
Dès l’annonce du diagnostic, pendant les traitements, en période de rémission ou de rechute, elle accompagne les patientes et les soutient dans un quotidien bouleversé par la maladie. Aussi essentielle que les soins, les médicaments ou les interventions chirurgicales, l’infirmière référente est l’un des maillons indispensables de la prise en charge. Portrait de cette nouvelle fonction qui s’est développée ces dix dernières années pour devenir essentielle dans ce long combat contre la maladie avec Delphine Bachmann.
Par Thierry Amann
L’infirmière référente est spécialisée en oncologie et plus particulièrement dans le domaine du cancer du sein. Présente dès l’annonce du diagnostic, tout au long du parcours de soins et après, comme relais pour les médecins mais aussi comme maillon essentiel de la chaîne pluridisciplinaire qui accompagne une patiente. L’infirmière référente intervient aussi comme soutien psychologique, pour des aspects plus pratiques du combat contre la maladie. Elle est aux côtés de la patiente pendant tout le processus de soin, en complément des médecins.
«Un point de repère, une balise, du début à la fin»
Lorsque la patiente reçoit le diagnostic d’un cancer du sein, c’est un choc, une grande claque dans la figure. Certaines femmes palpent une lésion, mais pour d’autres la découverte de la maladie se fait sur une mammographie de contrôle souvent anodine. Le médecin va expliquer l’essentiel et donne beaucoup d’informations lors du premier rendez-vous. Je propose toujours un entretien après l’annonce, pour aider la patiente à assimiler ce qu’elle a entendu, répondre aux questions qui viennent et l’aider à mettre des mots sur ce qu’elle vit, en lui donnant un espace de parole et de débriefing. Ensuite, je vais l’accompagner tout au long du processus. C’est une relation de confiance avec l’équipe médicale car nous collaborons étroitement. Etre infirmière référente, c’est aussi être une infirmière sur mesure, qui sait s’adapter. Il y a autant de cancers que de manières de l’aborder et de vivre les traitements. Nous proposons donc un suivi très personnalisé qui peut aller de soutenir une patiente déprimée, rassurer celle qui panique car sa chirurgie approche, ou aider celle qui est touchée par les effets secondaires du traitement qui ont des conséquences sur sa qualité de vie. Il y a aussi des demandes plus sociales, comme savoir qui prend en charge les perruques, ou à qui s’adresser pour un soutien pour leurs enfants. Nous devons apaiser leurs craintes et répondre à bon nombre de leurs questions, ce qui nécessite d’avoir des connaissances approfondies et de les mettre à jour régulièrement. Nous sommes comme une balise, un point de repère que les patientes pourront consulter à n’importe quelle étape de leur traitement. Il s’agit aussi de pouvoir référer la patiente au bon médecin si nécessaire. Nous travaillons avec un large réseau de partenaires (physiothérapeutes, psycho oncologues, associations, thérapeutes en médecine alternative…) afin de proposer une offre de soins la plus exhaustive possible.
« Il y a autant de cancers que de manières de l’aborder et de vivre les traitements. »
«Ecouter les mots pour apaiser les maux»
Je me souviens de cette maman de 3 enfants d’une quarantaine d’années. On lui découvre un cancer du sein alors qu’elle n’avait aucun facteur de risque. On lui annonce qu’elle va devoir passer par la chimiothérapie, la chirurgie, la radiothérapie et l’hormonothérapie, un programme particulièrement chargé. Je l’ai reçue après le diagnostic pour lui parler du plan de traitement, nous avons longuement discuté de la chimiothérapie, de la gestion des effets secondaires, ou encore des ressources pour y faire face. J’ai pu l’orienter sur le rythme des chimiothérapies, quelles périodes seraient plus difficiles pour qu’elle puisse les anticiper, et quand elle se sentirait mieux pour qu’elle puisse en profiter pour sortir ou passer du temps avec ses enfants. Nous nous sommes téléphonées régulièrement pendant sa chimiothérapie et avons eu plusieurs entretiens lors des différentes étapes du traitement. Elle avait parfois simplement besoin de mettre des mots sur ce qu’elle ressentait, et il est vrai que les services de soins ne sont pas toujours disponibles pour ce temps d’écoute essentiel.
«Quand le cancer est là, nous aidons à faire face»
On fait face, comme infirmière référente, à toute une palette de réactions et d’émotions. Certaines patientes n’ont aucune question, d’autres vont s’asseoir et se mettre à pleurer. D’autres encore, vont être en colère avec le diagnostic car le cancer peut arriver à n’importe qui, n’importe quand, souvent, il y a un sentiment d’injustice. La maladie est difficile à vivre car les patientes ont peu de contrôle sur ce qui leur arrive et surtout n’ont pas le choix de devoir subir des traitements avec d’importants effets secondaires. On fait tout ce que l’on peut pour désamorcer, pour redonner du courage et être à leur côté durant ce combat. Je me souviens de cette patiente de 50 ans qui a compris avec le diagnostic qu’elle était mortelle dans une société qui a oublié la mortalité et que son temps était potentiellement compté. Du jour au lendemain, cette femme a eu un électrochoc, elle a remis son couple en question et s’est mise à revoir ses priorités. Comme si le cancer lui avait fait comprendre qu’elle n’avait pas forcément toute la vie devant elle. Parfois, des patientes viennent avec leurs enfants ou leur mari et on est amené à s’occuper du conjoint ou de la famille proche pour les aider à surmonter cet éventail d’émotions et d’épreuves qu’ils vont traverser.
«Lorsqu’elles reprennent goût à la vie, notre travail prend tout son sens»
On voit beaucoup de femmes s’en sortir, se battre, remporter le combat sur une maladie qui va les faire passer par des étapes très difficiles. Cette maladie a un impact très fort sur la féminité: la chirurgie sur un ou les deux seins qu’il faut parfois enlever et reconstruire, la perte de cheveux, des cils ou des sourcils, qui est souvent très difficile à accepter car c’est l’étape «de trop». Nous les aidons à conserver une bonne qualité de vie malgré tout. On se sent utile, on forme une équipe soudée et on avance ensemble avec un but commun. Je me souviens aussi d’une patiente qui m’avait beaucoup touchée dans son combat, elle venait d’accoucher et a découvert son cancer du sein en palpant une boule alors qu’elle diminuait l’allaitement de son enfant. Une situation particulièrement dure à vivre. Je l’ai suivie tout au long de sa maladie. Quelques mois après, elle m’avait envoyé quelques photos de ses vacances. Elle était souriante, entourée par ses proches, elle reprenait goût à la vie… C’est dans ce genre de moments que ma fonction et mon travail prennent tout leur sens.
