Innovation pour le traitement de l’emphysème

Photo by Tom Barrett on Unsplash

Souvent associé à la BPCO, l’emphysème n’est autre que la destruction pure et simple de nos poumons. Mais comment sauver un organe partiellement détruit ? Explications avec le Docteur Alban Lovis, pneumologue au Centre Hospitalier Universitaire Vaudois.

Par Thierry Amann

L’emphysème est la destruction du poumon qui se traduit par de la peine à souffler et une diminution de la fonction pulmonaire. Cette destruction du poumon s’accompagne très souvent d’une BPCO qui est un rétrécissement des voies respiratoires menant aux poumons. Les causes de l’emphysème sont similaires à celles de la BPCO : le tabac reste l’ennemi numéro un, puis la pollution atmosphérique, des produits et agents irritants, associé à une sensibilité individuelle de cet organe qui s’altère chez certains alors qu’il résiste bien chez d’autres individus.

Quels sont les symptômes ?

Le souffle court, la peine à souffler est le symptôme cardinal de tous les patients atteints d’emphysème. Une difficulté respiratoire qui devient gênante généralement lorsqu’ils ont perdu la moitié de leur fonction pulmonaire. La plupart se disent que c’est la faute du tabac et font avec en s’adaptant et en trouvant des subterfuges: au lieu de prendre l’escalier ils prennent l’ascenseur, ils marchent moins et garent la voiture juste devant chez eux, paient quelqu’un pour faire les courses, etc… jusqu’à un moment où cette maladie évolutive va devenir trop présente et trop handicapante, et entraver les activités de base : s’habiller, prendre sa douche ou encore faire le ménage devient particulièrement difficile et va les rendre dépendant d’une aide extérieure. Leurs fonctions pulmonaires ne sont plus qu’à environ 20 ou 30 %. Ces patients entrent alors dans le stade du handicap respiratoire. C’est souvent à partir de ce moment qu’ils viennent nous consulter.

Peut-on traiter ce poumon détruit ou du moins compenser ces symptômes ?

Le premier traitement c’est l’arrêt du tabac! C’est essentiel, sinon la détérioration continue et n’importe quel traitement sera parfaitement inutile. Il faut ensuite une réhabilitation respiratoire ou une physiothérapie spécifique pour refaire des exercices physiques, car la spirale du déconditionnement a limité ces patients à bouger de moins en moins, il faut donc relancer tout le système avec de l’exercice physique, refaire de la masse musculaire, retrouver l’appétit et mieux manger.

« Hélas, régulièrement, ces patients sont très maigres comme consumés de l’intérieur car ils dépensent énormément d’énergie pour respirer. »

Hélas, régulièrement, ces patients sont très maigres comme consumés de l’intérieur car ils dépensent énormément d’énergie pour respirer. Des broncho-dilatateurs comme pour l’asthme vont favoriser l’ouverture des bronches et des traitements anti-inflammatoires permettent de lutter contre une inflammation du poumon. Cela va limiter l’avancée de la maladie et les exacerbations, c’est-à-dire les périodes de crises où les symptômes sont très aigus. Ces piliers sont la base du traitement, mais la majeure partie du temps le patient reste avec le souffle court. On peut compenser cette perte de fonction pulmonaire partiellement par l’amélioration de l’activité musculaire, de la fonction cardiaque, mais le poumon reste quant à lui irréversiblement détruit.

Existe-t-il en dernier recours des interventions chirurgicales ?

Oui, il y en a même plusieurs. Si les symptômes persistent, les patients nous sont envoyés et on va évaluer si on peut envisager une transplantation pulmonaire, c’est-à-dire remplacer le poumon détruit. Mais cette opération, assez radicale, ne peut fonctionner que si le reste du corps peut le supporter. Il faut donc que le patient ait moins de 65 ans et qu’il ne présente pas d’autres maladies trop sévères. Il existe également des solutions moins invasives qui vont avoir pour objectif d’enlever la zone la plus détruite afin de réduire le volume d’un poumon « dilaté » et permettre ainsi au poumon restant de mieux fonctionner. C’est la technique de « réduction de volume pulmonaire ». Cela peut permettre d’attendre jusqu’à la transplantation : on va améliorer l’état musculaire et respiratoire du patient jusqu’à ce qu’il soit à même de supporter cette grosse opération. Si la transplantation pulmonaire est impossible cette technique va se faire comme alternative à la transplantation. Cela peut paraître paradoxal que ce poumon malade soit réduit, mais c’est utile pour que le reste de l’organe viable s’améliore. Dans ce contexte on doit faire tout un bilan très poussé comprenant plusieurs examens pour voir si le patient est éligible à ces types d’interventions et identifier avec précision la zone la plus détruite, celle qui empêche le bon fonctionnement du poumon. Parmi tous les patients qui nous sont envoyés seule une minorité de patients sera éligible pour cette opération : de l’ordre de 2 à 3 sur 10.

D’autres techniques, moins radicales sont-elles aussi envisageables ?

Oui, l’une des techniques les mieux étudiées : la pose de valves unidirectionnelles à l’intérieur des bronches afin que l’air sorte des bronches dans lesquelles est insérée la valve et qu’il ne rentre plus, ce qui va permettre au poumon derrière les valves de se collaber, de perdre du volume. La deuxième option est la pose de ressorts, spirales ou coils (en anglais). On va glisser ces ressorts à l’intérieur du poumon, on va les déployer, ils vont entourer le poumon et le comprimer pour au final le rétracter. Ce sont aujourd’hui les deux techniques de réduction de volume pulmonaire non chirurgicales les plus connues et les mieux étudiées. D’autres sont en cours d’étude : la vapeur et les colles. On envoie de la vapeur d’eau à 80 degrés ou de la colle dans la zone la plus détruite ce qui va provoquer une réaction inflammatoire puis une cicatrisation de cette partie du poumon, qui en cicatrisant va se rétracter et perdre du volume.

Quels avantages pour les patients ?

La réduction du volume du poumon va permettre à la personne de retrouver une amplitude respiratoire plus importante. Le patient va pouvoir respirer plus profondément ce qui va automatiquement réduire cette peine à souffler. Les bénéfices respiratoires sont de l’ordre de 20 à 30 % de récupération de la fonction pulmonaire. Ces techniques endoscopiques sont moins invasives, il n’y a pas d’incision, pas d’ouverture de la cage thoracique, tout se fait par les voies naturelles, trachée, bronches, l’intervention est plus courte de même que la durée d’hospitalisation : 2-3 jours maximum. La technique de la pose de valves a l’avantage d’être réversible, si le patient ne ressent pas de bénéfice ou présente des effets indésirables, qu’il tousse davantage par exemple, on peut lui retirer ces valves et revenir en arrière ce qui est impossible avec les autres techniques.

Comment choisir parmi ces techniques ?

C’est avant tout le type d’emphysème visible sur le scanner thoracique et la sévérité de la maladie qui va orienter vers le choix de la technique: plus le patient est sévèrement atteint moins il peut supporter une technique chirurgicale et plus on s’oriente vers les techniques minimales invasives. Les caractéristiques de l’emphysème orientent le traitement. Afin de choisir la meilleure option, la meilleure chaussure à son pied, on organise une évaluation avec les divers spécialistes impliqués dans le traitement de ces patients afin d’avoir une approche et de prendre une décision collégiale.

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