L’oncologie de précision, vers un traitement sur mesure

Le traitement personnalisé du cancer, ou oncologie de précision, est une approche de plus en plus répandue et prometteuse pour les patients. Cette médecine sur mesure est en grande partie dépendante des avancées en matière de Big Data et d’intelligence artificielle. Entretien auprès du Professeur Olivier Michielin, MD-PhD – Chef du Centre d’Oncologie de Précision du CHUV.

Par Jacqueline Haverals

La grande révolution de ces dernières années en oncologie est véritablement l’immunothérapie dont le succès est tel qu’elle devient très souvent le premier traitement pour de nombreux cancers. Même si les recherches ont commencé dans les années septante, ce n’est que récemment que l’on a compris les différents mécanismes mobilisés lors d’une attaque immunitaire et que l’on est parvenu à bloquer les freins qui empêchent le système immunitaire de reconnaître et combattre les cellules cancéreuses. L’immunothérapie vise essentiellement à redynamiser nos globules blancs qui, en plus d’avoir une capacité de division et de régénération extraordinaires, ont un effet mémoire. Ils vont en quelque sorte permettre au patient de s’immuniser, sur le long terme, contre son cancer.

L’un des principaux avantages de l’immunothérapie est donc de protéger sur le long terme ?

Absolument, ses réponses sont souvent durables car contrairement à une chimiothérapie ou une thérapie ciblée, on n’administre pas seulement un médicament bloquant la croissance des cellules cancéreuses et qui disparaît après quelques jours, mais on reprogramme un système complexe qui continue à s’adapter à la maladie. De nombreux cancers sont traités avec succès par cette nouvelle approche qui devient de plus en plus souvent le traitement de choix. On obtient des résultats impressionnants dans certains cancers très difficiles à traiter par la chimiothérapie classique comme le mélanome. Toutefois, tous les cancers ne répondent pas aux immunothérapies et la recherche est nécessaire pour étendre l’application des immunothérapies.

« Le véritable défi est de déterminer quel médicament administrer à quel patient et à quel moment ? C’est à ce défi que l’oncologie de précision apporte une réponse. »

Qu’est-ce que l’oncologie de précision ?

Cette approche, relativement nouvelle, a pour but de déterminer pour chaque patient un traitement personnalisé, de l’administrer au bon moment et dans la bonne séquence en ciblant les altérations génomiques propres à sa tumeur et en tenant compte de l’état précis du système immunitaire.

Bien que nous ayons un arsenal thérapeutique très large, le véritable défi est de déterminer quel médicament administrer à quel patient et à quel moment ? C’est à ce défi que l’oncologie de précision apporte une réponse.

Ce traitement sur mesure fait-il intervenir différents services ?

Oui en effet. Il requiert une collaboration étroite et une expertise poussée de nombreux services tels que l’oncologie, la génétique, l’anatomo-pathologie et la bio-informatique.

Est-elle liée à l’immunothérapie ?

Oui l’immunothérapie fait partie d’une des composantes de l’oncologie de précision. Aujourd’hui, elle est de plus en plus administrée mais nous ne sommes pas encore suffisamment précis. En fonction des cancers, les réponses immunitaires ne sont pas toutes les mêmes et il nous reste encore beaucoup à comprendre pour adapter le traitement à chaque patient.

En plus d’être le médecin chef du Centre d’Oncologie de Précision du CHUV, vous travaillez sur plusieurs projets traitant de l’oncologie de précision. Quels sont-ils ?

Ils sont nombreux! Parmi ceux-ci, il y a les «tumor boards» moléculaires qui sont un endroit où les oncologues, biologistes, pathologistes et informaticiens se retrouvent pour faire des recommandations thérapeutiques innovantes et personnalisées sur base de données très larges allant du séquençage à l’imagerie. Il s’agit donc de coupler le Big Data et l’intelligence artificielle pour affiner les choix de traitements anti-cancéreux. Ce projet est déjà bien lancé et plus de 800 patients ont déjà été aiguillés par le tumor board moléculaire conjoint du CHUV et des HUG.

Vous vous êtes aussi engagé au sein du Swiss Personalized Health Network (SPHN). Quel est le but de ce réseau ?

SPHN est une initiative fédérale pour partager les données médicales à l’échelle nationale. Les ambitions de ce réseau sont multiples, à savoir promouvoir la médecine et la santé personnalisées en Suisse, garantir une harmonisation des systèmes d’informations et des types de données des institutions participantes et finalement permettre l’échange de données de santé indispensables à la recherche et qui sont collectées de manière automatique, centralisées et anonymisées. Lorsque l’on sait que la majeure partie des patients sont traités en dehors des centres hospitaliers universitaires, il est indispensable d’éviter une oncologie à deux vitesses où il y aurait d’une part les centres hospitaliers universitaires, et d’autre part les hôpitaux périphériques. Notre programme d’oncologie personnalisée inclut tous les hôpitaux universitaires, mais également toutes les structures non universitaires au travers du réseau suisse de recherche en oncologie, la SAKK.

Parviendra-t-on un jour à guérir tous les cancers ?

C’est une question difficile, tout dépend de l’horizon que l’on envisage. Si on parle de 20, 50 ou 100 ans, je pense que l’on arrivera à traiter de très nombreux cancers grâce à une immunothérapie plus pointue et l’oncologie de précision. Le but étant d’obtenir une proportion toujours plus grande de rémissions de longue durée. Malheureusement, il y aura toujours des cancers qui prendront plus de temps à combattre efficacement.

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