Capteurs de glycémie : une révolution pour le diabète

Le diabète de type 1 est une maladie auto-immune multifactorielle qui impacte la vie des patients de diverses manières. Outre les conséquences physiques d’un mauvais contrôle du taux de glucose sanguin, la charge mentale liée à la maladie pèse énormément sur les patients. Depuis la découverte de l’insuline, les capteurs glycémiques sont probablement une des plus belles avancées pour la  prise en charge du diabète. Entretien réalisé auprès de la Prof. Anne Wojtusciszyn, Service d’endocrinologie, diabétologie et métabolisme du CHUV.

Par Adeline Beijns

Professeure Wojtusciszyn, le diabète est une maladie complexe qui affecte aussi psychologiquement les personnes qui en souffrent. Comment expliquez-vous cela ?

Le diabète de type 1, c’est-à-dire insulino-dépendant, nécessite au moins quatre injections d’insuline par jour mais aussi un contrôle quasi-permanent du taux de glucose sanguin. Ce dernier est bien sûr influencé par l’alimentation mais aussi par l’activité physique, aussi faible soit-elle, et les émotions. Tous ces facteurs qui font partie du quotidien entraînent une perte de spontanéité quand il s’agit de faire des choses. A chaque fois qu’une personne diabétique mange ou bouge, cela aura une influence sur sa glycémie qui, à son tour, pourra engendrer des hyper- et des hypoglycémies.

Cette épée de Damoclès permanente est donc très angoissante et cela génère une charge mentale énorme. Certaines études ont révélé que les patients diabétiques devaient prendre plus de 200 décisions par jour, ce qui est vraiment très lourd. De plus, comme le diabète de type 1 ne peut être guéri, une glycémie non contrôlée de façon récurrente fait peser, sur la personne qui vit avec un diabète, le risque  des conséquences à long terme de l’hyperglycémie, qui peuvent être très sérieuses sur les  yeux ou les reins par exemple.

Ces craintes sont-elles justifiées ?

Oui absolument même s’il est vrai qu’elles ne concerneront pas la majorité des patients. Tout niveau anormal de glucose sanguin peut avoir des conséquences fâcheuses pour le patient. Les hypoglycémies sont particulièrement redoutées car peuvent entrainer des malaises, et par exemple des conséquences traumatiques. À l’inverse, une hyperglycémie importante non gérée par de l’insuline peut aussi amener le patients aux urgences.

Si l’hyperglycémie reste plus modérée mais constante pendant plusieurs années, les conséquences à long terme sur les yeux , les reins, les nerfs ou le cœur, sont à redouter. Tous ces élément sont des risques réels, connus des patients et de leurs proches. Cependant, bien équilibrer un diabète reste très difficile car ce doit être une préoccupation constante sans tourner à l’obsession. L’instabilité de la vie de tous les jours qui est faite d’imprévus comme courir après un bus, sauter un repas, se fâcher contre ses enfants, peut entrainer des variations de la glycémie. Et éventuellement des hypo- ou hyperglycémies.

Quel est le rôle du glucose sanguin dans le diabète ?

Il est essentiel car c’est ce taux de glucose – trop élevé – qui permet le diagnostic de diabète. Ensuite, c’est en fonction de sa valeur – la glycémie – que s’adaptent les doses d’insuline. Pour évaluer l’efficacité du traitement, on surveille le taux d’hémoglobine glyquée (ou HbA1c) qui reflète la glycémie moyenne des 10 à 12 dernières semaines. Les recommandations visent un taux de HbA1c inférieur à 7,0 %, ce qui correspond approximativement à une glycémie moyenne d’à peine 8 mmol/l.

Comment les diabétiques peuvent-ils gérer au mieux leur glycémie ?

La réponse théorique est simple mais en pratique c’est loin de l’être : en faisant attention à leur alimentation, à leur activité physique et à la gestion de leurs émotions, en gérant leur traitement en fonction de la glycémie traditionnellement mesurée par le recueil d’une goutte de sang au bout du doigt. Cela reste beaucoup de choses à gérer et le plus simple est probablement d’accepter ces contraintes et de les intégrer le plus sereinement possible au quotidien. En pratique, les personnes diabétiques bénéficient aujourd’hui de capteurs de glycémie qui sont un outil innovant leur permettant de surveiller leur glucose sanguin en continu et sans douleur.

Quels sont les avantages de ces capteurs de glycémie ?

