Cette maladie méconnue, qui touche les fermiers

Jeanne, aujourd’hui âgée de 61 ans, a passé toute sa vie dans l’exploitation agricole familiale, travaillant durement et sans relâche, comme le faisaient déjà ses grands-parents. Fumeuse, ses problèmes de toux et ses difficultés respiratoires avaient vite trouvé un coupable. Mais pas celui que l’on croit. Explications. 

Par Adeline Beijns

«J’ai eu la chance de rencontrer un homme qui avait, comme moi, une passion pour la terre et la perpétuation des traditions» annonce fièrement Jeanne, une agricultrice et viticultrice du sud du pays.

Des symptômes handicapants

«Trouver quelqu’un qui veuille reprendre avec moi l’exploitation familiale et s’occuper des bêtes, n’était pas forcément évident». Du matin au soir et du soir au matin, sans véritable jour de repos, Jeanne et son mari remuent le foin, nettoient les enclos, nourrissent les animaux et sont exposés à toutes sortes de poussières organiques. Avec très peu d’économies, Jeanne et Philippe, ne peuvent s’offrir que le luxe d’un paquet de cigarettes qui devient le «petit plaisir» qui accompagne les rares pauses.

Au fil du temps, Jeanne commence à se sentir fatiguée et essoufflée. Il lui est de plus en plus difficile d’aller nourrir les vaches dans les pâturages. Ses quintes de toux, puissantes, l’épuisent et pourtant, Jeanne continue de travailler sans se plaindre. Elle n’a pas le temps de consulter un médecin. Malgré la gêne, Jeanne se rattache à son amour pour les animaux. «C’est la seule chose qui compte à mes yeux, mes animaux et mes terres. Je donnerai tout pour eux». Nous l’aurons compris, Jeanne est prête à faire passer son bétail avant son bien-être.

Le long parcours d’une combattante

Les jours passent, Jeanne maigrie à vue d’œil. Au début son mari s’amusait de cette situation, sa femme avait perdu son embonpoint! «Et puis un matin, je n’ai pas pu sortir de mon lit. Je n’arrivai plus à respirer, j’avais de la fièvre». C’est à ce moment-là que Philippe, pris de panique, appelle en urgence leur médecin traitant, qui évoque d’abord une bronchite. A cela, de nombreux rendez-vous chez différents spécialistes s’en suivent: pneumologue, cardiologue et allergologue.

Au début, en raison de son essoufflement, d’une respiration sifflante, d’une toux chronique et de sa perte de poids, un premier pneumologue diagnostique une bronchopneumopathie chronique obstructive (ou BPCO). Mais ce diagnostic n’est hélas pas définitif. Ajoutant la fatigue, les poussées de fièvre, les maux de tête, à la longue liste des symptômes, un autre pneumologue décèle une sarcoïdose pulmonaire.

Une maladie rare méconnue

«On m’a prescrit des inhalateurs, des corticoïdes et de l’oxygène en supplément. Mon état s’est amélioré mais les quintes de toux et la fatigue persistaient. Ces symptômes devenaient de plus en plus handicapants ».

Après une longue errance diagnostique, Jeanne décide de se rendre dans un centre spécialisé. Le colloque de médecins de l’hôpital reprendra son dossier depuis le début. Une information (mise de côté jusqu’à lors) fera toute la différence pendant l’anamnèse: Jeanne travaille dans une exploitation agricole. Après concertation pluridisciplinaire entre pneumologues, radiologues, allergologues et anatomopathologistes, le mal dont souffre Jeanne porte enfin un nom. Une alvéolite allergique extrinsèque, plus communément appelée «maladie du poumon du fermier ».

Le diagnostic de ce mal peu connu est souvent difficile et repose sur l’exclusion d’autres affections associées à une atteinte interstitielle pulmonaire. En cause? La surexposition et l’inhalation de particules organiques, végétales ou animales, possédant des propriétés antigéniques responsables de réactions immuno-allergiques. Parmi ces substances, on trouve les moisissures, le foin, le compost, les déjections d’oiseaux ou encore la poussière de bois.

«Une fois que l’on a pu mettre un nom sur ma maladie, j’ai impérativement limité mon exposition au plus gros allergène tel que le foin. Les symptômes ont fortement diminué et j’ai pu reprendre une vie à peu près normale. Je me concentre sur d’autres tâches, plutôt administratives maintenant et c’est mon fils qui aide à présent mon mari ».

Le sourire retrouvé, après de trop longues années d’incompréhension, Jeanne aspire maintenant à une retraite bien méritée.

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