasienne à la peau claire ont plus de risques de développer ce type de cancer. Toutefois, une des causes les plus fréquentes est simplement la présence d’un grain de beauté au niveau de l’œil. Contrairement à ce que l’on croit, les rayons ultraviolets ne sont pas déterminants dans la survenance d’un mélanome du corps ciliaire ou de la choroïde.

Quel impact a-t-il sur la qualité de vie des personnes qui en souffrent ?

Il est considérable et peut bouleverser plusieurs pans de la vie du patient. Lorsqu’on envisage les conséquences d’un tel cancer, j’en vois essentiellement trois. Il y a tout d’abord le risque vital puisqu’environ 30% des mélanomes intra-oculaires feront des métastases.

Il y a ensuite le risque de mutilation lié à la nécessité de devoir enlever l’organe lorsque le mélanome est trop grand. Il peut s’agir alors soit d’une énucléation (on enlève l’œil) en cas de mélanome uvéal, soit d’une exentération en cas de mélanome conjonctival, qui est une procédure chirurgicale très invasive puisqu’elle consiste à retirer tout le contenu orbitaire et les paupières.

Récupéré sur : giphy.com

Enfin, même si on arrive à conserver l’œil, la vue des patients risque d’être atteinte, suivant la taille et l’emplacement de la tumeur. L’impact est donc énorme et va bien au-delà de la souffrance physique et psychique puisqu’il peut conduire à la perte de l’emploi des personnes qui ont besoin d’une bonne vue pour exercer leur métier. Je pense notamment aux chauffeurs de bus et de camion, mais aussi aux conducteurs de train ou aux pilotes d’avion.

Est-il possible de le prévenir ?

Malheureusement non. Si le port de lu- nettes de soleil est toujours conseillé, le but principal en est d’éviter un vieillissement précoce de l’œil, en retardant p.ex. la survenue d’une cataracte ou des yeux secs. Même si certaines études évoquent un possible lien entre le mélanome conjonctival, voire celui de l’iris et les rayons ultraviolets, s’en protéger aura peu d’impact, à cause de leur rareté.

Comment le traite-t-on ?

Le rôle principal d’un centre spécialisé en tumeurs oculaires est, suite à la confirmation du diagnostic, de maxi- maliser les chances de maintenir l’œil, si possible avec une vision utile, sans augmenter le risque de métastases, ce qui nécessite une grande précision. Le traitement du mélanome oculaire varie en fonction de la taille et de la localisation de la tumeur, ainsi que de l’état de santé général du patient.

Le traitement conservateur du mélanome uvéal consiste en une radiothérapie, soit par une plaque radioactive cousue sur l’œil pendant un temps limité, soit par irradiation externe avec faisceau de protons accélérés. Le mélanome conjonctival se traite par une exérèse chirurgicale, associée à un traitement adjuvant, incluant une radiothérapie, cryothérapie, et/ou chimiothérapie en gouttes.

SSO

Cet article vous a plu ?
Abonnez-vous à la version papier Salle d’attente pour avoir accès à toutes les informations sur le sujet: témoignages, tests, adresses utiles, infographies et autres.
Alors n’attendez-plus !
CHF39.00

Loading

Partagez sur

Facebook

Plus d’articles :

Comment les fantasmes enrichissent notre vie

Les fantasmes sexuels sont une fenêtre fascinante sur l’univers de nos désirs et de notre imaginaire, pourtant, ils restent souvent emprisonnés dans le silence et les tabous. Pourquoi, alors qu’ils font partie intégrante de la sexualité humaine, sont-ils si rarement évoqués librement ? Pour démystifier cette composante essentielle de l’épanouissement personnel et de la santé sexuelle, nous avons eu le plaisir de rencontrer le Dr. Lakshmi Waber, Spécialiste FMH en psychiatrie et sexologue, président et responsable de formation de la Société Suisse de Sexologie. Préparez-vous à explorer un aspect fondamental de la sexualité humaine qui mérite d’être mieux compris et apprécié.

Loading

Lire la suite »

Le rôle des tests génomiques dans le cancer du sein

Chaque année, des milliers de femmes font face au diagnostic de cancer du sein. Si ce combat reste éprouvant, les avancées médicales, notamment l’utilisation de tests génomiques, permettent aujourd’hui d’affiner les traitements pour mieux répondre aux caractéristiques propres de chaque patiente. Le Dr. Mathieu Chevallier, oncologue à la Clinique Générale-Beaulieu à Genève et membre du Centre du Sein Swiss Medical Network, nous parle du parcours de l’une de ses patientes et explique comment ces nouvelles technologies révolutionnent la prise en charge.

Loading

Lire la suite »

Cheveux en chute libre ?

La chute de cheveux est une préoccupation courante, mais comment savoir si elle est normale ou inquiétante ? Chaque jour, nous perdons naturellement des cheveux, mais lorsque la densité diminue visiblement ou que des zones clairsemées apparaissent, cela peut signaler un problème sous-jacent. Stress, carences, hormones ou encore soins inappropriés : les causes sont multiples.

Loading

Lire la suite »

Un simple coup de ciseaux, une grande cause

Offrir un peu de soi pour redonner espoir : il y a un an, Eve, 24 ans, a coupé 20 centimètres de ses cheveux pour les donner à une association. Un geste simple mais profondément solidaire, qui transforme des mèches en perruques pour ceux qui en ont besoin.

Loading

Lire la suite »

Prendre soin de soi avec le cancer

Prendre soin de soi n’a jamais été aussi tendance. À l’heure où les injonctions à prendre du temps pour soi, créer des limites entre vie professionnelle et vie privée et traiter son bien-être psychique aussi sérieusement que sa santé physique, sont partout, c’est d’autant plus vrai pour les personnes atteintes d’une maladie grave.

Loading

Lire la suite »

À 23 ans, le cancer n’était pas prévu

Quand on a la vie devant soi, entendre une infirmière dire avec un sourire maladroit : « Vous avez de la chance, vous avez choisi le bon cancer, car celui de la thyroïde se soigne bien », peut sembler surréaliste, voire cruel. Car même si ce cancer bénéficie d’un pronostic souvent favorable, à cet âge-là, on ne se sent pas préparé à affronter ce mot effrayant, synonyme d’incertitude et d’angoisse. C’est ce que Magda, aujourd’hui âgée de 39 ans, a ressenti lorsque le diagnostic est tombé. Quinze ans plus tard, en pleine préparation d’un album photo de son dernier périple de 3’500 km en Namibie, elle se confie sur son parcours marqué par la maladie et le désir de continuer à vivre pleinement.

Loading

Lire la suite »