Le poids de l’âge nous brise le cœur

Lorsque le corps prend de l’âge : le cœur trinque. A 50 ans, un homme sur 10 a l’organe qui vieillit trop vite. Chez les femmes de plus de 50 ans, les maladies cardiovasculaires tuent environ huit fois plus que le cancer du sein. Ces pathologies que l’on nomme : AVC, infarctus ou encore hypertension sont les premières causes de mortalité dans le monde. Tabac, mauvaise alimentation, métabolismes qui supportent moins bien le poids des années… Qui sont ces coupables qui nous brisent le cœur ? Et si le dépistage était la clé ? Eclairage avec le Professeur Olivier Muller, chef du service de cardiologie au Centre Hospitalier Universitaire Vaudois (CHUV).

Par Ana Popov

L’augmentation des risques cardiaques est un phénomène directement lié au vieillissement. Plus on vieillit et plus on a de risques de développer des maladies coronariennes. Le tabac joue aussi un rôle très important dans l’apparition de ces maladies puisqu’on parle d’une somme de cigarettes consommées. Plus cette somme est grande et s’additionne au fil du temps et plus on a de risques de développer ces maladies. Ainsi plus un fumeur avance dans l’âge plus c’est dangereux. Si on fume un paquet par an sur une année, c’est moins risqué que de fumer un paquet par an pendant vingt ans. Mais il vaut mieux bien sûr ne pas fumer du tout! L’autre problème est la sédentarité, plus on avance dans l’âge et moins on bouge. Or le manque d’activités physiques joue aussi un rôle très important sur l’apparition de ces pathologies cardiaques.

Quels sont les facteurs de risque et les maladies les plus courantes ?

Les facteurs de risque les plus importants sont d’une part non modifiables comme l’âge, la génétique et le genre (masculin). Il y a aussi des facteurs de risque modifiables ou en partie en tout cas comme le diabète. Je dirais même que c’est aujourd’hui le prédateur le plus redoutable pour notre cœur car le nombre de cas dans la population est en constante augmentation. Vient ensuite le cholestérol. C’est une molécule dont nous avons besoin dans notre corps, mais dont le métabolisme au fil de l’âge a tendance à se dérégler et à trop augmenter par rapport à nos besoins. Le cholestérol se dépose ensuite dans les artères, ce qui peut à terme les boucher. Pour résumer, le vieillissement fait qu’on gère moins bien un certain nombre de processus naturels. C’est aussi le cas pour l’hypertension artérielle qui est plus fréquente à 50 ans qu’à 30 ans. Ainsi nous observons beaucoup de cas d’hypertension artérielle qui est une maladie très courante passé 50 ans. Elle se traduit par une pression sanguine trop importante, ce qui peut engendrer des maladies cardiovasculaires graves qui vont toucher le cœur et le cerveau comme : les AVC, les infarctus, les accidents vasculaires périphériques comme des artères bouchées aux jambes par exemple.

« La sédentarité a un lien direct avec les maladies cardiaques, c’est scientifiquement prouvé. »

Est-il vrai que posséder un animal de compagnie, et plus particulièrement un chien, peut réduire les risques cardiaques d’environ 40 % ?

C’est tout à fait vrai, car l’un des grands remèdes contre les maladies coronariennes est de bouger! Si l’on est contraint de sortir au moins deux fois par jour son animal, automatiquement cela a des bénéfices sur le cœur. Nous demandons à tous nos patients de bouger plus et de privilégier la marche tant qu’ils le peuvent. Si un patient a fait un infarctus, il faut à tout prix lutter contre une éventuelle récidive. Ainsi nous lui prescrivons comme tout premier médicament, une marche d’environ 45 minutes, 5 fois par semaine. C’est un des remèdes les plus efficaces! Au même titre que des anti-cholestérol! La sédentarité a un lien direct avec les maladies cardiaques, c’est scientifiquement prouvé.

Comment expliquer que ces maladies cardiaques soient en augmentation ? Est-ce un problème intimement lié à notre époque, à notre style de vie ?

Il y a effectivement des liens avec une forme de sédentarité propre à notre époque et au vieillissement qui contraint souvent les gens à rester chez eux et à diminuer leurs efforts physiques. Mais il faut savoir que ces maladies ne sont pas nouvelles. Lorsque des scientifiques ont passé des momies égyptiennes au scanner, ils se sont rendu compte qu’elles aussi avaient parfois leurs artères atteintes. Ils ont observé des formations de calcifications dans leurs coronaires et ce des milliers d’années avant notre ère ! Pour en revenir à notre époque, je dirais que ces maladies augmentent aussi car l’espérance de vie a beaucoup progressé. Il y a 200 ou 300 ans, on mourait à 50 ans; aujourd’hui on décède plus autour de 85-90 ans en moyenne et à cet âge avancé, notre corps, nos processus métaboliques, gèrent moins bien.

