Dépister à temps la myopie chez l’enfant

En nette augmentation depuis une vingtaine d’années, la myopie est loin d’être un trouble visuel anodin. Chez l’enfant, elle devrait être dépistée et corrigée le plus tôt possible pour limiter sa progression et assurer une fonction visuelle la plus normale possible à l’âge adulte. Entretien réalisé auprès de la Docteure Alessandra Sansonetti, FMH ophtalmologie et chirurgie ophtalmologique et Présidente de la Société Suisse d’Ophtalmologie (SSO).

Par Adeline Beijns

Chère Docteure, on entend souvent que les enfants sont de plus en plus myopes et de plus en plus jeunes. Est-ce vraiment le cas ?

Hélas, oui. Ce trouble visuel est en constante augmentation au sein de la population toute entière. On estime ainsi que dans les pays occidentaux, entre 20 à 40% des individus, tous âges confondus sont atteints de myopie. Chez les jeunes, les statistiques deviennent même inquiétantes puisqu’en Asie, on estime qu’aujourd’hui, 80 à 90% des enfants le sont. Au niveau mondial, on s’attend aussi à une progression de ce trouble de la vue qui devrait concerner 50% de la population en 2050.

Qu’est-ce que la myopie ? Comment affecte-t-elle l’œil ?

Un œil myope est généralement un œil trop long, c’est-à-dire que la distance entre la cornée et la rétine est trop importante et de ce fait les objets se focalisent devant la rétine et non directement sur celle-ci. C’est pourquoi la personne myope est incapable de voir clairement des objets au loin. A l’inverse, les objets proches sont vus nets. On corrige la myopie par des verres convexes dont l’unité de mesure sont des dioptries. Une myopie est considérée « forte » au-delà de 5 à 6 dioptries. Les myopies fortes sont associées à des complications visuelles fréquentes et potentiellement graves à l’âge adulte. La myopie est le défaut de réfraction le plus courant chez les enfants et les jeunes adultes.

A quoi est-elle due ?

Il y a tout d’abord des causes génétiques : les populations africaines ont moins de risque de développer une myopie que les asiatiques par exemple. Ensuite, toujours lié à la génétique, un enfant dont l’un des parents est myope a plus de risques de développer une myopie, et ce risque augmente encore plus si les deux parents sont myopes. Mais le caractère héréditaire n’explique pas tout. Des facteurs environnementaux et comportementaux ont aussi une grande influence. Des études ont ainsi prouvé que les citadins et les personnes qui se concentraient davantage et longtemps de près soit pour lire soit pour étudier, étaient beaucoup plus souvent myopes que celles qui s’adonnaient à des activités en plein air et vivaient à la campagne.

Quels en sont les symptômes ?

Les symptômes les plus courants comprennent : des plaintes de vision floue (comme ne pas pouvoir voir le tableau à l’école), le fait de plisser les yeux pour essayer de mieux voir et des clignements fréquents des yeux.

Quels sont les risques d’une myopie non traitée ?

Il s’agit avant tout d’un inconfort visuel mais nous savons aujourd’hui qu’une myopie non traitée chez l’enfant engendrera une myopie forte chez l’adulte qui aura plus de risques de souffrir d’un décollement de la rétine, d’un glaucome, d’une cataracte ou encore d’hémorragies graves de la région maculaire. Tout retard dans le diagnostic et la prise en charge de la myopie entraînera une plus grande progression.

Que peut-on faire pour traiter et freiner le développement de la myopie ?

Il y a tout d’abord les contrôles réguliers chez l’ophtalmologue tout au long de la croissance de l’enfant, et ce dès l’entrée à l’école. Il prescrira généralement des lunettes correctives afin d’améliorer la vision de l’enfant et parfois d’empêcher que la myopie ne s’aggrave. S’il existe des facteurs de risque connus de myopie, tels que des antécédents familiaux, des examens oculaires réguliers sont encore plus indiqués, car les yeux des enfants peuvent changer rapidement.Ensuite, au quotidien, plusieurs mesures peuvent être adoptées. Il est ainsi, par exemple, recommandé que l’enfant passe au moins deux heures par jour à l’extérieur afin d’être exposé à la lumière naturelle qui permet un ralentissement de la croissance du globe oculaire. Il a en effet été prouvé que l’exposition à la lumière naturelle empêche la croissance excessive de l’œil (myopisation) et permet, dans une certaine mesure, de la contrôler. Ces deux heures peuvent sembler longues mais il s’agit du temps total passé à l’extérieur, trajet à pied vers l’école compris.