Ils sont nombreux : outre la mesure en continu de la glycémie qui permet une adaptation «en temps réel» , ils permettent aussi aux patients de ne plus se « piquer » les bouts des doigts pour récolter du sang qui est ensuite apposé sur une tigette pour déterminer le taux de glucose. Ils constituent une aide précieuse pour adapter les doses d’insuline à injecter, permettant d’analyser les effets des différentes doses sur la nuit, après les repas, pendant une activité sportive…

Grâce à eux, on constate que l’hémoglobine glyquée des patients est améliorée ainsi que le temps passé dans la zone cible de glucose (entre 3,9 et 10 mmol/l, avec le but d’y être plus de 70 % du temps).  Ces capteurs sont donc un outil pédagogique mais aussi thérapeutique incroyables. Les capteurs sont fiables si on est conscient des différences possibles – en particulier cinétiques – entre glucose sanguin et glucose interstitiel mesuré par ces appareils. La plupart d’entre eux ont aussi une alarme qui avertit lorsqu’une hypoglycémie va survenir. Ils sont une véritable révolution pour les patients diabétiques ayant besoin d’insuline, ce qui inclut aussi certaines personnes atteintes de diabète de type 2.

Vous avez aimé cet article ? Ne manquez pas:

Cet article vous a plu ?
Abonnez-vous à la version papier Salle d’attente pour avoir accès à toutes les informations sur le sujet: témoignages, tests, adresses utiles, infographies et autres.
Alors n’attendez-plus !
CHF39.00

Loading

Partagez sur

Facebook

Plus d’articles :

L’intelligence artificielle révolutionne le domaine médical

L’intelligence artificielle (IA) transforme de nombreux aspects de notre vie quotidienne, et le secteur médical n’échappe pas à cette révolution. De l’amélioration des diagnostics à l’efficacité des soins, en passant par le développement de nouveaux médicaments, l’IA promet de métamorphoser le monde de la santé. Découvrons ensemble comment l’IA est en train de redéfinir les pratiques médicales et de rendre les soins de santé plus efficaces, précis et accessibles.

Loading

Lire la suite »

Entre souffles et promesses : lutter contre la fibrose pulmonaire idiopathique

Né dans l’après-guerre en Allemagne et confronté dès l’enfance à des problèmes pulmonaires, Peter a toujours su que sa vie ne serait pas exempte de défis. Sa biographie débute à Sarrebruck et le conduit à travers une vie riche en expériences et en voyages, jusqu’à son installation en Suisse, où il construit sa vie professionnelle et familiale. Mais c’est son amour inébranlable pour sa femme qui définit le plus son existence, un amour qui est mis à l’épreuve alors qu’une maladie insidieuse prend racine.

Loading

Lire la suite »

OSE Thérapies : un soutien essentiel pour les personnes atteintes de cancer

À Lausanne, une association se distingue par son engagement exceptionnel envers les personnes touchées par le cancer : OSE Thérapies. Cette organisation à but non lucratif se consacre à offrir un accompagnement holistique aux patients en traitement ou en rémission. OSE Thérapies propose un éventail d’activités physiques et créatives adaptées, ainsi que des thérapies complémentaires visant à améliorer le bien-être physique et psychologique.

Loading

Lire la suite »

Partie 2 : La persévérance face à l’adversité : l’évolution du combat d’Eric

Dans un monde où chaque jour peut apporter son lot d’incertitudes, des histoires de courage et de résilience comme celle d’Eric se distinguent. Notre édition d’avril avait levé le voile sur son combat contre la leucémie lymphoïde chronique (LLC), un parcours empreint d’espoir malgré les épreuves. Aujourd’hui, nous reprenons le fil de cette histoire remarquable, témoignant des rebondissements survenus depuis notre dernier récit.

Loading

Lire la suite »

Partie 2 : Nouveau chapitre dans la lutte contre la LLC : la suite de l’histoire de Manuela

Dans notre numéro d’avril (cf. flyer partie 1), nous avons commencé à raconter l’histoire touchante de Manuela, qui a reçu un diagnostic de leucémie lymphoïde chronique (LLC) à seulement 35 ans et qui a depuis parcouru un long chemin de lutte, d’espoir et d’adaptation à une nouvelle réalité de vie. Nous poursuivons maintenant son histoire, qui nous introduit dans les développements récents de son état de santé, son traitement et la manière dont Manuela fait face aux nouveaux défis, avec la même force et la même détermination que celles dont elle a fait preuve depuis le diagnostic.

Loading

Lire la suite »

Petits bobos, grandes aventures : prévenir et soigner

Chaque jour, que ce soit à la maison, lors d’une escapade en nature ou pendant une séance de sport, le risque de subir une blessure au moins mineure est toujours présent. Des activités apparemment banales peuvent parfois conduire à des plaies superficielles ou plus sérieuses. Savoir comment les traiter rapidement et efficacement est essentiel pour éviter des complications, garantissant ainsi que nos petites aventures restent de bons souvenirs plutôt que des mésaventures douloureuses.

Loading

Lire la suite »