Hypertendu ? La dénervation, cette solution ignorée

Touchant un tiers de la population adulte, l’hypertension artérielle représente un facteur de risque important pour le développement des maladies cardiovasculaires lorsqu’elle n’est pas traitée. La dénervation rénale peut apporter une solution à certains patients hypertendus sélectionnés. Entretien auprès du Docteur Juan F. Iglesias, Médecin Adjoint agrégé du Service de Cardiologie des HUG. 

Par Adeline Beijns

L’hypertension, pourquoi dit-on qu’il s’agit d’une maladie silencieuse ?

L’hypertension artérielle est considérée comme une « tueuse silencieuse » car elle ne provoque le plus souvent, aucun symptôme ni douleur perceptible. Elle n’en demeure pas moins très dangereuse. L’hypertension concerne un adulte sur trois mais 40 à 50% des personnes hypertendues ne savent même pas qu’elles en souffrent. Même lorsqu’elle est diagnostiquée, l’hypertension artérielle n’est traitée que dans la moitié des cas. Non prise en charge, l’hypertension peut conduire à long terme à des complications cardiovasculaires graves.

Quelles en sont les conséquences ?

Il peut s’agir d’une angine de poitrine, un infarctus du myocarde, un accident vasculaire cérébral, une insuffisance cardiaque et/ou rénale, une maladie artérielle occlusive des membres inférieurs, ou encore entraîner le décès. Parmi tous les facteurs de risque, l’hypertension est le plus grand contributeur annuel de décès dans le monde, devant le tabac, le diabète, l’hypercholestérolémie, l’obésité et la pollution de l’air. 20% des décès survenant dans le monde sont attribués à l’hypertension artérielle.

Quelles sont les causes de l’hypertension et quels sont les signes qui doivent alerter ?

Dans 10% des cas, l’hypertension est causée par certaines maladies, des troubles de la circulation rénale ou des perturbations hormonales. On parle alors d’hypertension artérielle ‘secondaire’ et le fait de traiter la maladie causale permet souvent de traiter l’hypertension associée. Dans 90% des cas, la cause n’est pas clairement établie et on parle d’hypertension ‘primaire’ ou ‘essentielle’.

De multiples facteurs peuvent contribuer au développement d’une hypertension artérielle. L’âge et une prédisposition héréditaire sont des facteurs qu’il est malheureusement impossible de modifier mais des facteurs de risque tels que le tabagisme, le surpoids, une alimentation riche en sel, une consommation d’alcool, un manque d’activité physique, le stress ou encore la prise de certains médicaments sont autant de facteurs qu’il est possible d’influencer pour diminuer la tension artérielle.

La gestion de cette maladie peut être difficile, quel en est l’impact sur la qualité de vie des patients ?

L’hypertension étant très souvent asymptomatique, les patients ont facilement tendance à banaliser ses conséquences potentielles et l’importance de son traitement. En plus des mesures hygiéno-diététiques destinées à réduire la consommation de sel et d’alcool et encourager l’activité physique, les patients hypertendus doivent très souvent prendre un ou plusieurs médicaments pour le reste de leur vie, ce qui est parfois très contraignant et peut occasionner des effets secondaires tels qu’une diminution de la fréquence cardiaque, une fatigue ou une intolérance à l’effort.

On estime que plus de la moitié des patients hypertendus ne prennent que partiellement ou ne prennent même pas les médicaments prescrits pour leur hypertension. Il en résulte que l’hypertension artérielle n’est contrôlée que chez seulement 20% des patients traités.

Quelles solutions s’offrent à ces patients ?

Si les mesures hygiéno-diététiques et le traitement médicamenteux ne permettent pas de maintenir la pression artérielle dans les cibles actuellement recommandées (≤130/85 mmHg), la dénervation rénale constitue aujourd’hui une alternative de traitement fiable et efficace. Il ne s’agit pas, du moins pas encore, d’un substitut au traitement médicamenteux mais d’une thérapie complémentaire aboutie d’un point de vue technologique et des données médicales.

Cette intervention minimalement invasive, réalisée en ambulatoire sous anesthésie locale ou générale légère, consiste à interrompre sélectivement l’activité électrique des nerfs du système nerveux sympathique à destinée rénale par application locale contre la paroi des artères rénales d’un courant électrique de faible intensité généré par des ondes de radiofréquence ou d’ultrasons délivrés par un cathéter introduit par le pli de l’aine. Cette action sur le système nerveux a pour conséquence de diminuer la pression artérielle.

Est-ce que le patient doit être intégré dans le choix de la thérapie et si oui comment ?

Absolument, la préférence du patient doit être incorporée dans le processus de décision partagée d’un traitement de l’hypertension artérielle. Le patient doit au préalable être adéquatement informé des risques et des bénéfices de chacune des modalités de traitement de l’hypertension artérielle, y compris la dénervation rénale, afin qu’il puisse choisir le traitement de son choix en toute connaissance de cause. Une étude récente montre qu’une proportion importante de patients hypertendus choisirait la dénervation rénale au détriment d’un traitement pharmacologique à prendre à vie pour le traitement de leur hypertension s’ils étaient correctement informés sur la thérapie.

Selon votre expérience, cette solution apporte-t-elle un soulagement aux patients hypertendus ?

