La boulimie, trouble essentiellement féminin

Trouble du comportement alimentaire, la boulimie se caractérise par des prises de nourriture abondantes, fréquentes et incontrôlées. Les femmes en sont principalement touchées et représentent 2,4% de la population suisse contre 0.9% pour les hommes.

Par Adeline Beijns

De quoi s’agit-il ?

La particularité fondamentale de la boulimie est la perte de contrôle du comportement alimentaire, faisant de la vie un cauchemar, dominé par des crises incontrôlables. «Ma vie est réglée par les crises et les courses au supermarché qui en découlent» témoigne Sophie, une jolie étudiante de 22 ans qui a d’abord souffert d’anorexie avant de se « lâcher », comme elle le confie, dans la boulimie « où tous les excès sont permis».

Les apports caloriques lors de ces frénésies alimentaires peuvent en effet atteindre 3 000 calories voire plus. Anne, 34 ans, le confirme « la plus grande part de mon budget est dédiée à ma nourriture. C’est triste et dangereux mais c’est plus fort que moi, je ne trouve le réconfort que dans la nourriture qui m’apaise et en même temps m’empêche de trop réfléchir».

La nourriture, un refuge ?

Dans une société où le rapport au corps et la comparaison aux stars des réseaux sociaux sont devenus, on doit bien l’avouer, malsains, il n’est pas toujours aisé d’établir une relation apaisée avec son corps et la manière de s’alimenter. Notre société a ceci de paradoxal qu’il faut (c’est ce que les affiches publicitaires laissent entrevoir) être mince et à la fois être une bonne vivante qui profite des plaisirs, sucrés et salés, de la table. Les spécialistes constatent en effet que la boulimie, tout comme l’anorexie, est un trouble qui devient de plus en plus fréquent dans le monde occidental, généralement chez les jeunes femmes même si les hommes sont de plus en plus concernés.

En Suisse, d’après les dernières statistiques qui datent d’il y a à peu près dix ans, seules 2.4% des femmes seraient boulimiques. Mais ce chiffre est à prendre avec des pincettes car toutes les femmes souffrant d’accès boulimiques ne vont pas consulter soit par honte et difficulté soit parce qu’elles considèrent comme Sophie « que ces crises constituent ma zone de pétage de plomb et sont nécessaires à mon équilibre même si je sais que je mets ma santé en danger». Pour Anne, «je mange sain en société et ne fais pas le moindre écart mais quand je me retrouve seule chez moi, j’engouffre tout ce qui se trouve dans mes placards ! ».

Souvent considérée comme un manque de discipline, il n’en est pourtant rien et la boulimie constitue un trouble grave, qui, outre les symptômes psychologiques, peut également provoquer de nombreux symptômes physiques, parfois mortels.

Les causes du trouble

La cause exacte de la boulimie est aujourd’hui encore inconnue même s’il semblerait que des facteurs génétiques, psychologiques, familiaux, sociaux ou culturels puissent jouer un rôle. Complexe, la maladie est généralement le résultat d’une combinaison de plusieurs facteurs et révèle très souvent une anorexie nerveuse sous-jacente qui est un trouble de l’alimentation présentant non seulement une obsession de l’alimentation et de la gestion du poids mais aussi une image corporelle déformée et des symptômes physiques et psychologiques.

Parmi les facteurs de risque des troubles alimentaires, on cite les abus sexuels mais également la survenance d’événements traumatisants ou stressants. Les personnes ayant des problèmes psychologiques et les personnes en puberté (changements hormonaux) sont des groupes à risque pour la maladie.

Comportements compensatoires

Pour garder un poids stable, la plupart des boulimiques adoptent des comportements compensatoires pour éliminer la nourriture ingurgitée pendant les crises. Nombreuses sont ainsi les femmes qui vomissent après une crise de boulimie, font du sport à outrance et/ou prennent des laxatifs, de peur de prendre du poids. «Après chaque crise, je vais aux toilettes pour me faire vomir.

Cela me procure un sentiment de soulagement mais m’épuise aussi de telle sorte que je ne pense plus à ce que je viens de faire» confie Marie, pharmacienne de 33 ans. Le poids de la personne est, dans la plupart des cas, normal mais peut être sujet à de nombreuses fluctuations (gain ou perte). La maladie n’est donc pas facilement apparente et reste malheureusement trop souvent un problème «caché» dont l’entourage ne prend conscience qu’à un stade très tardif.

Conséquences physiques

Suite aux nombreux vomissements, le corps souffre et peut présenter les symptômes suivants : problèmes dentaires (gingivite et caries), brûlures de l’estomac et de l’œsophage, ongles fragiles, déséquilibre chimique (perturbation des électrolytes) tel qu’un faible taux de potassium dans le sang, un équilibre hydrique insuffisant dans le corps et une perte de minéraux, arythmie (perturbations du rythme cardiaque), crampes musculaires, convulsions, rupture de l’estomac, inflammation et gonflement de la gorge ainsi qu’une aggravation des troubles psychiatriques tels que l’anxiété, la dépression et les troubles obsessionnels-compulsifs.

Certaines femmes ont également des règles interrompues ou perturbées. Les évanouissements, les vertiges, la fatigue et les troubles du sommeil sont d’autres signes physiques possibles de la boulimie.

Conséquences psychologiques

Le fait d’être très sensible aux commentaires concernant la nourriture, l’alimentation, la forme et le poids du corps est également une caractéristique typique des patients boulimiques. Ils ont une faible estime de soi et éprouvent des sentiments de honte, de dégoût de soi ou de culpabilité, surtout après avoir mangé. Ils se voient aussi avec une image corporelle déformée (on parle de dysmorphophobie). Enfin, le comportement antisocial, la dépression, l’anxiété ou l’irritabilité sont d’autres aspects psychologiques du trouble alimentaire.

Quels traitements ?

La boulimie est une maladie de longue durée dont la première étape du traitement est la reconnaissance du problème par le patient. Dans son Traité de l’alimentation et du corps paru en 1994, le psychothérapeute et spécialiste du comportement alimentaire, Gérard Apfeldorfer résume très bien la difficulté à surmonter la boulimie: «Manger c’est un acte carrefour entre le biologique et le psychologique, l’individu et la société, l’humain et l’inhumain. Manger est le lieu de toutes les peurs, de toutes les angoisses, de toutes les révoltes. »

Pour Justine, avocate et boulimique depuis 20 ans, le chemin de la guérison semble long: «quand on fume ou quand on souffre de problèmes de dépendance à l’alcool, on peut laisser tomber ces substances et continuer à vivre. Quand le problème est la nourriture, on est obligé d’y passer, on doit manger pour vivre! Chaque repas est une épreuve au cours de laquelle il faut trouver le juste milieu à savoir, ne pas manger ni trop ni trop peu. Et c’est précisément cela qui est difficile».

Les thérapies par la parole et nutritionnelle, les groupes de soutien et les médicaments (antidépresseurs) sont des options de traitement disponibles pour les boulimiques. Le pronostic des patients boulimiques est généralement meilleur que celui des patients anorexiques et, pour de meilleures chances de succès, le patient doit pouvoir compter sur le soutien de la famille et/ou de son entourage.

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