Fatigue oculaire ou sécheresse ? Comment faire la différence

Récupéré sur : giphy.com

Les yeux secs, irrités, ou la sensation de brûlure sont des symptômes qui affectent un grand nombre de personnes sans qu’elles comprennent forcément l’origine du problème. Ce trouble, bien que commun, peut considérablement nuire à la qualité de vie des personnes touchées. Aujourd’hui, nous avons le plaisir d’interviewer la Docteure Aleksandra Petrovic, Spécialiste FMH en Ophtalmologie, pour en savoir plus sur la sécheresse oculaire et sur les solutions disponibles.  

Par Adeline Beijns

Pouvez-vous vous présenter ainsi que votre spécialité ?

Je m’appelle Aleksandra Petrovic, et j’ai une spécialité en ophtalmologie et en ophtalmo-chirurgie. J’ai un intérêt particulier pour les pathologies de la cornée et de la surface oculaire, dont la sécheresse oculaire fait partie.

Qu’est-ce que la sécheresse oculaire ?

La sécheresse oculaire, aussi appelée syndrome de l’œil sec, est une affection qui survient lorsque nous ne produisons pas assez de larmes ou lorsque la qualité de celles-ci est altérée et qu’elles s’évaporent trop rapidement. Le film lacrymal est essentiel pour lubrifier la surface de l’œil, la protéger et assurer une qualité de vision optimale. Lorsque le film lacrymal est perturbé, cela peut entraîner des symptômes inconfortables, voire douloureux, ainsi qu’une altération de la qualité de la vision.

Quelles en sont les causes et les symptômes ?

Les symptômes incluent une sensation de brûlure, de sable, des démangeaisons, une fatigue oculaire, une vision fluctuante, qui se modifie lors du clignement palpébral, et même une sensibilité accrue à la lumière. Certains patients ressentent également une gêne similaire à la présence d’un corps étranger dans l’œil. Les causes de la sécheresse oculaire sont multiples. Un dysfonctionnement des glandes de Meibomius, responsables de la production de la composante lipidique du film lacrymal, fait partie des causes les plus fréquentes de sécheresse oculaire.

Le vieillissement, la rosacée ou le port de lentilles de contact, sont des causes majeures de dysfonctionnement meibomien. Certaines maladies auto-immunes, comme le syndrome de Gougerot-Sjögren ou la polyarthrite rhumaotïde, sont des causes plus rares mais plus sévères de sécheresse oculaire. Le diabète, ainsi que l’usage de certains médicaments comme certains antidépresseurs, certains antihistaminiques et certains neuroleptiques, peuvent également induire une sécheresse oculaire.

Quel est le profil des personnes touchées ?

La sécheresse oculaire peut toucher des personnes de tout âge, mais elle est plus fréquente chez les personnes de plus de 50 ans. Les femmes sont largement surexposées dans cette pathologie, notamment en raison des changements hormonaux liés à la ménopause, ainsi que la prévalence chez elles, de certains maladies auto-immunes.

Récupéré sur : giphy.com

Existe-t-il des moyens de prévention ?

La sécheresse oculaire est le plus souvent secondaire à un déséquilibre d’une multitude de facteurs (par exemple des changements hormonaux, certaines prises médicamenteuses, le tabac ou encore le stress), dont les symptômes sont précipités par une agression (par exemple liés à une conjonctivite, une chirurgie oculaire…). Demander comment prévenir une sécheresse oculaire est donc équivalent à demander comment prévenir une baisse de la vision. Indépendament des traitements spécifiques, certains aménagements de nos modes de vie peuvent soulager les symptômes.

Lorsque vous travaillez sur un écran, il est important de faire des pauses régulières et de diminuer la hauteur de l’écran, pour qu’il soit plus bas que la hauteur de votre regard. Surveiller l’humidification de l’air ambiant est une autre mesure efficace, de même qu’assurer une hydratation suffisante. En termes de nutrition, une alimentation riche en oméga-3 et en fibres, ainsi qu’avoir un dosage en vitamine D suffisant peut diminuer l’inflammation systémique et améliorer la qualité des larmes ; de même que rajouter du curcuma à son alimentation.

Quelles sont les solutions disponibles pour les patients ?

La prise en charge de la sécheresse oculaire dépend avant tout d’un diagnostic précis. Il est important de déterminer la cause sous-jacente, car un dysfonctionnement des glandes de Meibomius ne sera pas traité de la même manière qu’une diminution de la sécrétion des larmes dû à un syndrome de Gougerot-Sjögren. Notons d’abord l’introdution dans tous les cas, d’une substitution par des larmes artificielles. Pour les cas plus sévères, nous pouvons au besoin introduire des antibiotiques, des anti-inflammatoires locaux (stéroïdes ou immunomodulateurs) ou des collyres produits à partir du sang du patient (sérum autologue).

