Le diagnostic de cancer est un événement qui bouleverse la vie non seulement de la personne touchée, mais aussi de ses proches, en particulier les enfants. Alors que le monde médical se déploie autour d’eux, les enfants doivent naviguer dans un paysage complexe d’incertitude, de peur et de résilience. Entretien réalisé auprès de Céline Guignon, infirmière référente au Centre du sein de Hirslanden Clinique des Grangettes.
Par Adeline Beijns
Ne ratez pas la vidéo éducative, ici :
On dit que les enfants perçoivent vite les choses. Pourquoi est-ce important de parler aux enfants de la maladie ?
Les enfants sont de fins observateurs de leur environnement et ressentent les émotions de ceux qui les entourent. Il est essentiel d’engager avec eux des conversations adaptées à leur âge sur la maladie d’un parent, comme le cancer, et ce, pour diverses raisons. Une communication ouverte et honnête favorise la création d’une relation de confiance entre l’enfant et le parent et permet, à ce dernier, de ne pas se laisser submerger par des émotions contradictoires.
Les enfants ressentent souvent si quelque chose ne va pas, et la rétention d’informations peut entraîner de la confusion, de l’anxiété et un sentiment d’insécurité chez l’enfant. En l’absence d’informations appropriées, ils peuvent développer des idées fausses ou des craintes exagérées à propos de la maladie. Fournir des informations précises permet de dissiper l’imaginaire et de réduire l’anxiété liée à l’incompréhension et aux non-dits.
Quel est le bon moment pour leur en parler ?
Le choix du moment opportun dépend de la situation particulière de la famille et des besoins émotionnels de l’enfant en fonction de son âge. Il est généralement recommandé d’informer les enfants le plus tôt possible après avoir reçu le diagnostic, afin d’éviter qu’ils découvrent par inadvertance la nouvelle par d’autres sources ou qu’ils sentent que quelque chose ne va pas sans comprendre la situation, ce qui pourrait générer de l’anxiété chez l’enfant. Choisissez un moment où vous pouvez consacrer un temps ininterrompu à la conversation pour donner à vos enfants la possibilité de poser des questions et d’exprimer leurs émotions. Un moment favorable peut être celui du coucher avec un livre spécifique dédié au cancer du papa ou de la maman, lors d’un coloriage ou encore au moment du bain.
Comment annonce-t-on à un enfant qu’on a un cancer ?
Comme il s’agit d’un moment difficile, il est essentiel d’aborder cette conversation avec sensibilité, attention et avec des informations adaptées à l’âge de l’enfant. Par exemple, plutôt que de dire le mot « tumeur », on peut dire que « maman a une boule au sein ». Utiliser des informations plutôt simples concernant la maladie, le plan de traitement et ce à quoi ils peuvent s’attendre pendant cette période, notamment le fait de perdre ses cheveux, d’être absent et fatigué qui sont des éléments importants à communiquer.
On peut aussi rassurer l’enfant en lui disant que le parent et l’équipe médicale font tout ce qui est en leur pouvoir pour lutter contre le cancer. Il est toujours bien de prévenir que certains jours peuvent être plus difficiles que d’autres, mais il est crucial d’insister sur l’importance de garder espoir et de rester positif. Il est essentiel de faire comprendre qu’il est normal de se sentir triste, effrayé ou même en colère. Donner un grigri, un doudou ou un autre objet auquel l’enfant peut confier ses émotions et qu’il garde auprès de lui, peut aussi être très utile pour traverser cette période.
Le cancer peut être très effrayant ou stressant pour les enfants. Ils peuvent aussi croire que c’est de leur faute. Comment rassurer les enfants et les aider à rester positifs ?
Quel que soit son âge, on peut le rassurer en lui expliquant que le cancer ne s’attrape pas, ne se transmet pas et qu’il n’est en rien lié au fait que l’enfant ne soit pas toujours gentil. Continuer à lui confier des responsabilités, comme mettre le couvert, pour qu’il sente qu’il puisse apporter une véritable solidarité familiale mais aussi lui permettre des moments pour se défouler, laisser une place à l’insouciance sont des moyens pour garder un certain optimisme. A l’adolescence, il se peut que l’enfant ne veuille pas dialoguer et il faut alors aussi l’accepter même si c’est difficile. Avec le temps et le dia- logue, les craintes se transforment en expérience de vie.
Où peut-on trouver de l’aide ?
