Chimiothérapie et vomissements, parfaitement dissociables

Crédit : Istock

Pour de nombreuses personnes, nausées et vomissements sont intimement liés à la chimiothérapie. Fort heureusement, certains médicaments permettent aujourd’hui d’atténuer voire de supprimer ces effets secondaires. Entretien auprès du Docteur Matti Aapro, Clinique de Genolier, Président de la European Cancer Organisation. 

Par Adeline Beijns

Pour quelles raisons associe-t-on généralement la chimiothérapie aux nausées et vomissements ?

La chimiothérapie détruit les cellules cancéreuses mais endommage aussi la muqueuse gastro-intestinale. Nausées et vomissements mais aussi constipation voire diarrhée sont parmi, ou plutôt étaient parmi, les effets secondaires rencontrés, surtout avec certaines chimiothérapies.

Quels sont les facteurs pouvant augmenter le risque de développer de tels problèmes ?

Souvent négligés, l’anxiété et le stress liés au traitement provoquent de tels désagréments et ne sont pas à sous-estimer. Ils sont parfois aussi dus à des expériences antérieures négatives (dont le mal du voyage). On parle alors de réaction «conditionnée».

Mais de manière générale, et sans que l’on sache précisément pourquoi, on constate qu’à chimiothérapies et cancers égaux, les femmes ont plus de risques d’avoir des nausées ou vomissements.

En revanche, et ce n’est certainement pas une raison pour se mettre à boire, il semblerait que les patients alcooliques aient moins de risques d’en souffrir. Des études sont actuellement en cours pour valider ou non ces différents facteurs et permettre de mieux utiliser les différents anti-émétiques.

Est-il possible de prévenir les nausées et vomissements induits par la chimiothérapie (NVIC) ?

Oui bien évidemment et ils permettent de les réduire significativement. Grâce à la découverte de nouvelles molécules et une meilleure compréhension des interactions entre médicaments, on constate une disparition des NVIC dans les meilleurs cas, et dans les pires au maximum 20 à 25% des patients ont encore un unique épisode de vomissement après la chimiothérapie.

Ces nouvelles thérapies que vous mentionnez, ont-elles des effets secondaires ?

Ils sont relativement rares et les thérapies utilisées pour combattre les nausées et vomissements sont généralement bien supportées.

Les corticostéroïdes, même pris de manière brève, peuvent cependant développer un diabète chez les patients prédiabétiques. Les médicaments antisérotoninergiques, utilisés fréquemment comme anti-nauséeux, entraînent rarement des maux de tête sévères et parfois de la constipation. Les autorités recommandent de les prescrire prudemment chez certains patients cardiaques. Enfin, les anti-NK1, qui font partie des recommandations oncologiques internationales contre les nausées et vomissements ont parfois de mauvaises interactions avec d’autres médicaments en raison du métabolisme des divers agents. Il convient donc d’être attentif aux associations de molécules mais ce n’est pas du tout une raison pour ne pas les prescrire. Enfin citons certains antipsychotiques qui sont très utiles si les nausées sont très fortes, mais qui souvent diminuent la vigilance.

Y a-t-il un réel impact sur la qualité de vie des patients sous chimiothérapie ?

C’est absolument certain. La tolérance des chimiothérapies s’est grandement améliorée grâce aux nouveaux médicaments contre les nausées et vomissements employés de façon préventive. Ceci a un impact direct sur l’amélioration significative de la qualité de vie des malades. Je regrette que les médias véhiculent le plus souvent des images de patients pour lesquels la chimiothérapie se passe très mal et ne parlent pas des cas, de loin les plus fréquents, où le traitement est bien supporté.

Quels progrès envisagez-vous en matière de chimiothérapie au cours des 5 à 10 prochaines années ?

On peut s’attendre à une modification de certains types de chimiothérapies pour les rendre plus efficaces et pour pouvoir les administrer oralement et à domicile. Un grand espoir repose sur son association avec l’immunothérapie qui témoigne d’avancées remarquables pour divers cancers (mais pas encore pour tous) où l’on observe aujourd’hui des rémissions à très long terme, j’oserais dire des guérisons.

L’immunothérapie remplacera-t- elle la chimiothérapie et résoudra-t-elle ainsi le problème des vomissements ?

Non je ne le pense pas car la pratique montre que pour certains cancers les meilleurs résultats sont obtenus lorsque l’on combine la chimiothérapie à l’immunothérapie. Ce ne sont que dans de rares cas que l’immunothérapie est prescrite seule. Par ailleurs, l’immunothérapie engendre aussi parfois des nausées et exceptionnellement des vomissements qui sont souvent liés à l’angoisse.

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