La dénervation rénale pour traiter l’hypertension

Bien qu’elle concerne un tiers de la population adulte et qu’elle représente un facteur de risque prépondérant pour le développement des maladies cardiovasculaires, l’hypertension reste trop souvent traitée de manière suboptimale. La dénervation rénale peut apporter une solution efficace et sûre pour certains patients hypertendus. Entretien auprès du Dr. Juan F. Iglesias, Médecin Adjoint agrégé de l’Unité de Cardiologie interventionnelle du Service de Cardiologie aux HUG.

Par Adeline Beijns

Qu’est-ce que l’hypertension ?

La tension artérielle correspond à la pression exercée par le sang sur la paroi des vaisseaux lorsqu’il y circule. Mesurée en millimètres de mercure (mmHg), elle s’exprime par deux chiffres : la pression maximale exercée par le sang sur la paroi des vaisseaux, au moment où le sang est éjecté du ventricule gauche lors de sa contraction (c’est la tension systolique) et la pression minimale, lorsque le ventricule gauche est au repos, complètement relâché (on parle alors de tension diastolique).

Selon les dernières recommandations de la Société européenne de cardiologie et d’hypertension, une personne est considérée comme « hypertendue » lorsque la tension artérielle mesurée au cabinet du médecin est ≥ 140 mmHg pour la tension systolique et/ou ≥ 90 mmHg pour la tension artérielle diastolique. On estime aujourd’hui qu’un tiers de la population mondiale adulte souffre d’hypertension artérielle et le nombre de patients hypertendus augmente dans tout le monde.

Quelles en sont les causes et quel est son impact sur la qualité de vie des patients ?

L’hypertension dite primaire, ou essentielle, représente environ 90 % des cas. Elle est causée par une multitude de facteurs dont les effets s’accumulent avec les années, tels que l’âge, l’hérédité et les habitudes de vie, comme l’obésité, la sédentarité, le tabagisme, l’abus d’alcool, le stress et une forte consommation de sel.

L’hypertension dite secondaire représente environ 10 % des cas et résulte principalement d’un autre problème de santé, comme un problème rénal, métabolique ou endocrinien, ou de la prise de certains médicaments. L’impact de l’hypertension artérielle sur la qualité de vie des patients est énorme puisqu’elle peut entraîner des dommages graves et potentiellement mortels.

Sa gestion peut être difficile pour les patients, quelles difficultés peuvent-ils rencontrer ?

La première difficulté réside dans le fait que seulement un tiers des patients hypertendus sont correctement traités et ont une pression artérielle contrôlée. A l’opposé, un tiers des patients hypertendus ne sont pas traités et un autre tiers des hypertendus sont traités mais leur hypertension est mal contrôlée.

Un autre problème majeur est l’adhérence des patients hypertendus à leur traitement médicamenteux. On estime actuellement que jusqu’à 60% des patients hypertendus ne prennent pas ou incomplètement le traitement qui leur est prescrit pour leur hypertension.

Quelles pourraient être les conséquences d’une hypertension mal prise en charge ?

De manière insidieuse et après plusieurs années, souvent sans occasionner de symptômes, l’hypertension non ou mal traitée peut conduire à des complications cardiovasculaires graves telles qu’un infarctus du myocarde, une insuffisance cardiaque, des troubles du rythme cardiaque, un accident vasculaire cérébral ou une insuffisance rénale terminale, qui peuvent mener à la mort.

On estime actuellement que l’hypertension artérielle est responsable de près de 20% des décès dans le monde. Une baisse de seulement 10 mmHg de la pression artérielle systolique permettrait de réduire de 20% le risque de complications cardiovasculaires majeures et de 13% le risque de décès d’origine cardiovasculaire.

Si la gestion de l’hypertension est compliquée, existe-t-il des options alternatives pour les patients?

Oui absolument, en complément des mesures hygiéno-diététiques, comme la perte de poids, l’activité physique et la réduction de la consommation de sel, et du traitement médicamenteux traditionnels, la dénervation rénale constitue aujourd’hui une alternative de traitement sûre et efficace pour certains patients souffrant d’une hypertension artérielle.

De quoi s’agit-il ?