La dénervation rénale permet une réduction de l’ordre de 8 à 10 mmHg de la pression artérielle systolique. Cet effet est similaire à celui d’un médicament anti-hypertenseur et n’est pas négligeable si on pense qu’une telle réduction de la pression artérielle est traditionnellement associée à une réduction de 20% du risque d’un évènement cardiovasculaire majeur et de 13% du risque de décès. Par ailleurs, si elle est effectuée dans un centre expérimenté, la procédure est sûre. Le risque de complications en lien avec la dénervation rénale est très faible, similaire à celui de toute intervention endovasculaire.

Quels conseils donneriez-vous aux patients à risque ?

Les patients doivent prendre conscience que l’hypertension n’est pas une pathologie banale et qu’elle peut entraîner des complications graves pouvant conduire au décès si elle est n’est pas ou mal traitée. Je conseillerais les patients hypertendus de s’informer auprès de leur médecin généraliste ou d’une consultation spécialisée en hypertension sur les avantages et inconvénients des différentes approches thérapeutiques existantes, en particulier sur la dénervation rénale.

Quels conseils donneriez-vous aux médecins généralistes ?

Les médecins généralistes sont les médiateurs clés dans le choix du traitement individualisé de l’hypertension artérielle de leur patient. Pour ce faire, ils doivent être informés de toutes les modalités de traitement y compris sur les bénéfices démontrés de la dénervation rénale pour pouvoir informer de manière éclairée leurs patients. En cas d’échec de traitement, c’est-à-dire quand l’hypertension est soit mal contrôlée soit non contrôlée sous traitement médicamenteux, je leur recommanderais d’adresser sans tarder leurs patients à un centre spécialisé en hypertension qui pratique la dénervation rénale.

Cette thérapie est-elle remboursée ?

Oui absolument, la procédure de dénervation rénale est remboursée dans le cadre de l’assurance obligatoire des soins LaMAL. Afin d’assurer le meilleur résultat pour le patient, cette procédure devrait être effectuée dans un centre spécialisé en hypertension artérielle et expérimenté en ce qui concerne la dénervation rénale.

Les explications en image :

Vous avez aimé cet article ? Ne manquez pas …

Cet article vous a plu ?
Abonnez-vous à la version papier Salle d’attente pour avoir accès à toutes les informations sur le sujet: témoignages, tests, adresses utiles, infographies et autres.
Alors n’attendez-plus !
CHF39.00

Loading

Partagez sur

Facebook

Plus d’articles :

Albinisme : entre mystère génétique et richesse culturelle

Longtemps entouré de mythes et de croyances, l’albinisme se caractérise par l’absence ou la réduction significative de la pigmentation de la peau, des cheveux et des yeux. Au-delà de l’apparence, cette condition génétique soulève des enjeux majeurs en matière de vision et de protection contre les rayons solaires. Les avancées scientifiques et sociales ont permis de mieux cerner le phénomène et d’améliorer la prise en charge des personnes concernées.

Loading

Lire la suite »

Hypermnésie : un don ou un fardeau ?

L’hypermnésie, ou mémoire exceptionnelle, fascine autant qu’elle intrigue. Ce phénomène rare, souvent perçu comme un don, peut aussi devenir un fardeau pour ceux qui en sont dotés. Comprendre ce trouble, ses causes et ses conséquences est essentiel pour saisir la complexité de ce fonctionnement hors norme.

Loading

Lire la suite »

Quand le genou fait soudainement grève

Damian a 35 ans, vient du Valais et aime la montagne. Pendant son séjour au Canada, les longues randonnées intensives avec sa compagne Céline faisaient partie intégrante du quotidien. Souvent, ils attaquaient directement la montée sans échauffement. Grimper jusqu’au sommet, faire une courte pause pour profiter de la vue, puis redescendre. Mais un jour, quelque chose a changé.

Loading

Lire la suite »

Thérapie psychosexuelle : à la croisée de l’intimité et de l’esprit

De plus en plus reconnue comme une approche globale et bienveillante, la thérapie psychosexuelle s’intéresse autant à la sphère psychique qu’à la dimension intime du patient. Elle propose des outils spécifiques pour accompagner toutes celles et ceux qui rencontrent des difficultés sexuelles ou relationnelles, souvent liées à des blocages émotionnels, des traumatismes ou des schémas de pensées limitantes. Pour en savoir plus, nous avons rencontré le Dr. Lakshmi Waber, Spécialiste FMH en psychiatrie et sexologue, Président et responsable de formation de la Société Suisse de Sexologie.

Loading

Lire la suite »

La salle d’attente : le couloir de l’ombre

Daniela Vaucher a traversé deux cancers et est aujourd’hui en rémission. Pendant toute la durée de ses traitements, c’est dans la salle d’attente de son oncologue qu’elle a tenu son journal intime — un refuge de mots et d’émotions face à l’inconnu. Dans une série de témoignages à paraître sur plusieurs éditions, elle partage avec nous son parcours, entre doutes, espoir et résilience.

Loading

Lire la suite »

Quand la maternité se conjugue au diabète gestationnel

Le diabète gestationnel est un défi dans la prise en charge des grossesses à risque, interrogeant tant les cliniciens que les chercheurs sur les meilleures stratégies de dépistage, de suivi et de prévention. Cette affection, qui se caractérise par une intolérance au glucose apparaissant au cours de la grossesse, soulève des questions essentielles concernant la santé maternelle et néonatale. À travers l’histoire de Marianne, 37 ans, qui a développé un diabète gestationnel lors de sa grossesse de Mathieu – aujourd’hui âgé de 3 ans – nous explorerons la réalité clinique de cette pathologie, ses implications et les perspectives d’amélioration de sa prise en charge en Suisse.

Loading

Lire la suite »