Enfin, il convient de limiter l’exposition aux écrans et faire des pauses régulières en adoptant la règle des 3 fois 20 : une pause de minimum 20 secondes, toutes les 20 minutes en regardant un objet situé à 20 pieds de soi (ce qui correspond à environ 6 mètres), permet au système visuel de se reposer car cela soulage l’effort d’accommodation lié au travail de près.

Il existe aussi depuis peu de nouvelles technologies de lunettes. Pouvez-vous nous en dire plus ?

En effet, depuis 2021 chez nous, il existe des lunettes qui permettent, de créer un défocus de l’image rétinienne en périphérie ce qui semble freiner la croissance du globe oculaire. Cette technologie existe déjà depuis quelques temps en lentilles de contact mais cette approche n’est pas toujours indiquée chez le jeune enfant. L’apparition de ces nouveaux verres offre une possibilité de correction et de suivi précoce sans les risques liés aux lentilles. Toutefois, le recul n’est pas encore suffisant pour en affirmer le succès.

Nous disposons aussi d’un traitement par collyre d’atropine à très faible concentration qui, instillée régulièrement, peut être une alternative ou un complément aux lunettes défocalisantes. Son efficacité a été prouvée sur de larges études en Asie notamment. D’autres prises en charges optiques notamment par lentilles nocturnes (orthokératologie) sont aussi une possibilité thérapeutique mais la mise en place et le suivi en sont plus délicats. Ces différents moyens de suivre et accompagner les jeunes patients myopes sont à discuter et à adapter au cas par cas.

N’attendez pas les premiers symptôme, informez-vous !

Cet article vous a plu ?
Abonnez-vous à la version papier Salle d’attente pour avoir accès à toutes les informations sur le sujet: témoignages, tests, adresses utiles, infographies et autres.
Alors n’attendez-plus !
CHF39.00

Loading

Partagez sur

Facebook

Plus d’articles :

L’appétit d’hiver, ça se gère !

Le froid s’installe, les journées raccourcissent, et soudain, notre appétit s’accroît. Pourquoi a-t-on plus faim en hiver ? Est-ce une simple impression ou il y a des raisons physiologiques derrière cette fringale saisonnière ?

Loading

Lire la suite »

Les dangers cachés des troubles du rythme cardiaque

La fibrillation auriculaire est l’un des troubles du rythme cardiaque les plus fréquents, en particulier chez les personnes âgées. Dans cette interview, les spécialistes cardiaques, le professeur Christian Sticherling de l’Hôpital universitaire de Bâle et le professeur Tobias Reichlin de l’Hôpital de l’Île de Berne, expliquent non seulement les causes, les symptômes et les possibilités de traitement mais ils abordent aussi la prévention des accidents vasculaires cérébraux et l’ablation par champ pulsé.

Loading

Lire la suite »

Focus sur la santé cardiaque : conseils pour vivre plus longtemps

Le 29 septembre 2024, la journée mondiale du cœur a mis en lumière l’importance de maintenir un cœur en bonne santé en adoptant des changements dans son mode de vie. Les maladies cardiovasculaires, première cause de mortalité en Suisse en 2022, soulignent plus que jamais la nécessité de prendre soin de sa santé cardiaque. La Dre. Carrie Ruxton, nutritionniste primée, partage quatre conseils simples mais efficaces pour préserver la santé du cœur. Elle insiste sur le rôle fondamental d’une alimentation équilibrée, véritable pierre angulaire d’un cœur en bonne santé.

Loading

Lire la suite »

Double lutte : bataille contre la polyarthrite et la pneumopathie interstitielle

La vie de René, 74 ans, témoigne de la résilience face aux épreuves imposées par des maladies chroniques graves. Cet homme jovial à la bonne humeur communicative est aujourd’hui veuf sans enfant et vit une retraite active malgré les défis imposés par la polyarthrite rhumatoïde et une pneumopathie interstitielle. Son histoire est celle d’un combat incessant contre la douleur et l’isolement, marquée par des pertes et des victoires personnelles.

Loading

Lire la suite »

Bouger en hiver : Rester actif malgré le froid

L’hiver pointe le bout de son nez, et avec lui, l’envie de se réfugier sous une couverture bien chaude. Pourtant, continuer à pratiquer une activité physique malgré le froid présente de nombreux avantages pour notre santé physique et mentale. Alors, pourquoi ne pas profiter de cette saison pour découvrir de nouvelles activités ou simplement adapter sa routine sportive ?

Loading

Lire la suite »

Hypothermie

Lorsque les températures baissent, notre corps doit travailler davantage pour maintenir sa chaleur interne. L’hypothermie, souvent méconnue, peut survenir plus vite qu’on ne le pense et avoir de graves conséquences sur la santé. Comment la reconnaître, la prévenir et réagir en cas d’urgence ?

Loading

Lire la suite »