La dénervation rénale est une intervention qui consiste à interrompre sélectivement l’activité électrique des nerfs du système nerveux sympathique qui connectent le système nerveux central et le rein par l’application locale contre la paroi des artères rénales soit d’un courant électrique de faible intensité par ondes de radiofréquence soit d’ultrasons. Cette action sur les fibres du système nerveux sympathique a pour conséquence de diminuer la pression artérielle.

Lorsque des ultrasons sont administrés, ils sont délivrés par un ballonnet dans lequel circule un liquide refroidissant qui protège la paroi des artères et permet ainsi de délivrer des quantités plus importantes d’énergie dans le tissu autour de l’artère où se trouvent les fibres nerveuses. Il s’agit d’une procédure minimalement invasive qui est réalisée en ambulatoire sous anesthésie locale ou une légère sédation par l’intermédiaire d’une ponction de l’artère du pli de l’aine. Les données actuelles avec plusieurs années de recul montrent que les risques de complications sont extrêmement faibles et se limitent à ceux classiquement associés à toute intervention endovasculaire.

Cette approche invasive de traitement de l’hypertension n’a pas vocation actuellement à remplacer totalement les médicaments anti-hypertenseurs, mais constitue aujourd’hui une alternative réelle et efficace de traitement pour certains patients hypertendus en échec de traitement.

Cet article vous a plu ?
Abonnez-vous à la version papier Salle d’attente pour avoir accès à toutes les informations sur le sujet: témoignages, tests, adresses utiles, infographies et autres.
Alors n’attendez-plus !
CHF39.00

Partagez sur

Facebook

Plus d’articles :

Retrouver son souffle grâce à la réhabilitation pulmonaire

Souffle court, essoufflement au moindre effort, isolement social : voilà les difficultés auxquelles doivent faire face de nombreuses personnes souffrant de maladies respiratoires chroniques. La réhabilitation pulmonaire offre une réponse adaptée et multidisciplinaire permettant non seulement d’améliorer le souffle mais aussi de diminuer le handicap et favoriser la resocialisation des patients. Pour mieux comprendre les spécificités de cette thérapie, nous avons rencontré le Professeur Jean-Paul Janssens, pneumologue et responsable du programme de réhabilitation pulmonaire ambulatoire à l’Hôpital de La Tour et Nicolas Beau, physiothérapeute et co-responsable du même programme.

Loading

Lire la suite »

Le secret des centenaires

Chers lecteurs et lectrices, je me considère comme une véritable ambassadrice d’une belle cause : celle de la recherche sur la longévité. Pourquoi ? Parce qu’elle nous offre des clés pour vivre en meilleure santé et plus longtemps. Mais parlons chiffres : quel est l’objectif des chercheurs ? Viser 120 ans, et ce, en pleine forme ! Certains vont même jusqu’à envisager 130 voire 150 ans. Des projections ambitieuses, peut-être trop. Pour ma génération et probablement les suivantes, ces chiffres relèvent encore de la science-fiction. Mais vivre 90 ans en bonne santé ou même atteindre les 100 ans semble de plus en plus à notre portée.

Loading

Lire la suite »

Nutrition : grands mythes ou réalité ?

Dès que l’on s’intéresse de plus près à la nutrition, on est confronté à une multitude d’informations et de mythes, au point que même les personnes soucieuses de leur santé peuvent se poser des questions. Ces croyances, anciennes ou nouvelles, sont-elles fondées ? Qu’est-ce qui est vrai ? Qu’est-ce qui n’est plus d’actualité ? En tant qu’expert, je souhaite éclaircir certaines des idées reçues les plus courantes en m’appuyant sur des connaissances scientifiques actuelles. Mes conseils pratiques vous aideront à appliquer ces découvertes au quotidien.

Loading

Lire la suite »

Les clés d’un diabète bien géré

Le diabète touche des millions de personnes à travers le monde, et sa prise en charge repose sur un équilibre subtil entre suivi médical, technologie et engagement du patient. À Lausanne, la Dre. Daniela Sofra, endocrinologue et diabétologue passionnée, met son expertise au service d’une approche collaborative. Dans cette interview, elle nous éclaire sur l’importance d’une coopération étroite avec les médecins généralistes et sur le rôle transformateur des capteurs de glucose en continu (CGM pour Continuous Glucose Monitoring) dans la vie des patients.

Loading

Lire la suite »