Échapper à la chimiothérapie ?

En Suisse, ce sont plus de 6’000 femmes qui découvrent chaque année qu’elles sont atteintes d’un cancer du sein. De nos jours, les patientes peuvent bénéficier d’un suivi optimal, grâce à l’expansion des centres du sein certifiés et dans certains cas, éviter une chimiothérapie, grâce au test génomique. Entretien réalisé auprès du Docteur Jérôme Mathis, médecin-chef de gynécologie et obstétrique au Centre hospitalier Bienne.  

Par Adeline Beijns

Qu’est-ce qu’un centre du sein certifié ?

Il s’agit d’une organisation multidisciplinaire et transversale. Elle permet aux patientes atteintes d’un cancer du sein de suivre un parcours de soins qui implique à la fois le diagnostic et un traitement multidisciplinaire. La particularité́ d’un centre du sein certifié réside dans la coordination de plusieurs acteurs de soins (gynécologues, radiologues, chirurgiens, oncologues, radiothérapeutes, pathologues, infirmières et psychologues), tous regroupés dans une seule organisation et très souvent un même lieu. Ces différents acteurs se réunissent pour une séance hebdomadaire multidisciplinaire qui est communément appelée « colloque d’oncologie » ou « tumor board » afin de proposer la meilleure prise en charge diagnostique et thérapeutique pour chaque patiente, tout en tenant compte des dernières recommandations scientifiques. Prenons l’exemple d’une patiente qui présente une grosseur à la poitrine. Elle va d’abord contacter son gynécologue, qui va lui prescrire des examens radiologiques, pour mettre en évidence ou non, l’existence d’un cancer qui sera révélé à l’aide d’une biopsie.

À la suite de ce diagnostic, la patiente sera adressée à un sénologue du centre du sein pour avoir le traitement le plus adapté, le plus rapidement possible, discuté et proposé par le « tumor board ». Comme la patiente va évoluer dans des services différents, nous faisons en sorte que son parcours de soins soit le plus efficace et le plus « facile » possible, bien évidemment en prenant en compte ses besoins spécifiques.

Quels sont les avantages de tels centres pour les patientes ?

Il faut savoir qu’un centre du sein n’est certifié qu’à la suite d’un long processus de contrôle et de certification, qui inclut une centaine de critères. Le label de qualité́ qui lui est alors octroyé, permet d’attester d’un traitement adéquat et d’un accompagnement individualisé des femmes atteintes d’un cancer du sein. Ces contrôles sont effectués par un organisme indépendant tel que la Ligue suisse contre le cancer, la ligue européenne ou allemande. Pour les patientes, les avantages sont donc nombreux. Outre la garantie d’être traitée dans un centre qui a été contrôlé et l’est régulièrement, la patiente bénéficie d’un environnement hautement professionnel, constitué des divers spécialistes, mettant l’accent sur la rapidité grâce à une bonne coordination ainsi qu’à l’efficacité́ des soins. De plus, dans chaque centre, une infirmière spécialisée appelée « breast care nurse » joue un rôle primordial de soutien aux patientes, notamment pour ce qui concerne la coordination de tous les rendez-vous et le soutien psychologique. Ces infirmières spécialisées, généralement au nombre de 1 à 3 par centre, ont reçu une formation spécifique qui regroupe plusieurs modules médicaux, dont notamment celui de l’accompagnement et de la transmission de mauvaises nouvelles.

De nos jours, comment traite-t-on un cancer du sein ?

Pour répondre à votre question, laissez-moi d’abord rappeler certains points essentiels. Le traitement du cancer du seinrepose sur un grand principe à savoir : combiner un traitement local et un traitement systémique. Pourquoi ? La raisonétant que lorsqu’un cancer se développe, le sang – même à un stade précoce – transporte des cellules appelées « circulantes ».

Ces cellules sont généralement détruites par le système immunitaire mais il se peut qu’elles se fixent dans un organe, décrites alors comme métastases. Cela implique qu’un traitement local ne sera malheureusement pas suffisant et que, pour prévenir le risque de récidive sous la forme métastasique, il faudra l’associer à un traitement systémique qui agit par le sang dans l’ensemble du corps ce que la chirurgie et la radiothérapie ne sont pas capables de faire. Par conséquent, un traitement est toujours double voire triple, puisqu’il peut y avoir localement une ablation totale ou partielle du sein associée ou non à de la radiothérapie (Rayons X) et en plus une thérapie systémique qui peut comprendre : une hormonothérapie, une chimiothérapie ou dans certains cas, une immunothérapie.

Quelle est l’importance du test génomique ?

Le choix du traitement systémique dépendra entre autres des caractéristiques de la tumeur (taille, morphologie, potentiel de division cellulaire, expression des récepteurs hormonaux à la surface de ses cellules) qui classifient le cancer dans une des quatre grandes catégories possible à savoir :

1) Celui ayant une expression des récepteurs HER2 négatifs et des récepteurs hormonaux positifs (œstrogène et progestérone), dit hormono-sensible, pour lequel on recommande l’hormonothérapie.

2) Celui ayant une expression partielle des récepteurs hormonaux (œstrogènes élevés et progestérone basse) avec des récepteurs HER2 négatifs, c’est ce qu’on appelle la catégorie « luminal B ». C’est notamment pour cette catégorie de cancers du sein que les tests génomiques sont particulièrement indiqués car la chimiothérapie n’apporte pas toujours un bénéfice face au risque de récidive.

3) Celui ayant une expression des récepteurs hormonaux négatifs mais HER2 positifs qui nécessite une chimiothérapie et une immunothérapie.

4) Le cancer dit triple négatif qui n’a pas d’expression de récepteurs à l’œstrogène, à la progestérone, ni au HER2, qui requière systématiquement une chimiothérapie.

Pour les cancers appartenant à la deuxième catégorie, soit « luminal B », il n’est pas toujours assuré que les effets secondaires de la chimiothérapie soient contrebalancés par ses avantages (c’est-à-dire, par une diminution du risque de récidive). C’est ici qu’intervient le test génomique. Les patientes peuvent être rassurées, car ce test est réalisé sur les cellules tumorales qui ont déjà été prélevées lors de leur biopsie ou de l’intervention chirurgicale. En effet, le test va permettre d’analyser l’activité des différents gènes tumoraux. Le risque de récidive d’un cancer du sein hormono-sensible et sans surexpression HER2, est estimé grâce à un score compris entre 0 et 100, qui classe les patientes selon leur risque de récidive. Le test génomique fourni des informations qui peuvent aider la patiente et son médecin à prendre une décision pour éviter un sous-traitement ou un sur-traitement. Dans les deux cas, le test génomique permet de rassurer la patiente et de la conforter dans ses choix thérapeutiques, définis en collaboration avec l’équipe de soins qui la suit. 

Cet article a été réalisé avec l’aimable soutien d’Exact sciences International Sàrl
L’indépendance de l’opinion du médecin a été entièrement respectée

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