Asthme : les plus petits n’échappent pas à la crise !

Photo by Ramin Talebi on Unsplash

En Suisse, on estime qu’environ 1 enfant sur 5 est asthmatique. Mais comment savoir que son enfant est atteint d’une maladie chronique lorsqu’il a du mal à poser des mots sur ses maux ? Comment prendre en charge efficacement un mal enraciné dès le plus jeune âge ? Comment combler le manque de dextérité d’un adulte face à la complexité des traitements ? Et comment bien sûr rassurer les parents tout en les valorisant dans leur rôle ? Eléments de réponse avec le Docteur Mario Gehri médecin-chef de l’Hôpital de l’enfance de Lausanne, rattaché au Centre Hospitalier Universitaire Vaudois.

Par Thierry Amann

En Suisse, approximativement 1 enfant sur 5 souffrirait d’asthme. Ces pathologies asthmatiques sont donc extrêmement fréquentes, on l’observe dans les services d’urgence ou dans les cabinets médicaux: la proportion augmente continuellement depuis environ une trentaine d’années. Et dans la vie quotidienne, il n’y a pas un enfant qui ne soit confronté à de l’asthme autour de lui. Dans chaque garderie, il y a au moins un enfant qui tousse ou qui a de l’asthme. Idem à l’école, où il y a au moins un élève concerné sur l’ensemble de la classe. Directement ou indirectement, l’asthme est installé dans la vie des enfants et des parents.

Pourquoi est-il plus difficile de détecter l’asthme chez les enfants, qu’à l’âge adulte ?

Les plus petits ont du mal à expliquer ce qui les gêne, à poser des mots sur des symptômes qui pourraient guider le diagnostic. C’est aux parents et aux soignants d’être particulièrement vigilants. Très souvent, les parents qui font face à un enfant qui tousse régulièrement et qui présente une respiration sifflante, ne vont pas penser tout de suite à de l’asthme. De plus, les familles auront tendance à repousser l’idée de cette pathologie, car il est difficile de concevoir qu’à un âge si précoce, l’enfant puisse être atteint d’une maladie chronique. Une fois que le diagnostic tombe, c’est un choc pour beaucoup de parents et d’enfants. Bien souvent, c’est d’ailleurs aux urgences lorsque l’enfant fait une crise plus sévère, que le mot asthme est lâché. C’est hélas, un peu le même problème chez les professionnels de santé qui vont diagnostiquer souvent tardivement que l’enfant est asthmatique.

Quelles sont les causes de l’asthme chez les enfants ? On dit parfois que cela peut venir de la nourriture tel que le lait de vache, est-ce vrai ?

L’asthme est une maladie à plusieurs composantes avec bien souvent une composante génétique ou familiale. S’y associe fréquemment une composante allergique avec, surtout chez les petits enfants, les acariens ou les poils d’animaux mais rarement certains aliments. Il est rarissime que le lait de vache provoque de l’asthme. Avant, on prévenait les allergies dans les familles à facteur de risque en interdisant certains types d’aliments comme le lait de vache. Mais la médecine s’est aperçue que plus les enfants mangent normalement, plus ils s’immunisent et moins ils deviennent allergiques. La troisième cause est l’environnement respiratoire de l’enfant en particulier à la maison. Le tabagisme, la pollution atmosphérique, et plus généralement l’état de la planète font que désormais dans les villes, les facteurs irritatifs et délétères pour un petit poumon sont de plus en plus présents. Lorsqu’on parle d’asthme chez l’enfant, les parents ont tendance à chercher LE coupable : les acariens, le chat de la grand-mère et bien d’autres. Il faut voir les choses de manière beaucoup plus globale.

Les symptômes chez les enfants sont-ils les mêmes que chez les adultes ?

Ils sont en réalité très différents. Chez un enfant de 5 ans par exemple, en plus du fait qu’il aura du mal à exprimer ce qu’il ressent pour alerter sur sa pathologie, il va paraître plus fatigué, il va moins jouer, il sera plus pâle. Quand on demande aux parents ou aux enfants comment ils sentent leur maladie, nous n’obtenons pas du tout les mêmes réponses que chez les adultes.

