Comment traiter les douleurs

Atteinte d’un diabète de type 1 depuis ses 8 ans, Francine (65 ans) souffre depuis 4 ans de douleurs neuropathiques. Au point de ne plus pouvoir dormir. Témoignage.

Par Adeline Beijns

Atteinte des nerfs

Le diabète, « c’est une crasse ». C’est en ces termes que Francine décrit la maladie dont elle souffre depuis 57 ans. Lorsqu’elle énumère la liste des affections dont elle souffre suite au diabète de type 1 qu’elle a depuis presque 60 ans, on la comprend aisément.

Hormis une atteinte à la macula, la zone centrale de la rétine, provoquée par des années rythmées par des hypo- et hyperglycémies, cette dame à la bonhomie et joie communicatives, ressent de fortes douleurs dans les jambes.

Ces douleurs portent un nom : il s’agit d’une neuropathie diabétique. Maladie apparaissant lorsque le système nerveux est déréglé ou physiquement endommagé en raison d’une hyperglycémie chronique, la neuropathie peut toucher un ou plusieurs nerfs, le plus souvent des jambes et des pieds. C’est l’une des plus fréquentes complications chroniques du diabète.

Trouver un soulagement

Les premiers signes ont été un sentiment d’engourdissement dans les jambes. « Au début, je pensais que je ne bougeais pas assez et que c’était pour cette raison que mes jambes semblaient endormies » confie Francine. Mais malgré la marche, ce sentiment d’engourdissement évolue en sensations de brûlures voire en chocs électriques douloureux, nuit et jour. « C’est surtout la nuit que les douleurs sont les plus fortes. Cela fait presque 4 ans que je n’ai plus eu une bonne nuit de sommeil ».

Epuisée et en souffrance, Francine s’est tournée vers son médecin. « Mais rien ne m’a aidée même pas un meilleur contrôle de ma glycémie » soupire notre amie qui a aussi essayé l’acupuncture et la méditation, sans succès.

L’avenir ? Francine a décidé de vivre au jour le jour et se concentre sur les nombreux aspects positifs de sa vie : sa famille et son grand cercle d’amis.

Une question demeure toujours sans réponse : comment calmer les douleurs qui lui ternissent son quotidien ?


AVIS D’EXPERT

Entretien auprès du PD Dr. med. Christophe Perruchoud, Médecin chef, Clinique de la douleur, Hôpital de la Tour à Meyrin

Qu’est ce que la douleur neuropathique diabétique ?

Il s’agit d’une des nombreuses complications possibles du diabète dont la prévalence est d’environ 6% en Suisse. Cette neuropathie est une atteinte des petites fibres nerveuses des extrémités des membres et touche principalement les jambes.

Cette atteinte peut se traduire par des douleurs à type de brûlures, décharges électriques, engourdissement, hypo ou hypersensibilité au toucher. Plus le diabète est présent depuis longtemps, plus le risque de développer une neuropathie est important. On estime qu’elle affecte respectivement 20% et 5% des cas de diabète de type 2 et de type 1.

Pourquoi la douleur neuropathique diabétique est-elle difficile à gérer ?

Une des premières difficultés réside dans le diagnostic puisqu’elle touche les petites fibres nerveuses qui ne peuvent pas être explorées par un électroneuromyogramme. Le diagnostic repose donc essentiellement sur l’anamnèse et l’examen clinique.

De plus, les douleurs neuropathiques sont généralement réfractaires aux traitements classiques tels que le paracétamol, les anti-inflammatoires ou les opiacés. Les autres classes de médicaments plus spécifiques comme les antiépileptiques ou certains antidépresseurs, présentent une efficacité modérée en raison des nombreux effets secondaires (somnolence, fatigue, troubles digestifs…), raisons pour lesquelles les patients finissent par les arrêter.

Quel impact négatif sur la qualité de vie des patients ?

Son impact sur la qualité de vie peut être énorme car elle est non seulement difficile à décrire et donc à comprendre par l’entourage mais elle apparaît aussi surtout lorsque le patient est au repos et durant la nuit. Le sommeil n’est donc pas du tout récupérateur et quand on passe de mauvaises nuits, on passe inévitablement aussi de mauvaises journées.

Dans le cas de Francine, qu’est ce qui pourrait l’aider ?

La neuromodulation, et en particulier la stimulation médullaire, est un traitement symptomatique qui peut réduire significativement les douleurs neuropathiques. Il s’agit de la stimulation électrique de la moelle épinière et en particulier des structures nerveuses impliquées dans la transmission des messages douloureux.

Elle se réalise en deux étapes. La première consiste à implanter les électrodes au niveau du canal rachidien et à les connecter à une batterie externe, en dehors du corps. Cette première étape dite « de test » permet d’évaluer l’efficacité du système pendant environ 2 à 3 semaines sans implantation du stimulateur définitif et dans l’environnement habituel du patient. Si, à l’issue du test, la réduction des douleurs est jugée significative, nous passons à la deuxième phase du traitement au cours de laquelle les électrodes sont connectées à une petite batterie, implantée cette fois sous la peau au niveau de la paroi abdominale. Une fois le système entièrement implanté, les patients peuvent reprendre une vie quasi normale, sans contrainte particulière. Cette technique est réversible et dépourvue d’effet secondaire majeur puisqu’aucun médicament n’est administré.

Cette solution aide-t-elle les patients ?

Les dernières études, et en particulier celle du Dr. Petersen publiée au printemps 2021, ont montré que la stimulation médullaire à haute fréquence, permet une réduction des douleurs de plus de 50% chez 85% des patients alors qu’elle n’était atteinte que chez 5% des patients ayant reçu un traitement médicamenteux conventionnel. La qualité de vie, le sommeil et les restrictions fonctionnelles étaient significativement améliorés chez les patients traités par stimulation médullaire alors qu’aucun changement n’était observé dans le groupe recevant uniquement le traitement médical. De plus la satisfaction des patients était nettement plus grande chez les patients traités par neurostimulation.

La qualité de vie étant directement proportionnelle à l’amélioration des douleurs, l’impact est considérable et les patients peuvent reprendre une vie sociale, une activité sportive et ont un meilleur sommeil.

Les douleurs neuropathiques sont particulièrement rebelles aux traitements et les médicaments à disposition sont souvent insuffisants. La stimulation médullaire est pratiquée depuis plus de 50 ans et son niveau de technologie et de maîtrise est tel qu’aujourd’hui, elle devrait être proposée beaucoup plus tôt dans l’algorithme de prise en charge des neuropathies diabétiques douloureuses.

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