J’ai peur de manquer d’air

Nous connaissons tous une personne asthmatique. On se souvient alors du copain d’école dont les joues étaient régulièrement empourprées. Celui-là même assis, un livre à la main, attendant la fin du cours de sport. Concrètement, que savons-nous du quotidien d’un asthmatique ? Nous avons voulu approfondir cette question pour casser les idées reçues. Rencontre avec Pauline, 32 ans, qui a préféré témoigner à visage couvert.

Par Emmanuel Viaccoz

Quelques mois après ma naissance, j’ai commencé à toussoter, avec des légers sifflements dans la respiration. Il n’a pas fallu longtemps aux médecins pour diagnostiquer un asthme. Au début, le pédiatre pensait qu’il pouvait s’agir d’un problème allergique dû à la poussière ou aux acariens, mais dans les faits, il s’est avéré qu’il s’agissait d’un asthme persistant qui, de modéré est devenu sévère avec le temps. Grâce aux aérosols et aux médicaments, j’ai pu mener une vie infantile puis une scolarité relativement normale, avec cependant des restrictions et des interdictions au niveau de certaines activités physiques. Par ailleurs, je devais aussi éviter les environnements susceptibles d’irriter mes bronches. Lorsque j’avais des grosses crises, je devais être hospitalisée. Je recevais alors un bronchodilatateur sous forme d’injection accompagnée d’une oxygénothérapie et d’une corticothérapie.

Aviez-vous conscience que vous pouviez en mourir ?

Bien sûr, et c’est encore le cas aujourd’hui. J’ai toujours peur de manquer d’air. C’est très angoissant de sentir qu’on ne peut plus respirer et surtout, de savoir que sa vie dépend d’un aérosol. Il fut une époque où j’étais paniquée à l’idée de l’oublier ou de le perdre. Aujourd’hui encore, lorsque je pars en vacances par exemple, je fais en sorte de choisir une destination où je suis sûre de pouvoir être se- courue rapidement en cas de problème. Franchement, je ne me vois pas aller faire un trek en plein milieu du désert. Ma peur est toujours présente, en toile de fond. Quelque part, j’ai plus peur de ma peur que de la maladie (rires).

« Et si vous voulez tout savoir de ma vie intime, je peux m’adonner aux activités sexuelles à condition de ne pas démarrer comme une fusée. »

Vous allez bientôt avoir 32 ans. Comment votre maladie a-t-elle évolué avec le temps ?

Elle est restée assez stable pendant l’enfance, mais en début d’adolescence, les crises se sont accentuées et l’efficacité des médicaments que l’on me prescrivait s’atténuait. Les médecins ont dû envisager de nouveaux traitements et surtout, trouver le bon dosage. En fait, il s’agissait d’optimiser la synergie entre plusieurs médicaments. Aujourd’hui, les progrès de la recherche me permettent de mener une vie presque normale, avec bien sûr des aménagements pour éviter les facteurs aggravants.

Quel type de traitement prenez-vous ?

Il y a un traitement de fond avec des corticoïdes inhalés à visée anti-inflammatoire. Parfois un renforcement par le biais de traitements complémentaires ou additionnels comme les broncho-dilatateurs à longue durée d’action. Grâce à ces médicaments, mon asthme est enfin stabilisé et sous contrôle, peut-être même en légère régression ; aussi par le fait que j’arrive à le gérer avec une bonne hygiène de vie et un meilleur contrôle de mes émotions. La méditation me permet de rester zen et ainsi, de prévenir une crise éventuelle.

Comment aménagez-vous votre vie au quotidien? Vous empêchez-vous certaines activités ?

Certaines personnes asthmatiques vous diront que leur qualité de vie est terriblement altérée. Mais ça, c’est une histoire de perception. Pour ma part, j’ai la chance d’être bien suivie sur le plan médical et je sais exactement ce que je dois faire en cas de crise imminente. Je connais les limites que la maladie m’impose et je les accepte. En ce sens, mes journées se déroulent donc normalement, que ce soit à la maison ou au bureau. Je suis même en mesure de pratiquer une activité physique régulière comme la marche rapide ou la natation. L’important, c’est de démarrer très progressivement et rester dans une plage cardio adaptée. Ces activités physiques me font beaucoup de bien. Elles impactent positivement ma capacité respiratoire. Et si vous voulez tout savoir de ma vie intime, je peux m’adonner aux activités sexuelles à condition de ne pas démarrer comme une fusée (rires). Il faut y aller tranquillement.