« Le premier signe que détectent souvent les parents est une grosse fatigue: l’enfant ne dort pas bien, il est fatigué la journée. »

Le premier signe que détectent souvent les parents est une grosse fatigue: l’enfant ne dort pas bien, il est fatigué la journée. Le seul dénominateur commun entre l’asthme infantile et adulte est la toux sèche qui s’accompagne souvent de sifflements.

Et si les symptômes s’aggravent, comment bien gérer la crise ?

Tout d’abord le patient devrait connaître son asthme. L’éducation thérapeutique donnée par des médecins ou des infirmières spécialisées est essentielle. Cette connaissance de la maladie est capitale pour gérer les crises, car elle permet de détecter les signes précoces et les mécanismes qui vont causer les crises et ainsi de les anticiper. C’est par exemple pour un asthmatique avec une allergie aux bouleaux augmenter la dose de corticostéroïdes inhalés lorsqu’on sait que les pollens arrivent et risquent de provoquer une crise. Ces actions évitent l’hospitalisation ou la consultation en urgence. L’asthme est une maladie respiratoire où le patient est un acteur particulièrement efficace et essentiel de sa propre prise en charge.

Si l’asthme n’est pas diagnostiqué quelles peuvent être les conséquences ?

Il faut rester mesuré sur de possibles conséquences plus tard sur la vie adulte. C’est plus lors des mois, voire lors des années de retard de diagnostic qu’il peut y avoir de vraies conséquences. La chose qui est la plus grave finalement, est qu’on peut faire face à des crises d’asthme inaugurales très violentes où des enfants arrivent aux urgences très mal en point. Il y a malheureusement chaque année en Suisse, quelques enfants qui décèdent de crises d’asthme sévères. Souvent des situations où une allergie se manifeste par une crise d’asthme très aiguë.

Quels sont les traitements pour lutter contre l’asthme infantile ?

Globalement, les molécules de base pour traiter l’asthme des enfants sont les mêmes que pour les adultes. Les bronchodilatateurs comme le « Ventolin » vont soulager en ouvrant les bronches. Les corticoïdes vont eux, apaiser l’inflammation pulmonaire. Chez l’enfant, la particularité est que ces traitements qui sont par voie d’inhalation, doivent arriver directement dans les poumons. Ils doivent donc bien les respirer et ce n’est pas forcément aisé pour les plus petits. Ainsi, le spray s’administre chez les enfants grâce à une chambre d’inhalation où l’enfant respire le produit qui a été pulvérisé à l’intérieur de cette chambre. On peut aussi utiliser un masque fixé à la chambre d’inhalation pour le petit nourrisson afin de diffuser lentement mais sûrement le produit. On sait que pour la majorité des enfants asthmatiques ces techniques d’inhalation sont très mal connues et peu maîtrisées. D’où l’importance de l’éducation thérapeutique.

Justement quels sont les moyens pour accompagner parents et enfants dans la prise en charge de l’asthme ?

Les différentes étapes de prise en charge ont toutes la même importance, l’éducation thérapeutique est donc aussi essentielle que les suivis chez les pédiatres et les spécialistes. Tous les enfants peuvent bénéficier d’un dispositif de type école thérapeutique comme ce que propose l’école de l’asthme par exemple. Ces écoles s’articulent autour de deux modèles : des écoles thérapeutiques en groupe qui sont les plus fréquentes, où familles et enfants reçoivent une éducation partagée sur les connaissances de la maladie, les techniques de traitement, et des plans de traitements propres. L’autre modèle est le partage de la problématique d’un enfant atteint d’une maladie chronique en éducation thérapeutique individualisée. On constate qu’après un passage en école thérapeutique, les recours aux urgences diminuent massivement, idem pour les crises hospitalisées. En clair, la maladie est beaucoup mieux maîtrisée et cela est démontré par de nombreuses études. Le deuxième aspect bénéfique est plus d’ordre psychologique, avec une acception de la maladie bien plus grande et surtout moins négative et génératrice d’angoisse pour les parents et les enfants. Cette éducation et cette approche sont assez propres aux enfants, mais on pourrait, voire on devrait les étendre aux adultes, c’est en tout cas les retours que nous avons dans les écoles de l’asthme où des parents, eux-mêmes asthmatiques, réclament ce type de prise en charge. On peut donc espérer qu’un jour l’apport de la pédiatrie pourra inspirer la prise en charge de l’asthme chez les adultes. A quand une école de l’asthme pour adultes ?

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