En outre, des bouchons lacrymaux peuvent être insérés pour bloquer partiellement l’évau cuation des larmes. La lumière pulsée intense (IPL) est une nouvelle approche prometteuse pour traiter certains patients souffrant de dysfonctionnement des glandes de Meibomius, en améliorant la qualité des larmes et en réduisant l’inflammation. Dans certains cas plus complexes, des lentilles de contact spéciales, appelées lentilles sclérales, peuvent être utiles pour les patients souffrant de sécheresse oculaire sévère. Ces lentilles créent un espace rempli de liquide entre la lentille et la cornée, ce qui aide à maintenir l’œil humide, à réduire l’irritation et à améliorer la vision. Certains patients ont également besoin de chirurgie (occlusion chirurgicale des méats, modification des paupières…).

Un dernier mot ?

La sécheresse oculaire est un problème rencontré très couramment en ophtalmologie générale. Il s’agit d’un spectre de maladies allant d’un inconfort mineur et occasionnel à une atteinte sévère de la surface oculaire ayant des répercussions dramatiques sur la vision et la qualité de vie des patients. Les personnes souffrant de sécheresse oculaire sévère ressentent souvent un inconfort constant qui peut affecter leur travail, leurs loisirs, et même leurs interactions sociales. Il est donc crucial de ne pas ignorer les symptômes, même légers, et de consulter un ophtalmologue pour un diagnostic précis, en cas de persistance des symptômes.

De plus, les avancées dans la compréhension des mécanismes de la sécheresse oculaire permettent aujourd’hui de proposer des solutions plus personnalisées et efficaces qu’auparavant. Que ce soit par des changements dans l’hygiène de vie, des traitements locaux ou systémiques, ou des technologies plus avancées, il existe des options pour soulager les patients.

Lacrycon Duo

Cet article vous a plu ?
Abonnez-vous à la version papier Salle d’attente pour avoir accès à toutes les informations sur le sujet: témoignages, tests, adresses utiles, infographies et autres.
Alors n’attendez-plus !
CHF39.00
Ou abonnez-vous directement pour 8 éditions !
CHF78.00

Loading

Partagez sur

Facebook

Plus d’articles :

Retrouver son souffle grâce à la réhabilitation pulmonaire

Souffle court, essoufflement au moindre effort, isolement social : voilà les difficultés auxquelles doivent faire face de nombreuses personnes souffrant de maladies respiratoires chroniques. La réhabilitation pulmonaire offre une réponse adaptée et multidisciplinaire permettant non seulement d’améliorer le souffle mais aussi de diminuer le handicap et favoriser la resocialisation des patients. Pour mieux comprendre les spécificités de cette thérapie, nous avons rencontré le Professeur Jean-Paul Janssens, pneumologue et responsable du programme de réhabilitation pulmonaire ambulatoire à l’Hôpital de La Tour et Nicolas Beau, physiothérapeute et co-responsable du même programme.

Loading

Lire la suite »

Le secret des centenaires

Chers lecteurs et lectrices, je me considère comme une véritable ambassadrice d’une belle cause : celle de la recherche sur la longévité. Pourquoi ? Parce qu’elle nous offre des clés pour vivre en meilleure santé et plus longtemps. Mais parlons chiffres : quel est l’objectif des chercheurs ? Viser 120 ans, et ce, en pleine forme ! Certains vont même jusqu’à envisager 130 voire 150 ans. Des projections ambitieuses, peut-être trop. Pour ma génération et probablement les suivantes, ces chiffres relèvent encore de la science-fiction. Mais vivre 90 ans en bonne santé ou même atteindre les 100 ans semble de plus en plus à notre portée.

Loading

Lire la suite »

Nutrition : grands mythes ou réalité ?

Dès que l’on s’intéresse de plus près à la nutrition, on est confronté à une multitude d’informations et de mythes, au point que même les personnes soucieuses de leur santé peuvent se poser des questions. Ces croyances, anciennes ou nouvelles, sont-elles fondées ? Qu’est-ce qui est vrai ? Qu’est-ce qui n’est plus d’actualité ? En tant qu’expert, je souhaite éclaircir certaines des idées reçues les plus courantes en m’appuyant sur des connaissances scientifiques actuelles. Mes conseils pratiques vous aideront à appliquer ces découvertes au quotidien.

Loading

Lire la suite »

Les clés d’un diabète bien géré

Le diabète touche des millions de personnes à travers le monde, et sa prise en charge repose sur un équilibre subtil entre suivi médical, technologie et engagement du patient. À Lausanne, la Dre. Daniela Sofra, endocrinologue et diabétologue passionnée, met son expertise au service d’une approche collaborative. Dans cette interview, elle nous éclaire sur l’importance d’une coopération étroite avec les médecins généralistes et sur le rôle transformateur des capteurs de glucose en continu (CGM pour Continuous Glucose Monitoring) dans la vie des patients.

Loading

Lire la suite »