Il ne nous a pas été facile de trouver une personne pour témoigner et vous-même le faites sous anonymat. Pourquoi ?

Tout simplement parce que lorsque vous ne correspondez pas aux stéréotypes de la bonne santé telle que la société l’entend, vous êtes immédiatement stigmatisé. Si je parle de mon asthme en entretien d’embauche par exemple, je suis immédiatement recalée. Lorsque je sors avec des personnes et que je leur dis que je suis asthmatique, elles renoncent à monter dans ma voiture de peur d’une crise au volant. Je préfère alors rester discrète sur ma maladie. Heureusement, mon asthme est contrôlé; je peux alors me fondre dans la masse grâce à une qualité de vie presque identique à Monsieur tout le monde.

Cet article vous a plu ?
Abonnez-vous à la version papier Salle d’attente pour avoir accès à toutes les informations sur le sujet: témoignages, tests, adresses utiles, infographies et autres.
Alors n’attendez-plus !
CHF39.00

Loading

Partagez sur

Facebook

Plus d’articles :

Retrouver son souffle grâce à la réhabilitation pulmonaire

Souffle court, essoufflement au moindre effort, isolement social : voilà les difficultés auxquelles doivent faire face de nombreuses personnes souffrant de maladies respiratoires chroniques. La réhabilitation pulmonaire offre une réponse adaptée et multidisciplinaire permettant non seulement d’améliorer le souffle mais aussi de diminuer le handicap et favoriser la resocialisation des patients. Pour mieux comprendre les spécificités de cette thérapie, nous avons rencontré le Professeur Jean-Paul Janssens, pneumologue et responsable du programme de réhabilitation pulmonaire ambulatoire à l’Hôpital de La Tour et Nicolas Beau, physiothérapeute et co-responsable du même programme.

Loading

Lire la suite »

Le secret des centenaires

Chers lecteurs et lectrices, je me considère comme une véritable ambassadrice d’une belle cause : celle de la recherche sur la longévité. Pourquoi ? Parce qu’elle nous offre des clés pour vivre en meilleure santé et plus longtemps. Mais parlons chiffres : quel est l’objectif des chercheurs ? Viser 120 ans, et ce, en pleine forme ! Certains vont même jusqu’à envisager 130 voire 150 ans. Des projections ambitieuses, peut-être trop. Pour ma génération et probablement les suivantes, ces chiffres relèvent encore de la science-fiction. Mais vivre 90 ans en bonne santé ou même atteindre les 100 ans semble de plus en plus à notre portée.

Loading

Lire la suite »

Nutrition : grands mythes ou réalité ?

Dès que l’on s’intéresse de plus près à la nutrition, on est confronté à une multitude d’informations et de mythes, au point que même les personnes soucieuses de leur santé peuvent se poser des questions. Ces croyances, anciennes ou nouvelles, sont-elles fondées ? Qu’est-ce qui est vrai ? Qu’est-ce qui n’est plus d’actualité ? En tant qu’expert, je souhaite éclaircir certaines des idées reçues les plus courantes en m’appuyant sur des connaissances scientifiques actuelles. Mes conseils pratiques vous aideront à appliquer ces découvertes au quotidien.

Loading

Lire la suite »

Les clés d’un diabète bien géré

Le diabète touche des millions de personnes à travers le monde, et sa prise en charge repose sur un équilibre subtil entre suivi médical, technologie et engagement du patient. À Lausanne, la Dre. Daniela Sofra, endocrinologue et diabétologue passionnée, met son expertise au service d’une approche collaborative. Dans cette interview, elle nous éclaire sur l’importance d’une coopération étroite avec les médecins généralistes et sur le rôle transformateur des capteurs de glucose en continu (CGM pour Continuous Glucose Monitoring) dans la vie des patients.

Loading

Lire la suite »