On imagine que la nutrition joue aussi un rôle essentiel ?

De récentes études sont en train d’identifier la liste des choses qui font le plus de mal à notre corps. Au chapitre de la nutrition, l’ennemi numéro un est le sucre, avant la graisse ou le gras. Manger trop de sucre va provoquer des obésités, des diabètes qui ont un lien direct avec l’apparition de maladies cardiaques. Des régimes sont aussi très souvent prescrits aux personnes qui ont déjà contracté des incidents cardiaques comme des infarctus. On va leur recommander de manger du poisson, des viandes maigres, des légumes, des huiles végétales et de proscrire les graisses saturées tout en diminuant le sel et bien sûr le sucre.

Comment expliquer que près de 45 % des plus de 50 ans ne se sentent pas concernés ?

D’une manière générale, les gens n’aiment pas faire de la prévention, car pour beaucoup, prendre un médicament ou faire des analyses lorsque tout va bien et qu’on ne ressent pas de douleur, ça semble difficile, voire inutile. Or, il faudrait faire un premier dépistage à partir de 40 ans puis mesurer tous les cinq ans sa pression artérielle, son cholestérol, mesurer aussi son diabète pour estimer son taux de sucre dans le sang. Ces analyses extrêmement simples se font en cinq minutes de consultation. Il faut savoir que cela peut rapporter gros, puisque si on dépiste une hypertension on peut la traiter et diminuer très vite le facteur de risque. Idem pour le cholestérol et le diabète qu’on peut parfaitement traiter. Le dépistage est donc essentiel !

Du coup, la plupart du temps, les patients vous consultent lorsqu’ils ont déjà des symptômes ?

Oui, notamment lorsqu’ils ressentent des douleurs dans la poitrine. Ce sont des gens inquiets, car l’âge avance et chaque douleur peut être une alerte de quelque chose de grave. Nous recevons aussi des patients qui souhaitent tout de même se faire dépister car ils veulent maîtriser leur avenir ou ont des inquiétudes familiales, car un ou plusieurs membres de leur famille ont déjà eu des maladies cardiaques. En réalité, on loupe tous les gens qui sont à l’aise avec le fait qu’il faut partir un jour et qui ne veulent pas faire d’analyses préventives tant qu’ils n’ont pas d’alertes ou de douleurs. Mais le dépistage des maladies cardiaques est au final très simple comparé au dépistage d’autres pathologies graves je pense à la mammographie pour le cancer du sein ou à la coloscopie pour le cancer du côlon. Là, il faut simplement faire une prise de sang et quelques tests très simples alors que les maladies cardiovasculaires, je le rappelle, sont les premières causes de mortalité au monde, y compris en Suisse !

Il y a donc des efforts à faire sur la prévention ?

Absolument, c’est pour cela qu’on y travaille avec la santé publique. Si l’on prend l’exemple de l’infarctus, on se rend compte qu’environ 30% des patients ont eu des douleurs thoraciques quelque temps avant que l’infarctus ne se déclare. Concrètement, si on améliorait la prise en charge de ces douleurs dès les premiers instants on pourrait largement éviter beaucoup d’infarctus. Nous devons donc faire passer ce message au plus grand nombre: n’hésitez pas à aller consulter un médecin dès que ces douleurs apparaissent surtout si vous avez passé la cinquantaine.

Enfin, pour rassurer nos lecteurs, y a-t-il des avancés médicales qui permettent aujourd’hui de mieux traiter ces pathologies? 

Effectivement, nous avons fait des avancées thérapeutiques considérables! Les interventions sont aujourd’hui beaucoup moins invasives et bien plus rapides. Il ne suffit quasiment que d’une piqûre pour déboucher une artère, on pique et en vingt minutes c’est fait, le patient rentre chez lui le soir même. Même chose lorsque des valves aortiques sont endommagées, fini les ouvertures. Il nous suffit simplement de passer par les artères, en d’autres termes: l’accès au cœur n’est plus du tout synonyme d’opération à cœur ouvert à part dans les cas les plus graves. Bien évidemment avant d’en arriver là, je recommande une fois de plus à tous les patients de plus de 50 ans, de bouger plus, de se faire dépister tous les cinq ans et de diminuer le sucre !

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