Au sein de la famille et parfois, lorsque cela ne suffit pas, le soutien scolaire, les groupes de parole, les associations et les psychologues peuvent être un support très précieux. Ils donnent en effet de nombreux conseils pour aider l’enfant au quotidien. Il y a aussi des ateliers organisés par de nombreuses associations qui sont gratuits et peuvent soutenir l’enfant sur des thèmes particuliers.
Une patiente raconte :
Une vie bien remplie
Nous sommes en 2013. Mère de deux beaux enfants, Lana et Joe, Désirée était mariée et travaillait dans l’immobilier. Elle jonglait avec les nombreuses responsabilités qui viennent avec le fait d’être une épouse, une mère et une femme active.
Après avoir soufflé ses 50 bougies, elle reçoit une nouvelle qui va bouleverser sa vie : on lui diagnostique un cancer du sein. « Je savais que j’allais devoir mener une bataille longue et difficile, comprenant chirurgie et radiothérapie.
En tant que mère, ma plus grande préoccupation était de savoir comment expliquer la gravité de la situation à mes jeunes enfants » se souvient-elle. Ils étaient si innocents et pleins de vie, et elle ne voulait pas les effrayer ou briser leur équilibre. « Je savais que je devais trouver un moyen de leur parler de ma maladie en des termes qu’ils pourraient comprendre » explique Désirée.
La difficile annonce
Un soir, elle s’assoit avec Lana et Joe pour avoir une conversation franche :
Désirée : «Tu sais que parfois, dans les histoires que nous lisons, il y a de braves chevaliers qui combattent des monstres effrayants pour protéger les gens qu’ils aiment ?»
Lana : «Oui, comme celle où le chevalier sauve la princesse du dragon !»
Désirée : «C’est vrai. Eh bien, maman va devoir combattre un monstre elle aussi. Mais ce monstre est à l’intérieur de mon corps et il me rend malade. Je dois aller à l’hôpital et utiliser une épée spéciale pour le combattre.»
Joe : «Est-ce que je peux t’aider à com- battre le monstre, maman ?»
Désirée : «Bien sûr, mon chéri. Voici une épée pour toi aussi. Nous formerons une équipe et ensemble, nous vaincrons le monstre.»
Alors qu’elle subit une radiothérapie, elle explique à ses enfants que les rayons magiques étaient utilisés pour l’aider dans sa bataille contre le monstre. « Lorsque mon fils m’a demandé si les rayons magiques allaient me permettre de me sentir mieux, je lui ai répondu que ces derniers ainsi que l’épée et tout son amour ainsi que celui de papa et Lana, allaient m’aider à aller mieux et à gagner ce combat » sourit la quinquagénaire.
Un long combat…
La bataille contre le cancer a duré une année entière, mais avec l’amour et le soutien de sa famille, Désirée estime qu’elle en est sortie victorieuse.
Aujourd’hui, elle est reconnaissante d’être en rémission depuis de nom- breuses années. Cette expérience, bien qu’incroyablement difficile, a rapproché sa famille et a enseigné à ses enfants de précieuses leçons sur la résilience et le pouvoir de l’amour. Lana et Joe ont maintenant grandi et s’épanouissent dans leur propre vie. Lana évolue dans la santé et Joe, est passionné par l’informatique. Ils repensent tous deux à cette période difficile avec un sentiment de fierté et de force, sachant qu’ils ont joué un rôle en aidant leur maman à vaincre le monstre du cancer. « En tant que mère, je suis reconnaissante d’avoir eu l’occasion de partager ce voyage avec eux et d’avoir été témoin de leur développement en tant qu’individus équilibrés, compatissants et résilients » confie Désirée.
…riche en enseignements
Son histoire met en lumière l’impact profond de l’imagination, de l’empathie et de la communication sur le chemin de vie d’une famille à travers les épreuves. En adoptant le pouvoir de la narration et en créant un récit qui résonne avec ses jeunes enfants, Désirée a pu transformer une expérience effrayante en une opportunité de développement, de compréhension et d’amour.
« Le triomphe de ma famille sur le cancer nous rappelle que même face à l’adversité, les liens que nous partageons et la façon dont nous choisissons de communiquer peuvent nous aider à sortir plus forts et plus connectés que jamais ». Merci Désirée !
Cet article a été réalisé avec l’aimable soutien de Roche Pharma (Suisse) SA
L’indépendance de l’opinion de l’infirmière et de la patiente a été entièrement respectée